Historique du Jubé dans les églises paroissiales rurales d'Angleterre
Archiprêtre Lester Bundy
Professeurr Emeritus en Études Religieuses
Regis University, Denver
http://www.saintpeterorthodox.org/Ember%20Tidings%20Volume%202%20Number%201.pdf
Cet article a été publié dans EMBER TIDINGS, Vol. 2, No. 1, Mars 2004
Introduction
Le jubé dans une église traditionnelle Chrétienne est basiquement un mur bas ou une cloison séparant le choeur et l'Autel de la nef, la zone où se tient l'assemblée. Avec le temps, les jubés ont pris diverses formes et ont été utilisés de diverses manières. Une étude complète sur tous les aspects des jubés sort largement du champ d'étude de ce modeste article.
L'étude se limitera dès lors à l'église paroissiale rurale d'Angleterre.
Des études récentes ont montré que le jubé occidental et l'iconostase orientale étaient fortement apparentés et provenaient des mêmes origines. Le développement du culte Chrétien en général, et du Sanctuaire en particulier, est un progrès naturel partant du culte du Temple à Jérusalem. Les premiers Chrétiens ne se voyaient pas comme formant une nouvelle religion, mais plutôt comme continuant la relation d'Alliance établie par Dieu dans l'Ancien Testament. L'Épître aux Hébreux met l'accent sur la Grande Prêtrise du Christ en tant que remplacement de la Grande Prêtrise du Temple. Le culte de l'Église découle du culte de l'ancien Israël, comme en un progrès naturel. La nef de l'église Chrétienne remplace la cour des prêtres dans l'ancien Temple, et le choeur remplace le Saint des Saints. C'est basé sur l'idée d'un lieu Saint spécial, mis à part du monde matériel, où Dieu et l'humanité se rejoindraient en leur contact le plus intime. Le développement du Sanctuaire en tant que lieu
principal du culte sacramentel n'est pas une innovation de la part de l'Église mais la continuation du plan de Salut de Dieu manifesté dans le culte continu de Son peuple. Dans son livre "Jesus Christ and the Temple" (St. Vladimir’s Press 1980) George Barrios donne une description plutôt complète de l'endroit du Temple durant la vie de Jésus. Comme le fait remarquer Barrios, le Temple n'était pas un accident de l'Histoire, mais une partie du plan général de Dieu pour le Salut. Durant la liturgie cultuelle des premiers Chrétiens, la zone entourant la table de l'Autel, vue comme lieu sacré, était séparée du restant de l'espace cultuel par divers moyens, en général un petit écran ou cloison. Finalement, cette cloison devint plus substantielle, et en Orient, elle devint [1] l'iconostase ou cloison d'Icônes. Dans l'Église d'Occident, le Sanctuaire était séparé de la nef par ce qui s'appellera par la suite le jubé, en anglais "rood screen". Le mot "rood" vient du vieux mot Saxon qui signifie croix. Il était traditionnel dans l'Église antique, tant en Orient qu'en Occident, d'avoir une croix au-dessus de la cloison entre la nef et le choeur, placée au centre.
Les antiques églises médiévales du nord de l'Europe étaient souvent plutôt primitives, du fait de la nature très simple de la société en Europe occidentale, des conditions de vie et du manque de technique. Les plus anciennes de ces simples églises furent construites en bois et quelques unes subsistent encore de nos jours. Certaines de ces dernières anciennes structures en bois
survivent, comme les Stavkirken, les "églises en bois debout", en Scandinavie.
Bien qu'il existe quelques désaccords à propos des origines des "Stavkirken", il y a une similitude évidente avec le type d'architecture ecclésiale de la basilique tel que trouvé tant dans les antiques églises d'Orient que d'Occident. L'agencement de base et le plan au sol des églises Chrétiennes sera essentiellement similaire dans l'Église tant en Orient qu'en Occident, jusque presqu'aux temps modernes. En général, l'église paroissiale rurale anglaise adoptera l'agencement que l'on retrouve dans les petites églises paroissiales tant d'Europe Orientale qu'Occidentale depuis le début de l'ère Chrétienne jusqu'à la Réforme Protestante.
Typiquement, ces églises sont faite d'une simple nef rectangulaire, ou une zone de rassemblement centrale pour l'assemblée avec un petit Sanctuaire attaché au bout de la nef. L'entrée de la nef est en général un petit porche ou narthex à l'autre extrémité du bâtiment. L'on passe de la nef dans le Sanctuaire par une ouverture en forme d'arc, pratiquée dans le mur, plus petite que la dimension intérieure du Sanctuaire lui-même. On peut encore voir des exemples en pierre de cette distinction entre nef et Sanctuaire tant dans l'antique architecture Scandinave que Saxonne. A la fin de la période médiévale, comme les villes grandissaient en taille et importance, les églises sont devenues plus élaborées et plus grandes. Souvent, de grande fondations monastiques ont bâti d'impressionnante églises abbatiales et les évêques ont financé la construction de cathédrales élaborées, de sorte que l'architecture des églises occidentales est devenue de plus en plus complexe.
En Angleterre, les premiers lieux de culte publics ont dû être en plein air, où une grande croix pouvait être érigée, et où les gens pouvaient se rassembler pour écouter la prédication de missionnaires, éventuellement être baptisés et recevoir la Communion d'Autels portatifs. A l'époque, de modestes églises en bois ont été élevées en ces lieux, desservies par des prêtres itinérants, habituellement assignés par des monastères des environs. Lorsque les communautés ont grandit en taille, les bâtiments en bois ont été remplacés par des constructions en pierre, et du clergé résident y fut assigné. Depuis les temps les plus anciens, les intérieurs de ces bâtiments étaient sculptés et peints (comme l'étaient les croix en pierre qui les ont précédés) avec des images des Écritures et des vies de saints. La clôture du choeur a toujours servi de point central pour le regard, et dès lors, c'était habituellement la zone avec l'iconographie la
plus importante. Plus la communauté était riche, meilleure était la qualité des peintures et de la statuaire. Dans les églises en pierre des débuts, la séparation entre la nef et le choeur était impressionnante, souvent constituée d'un mur plein avec une ouverture relativement petite menant au choeur. Normalement, ce mur était richement décoré de peintures. Avec le temps, l'ouverture arquée fut agrandie, et s'offrit une vision plus complète du sanctuaire.
Afin de continuer à maintenir la distinction entre la nef et le choeur, le jubé est devenu un élément de premier plan. Dans les petits bâtiments où l'ouverture vers le choeur était très petite, une croix fut attachée sur le mur au-dessus de l'ouverture, mais dans les ouvertures sur le choeur de taille plus importante, une poutre était utilisée pour porter une croix au-dessus du centre de l'ouverture. Pour finir, il devint habituel d'avoir une statuaire au sommet de la poutre : un crucifix avec les personnages de Marie et de Jean de part et d'autre. La poutre au crucifix servait de partie supérieure dans ce développement du jubé. Avec le temps, les jubés sont devenus plus complexes. D'une unique
étroite paroi, ils se sont parfois développés pour devenir des plates-formes pouvant tenir le crucifix au-dessus du choeur, et où des cierges spéciaux, des statues, etc, pouvaient être exposés, et même de petits choeurs pouvaient aller pour y chanter. Le jubé que l'on peut encore voir à Saint-Mary, Guilden Morden, Cambridgeshire, est un exemple d'une paroi complexe, épaisse, n'ayant cependant pas conservé son étage intact.
La partie supérieure de la paroi (grosso modo à partir d'un mètre 20 de haut) était normalement fait d'étroits piliers sculptés en bois avec une partie d'ouverture substantielle permettant de voir les actions du prêtre pendant qu'il célèbre la Messe. Durant le Grand Carême, un drap était accroché sur le jubé et n'était relevé que durant la célébration de la Messe. Le bas du jubé était habituellement composé de panneaux fermés sur lesquels on trouvait des images de divers saints. Les cathédrales et grandes abbayes ont développé des jubés fort élaborés, en pierre taillée, et quelques paroisses rurales avaient aussi des jubés en pierre, mais le jubé en bois était la norme dans les petites églises paroissiales.
Comme le décrit si bien Eamon Duffy dans son excellent livre "The Stripping of the Altars", le
gouvernement de la soi-disante "Réforme" d'Henry 8 a causé la ruine et la destruction de l'intérieur de nombre d'églises en Angleterre [2]. Une entreprise de desécralisation encore plus minutieuse a été réalisée sous la dictature d'Oliver Cromwell et des Puritains du 17ème siècle. Cependant, au cours de la dernière partie du 19ème siècle, nombre d'églises ont vu leur intérieur restauré, et nombre de jubés ont été replacés. Dans un nombre étonnamment grand de cas, des restants des jubés originaux avaient été cachés et existaient encore, et furent restaurés. Il ne fait aucun doute que le jubé était une partie intégrante de l'église occidentale traditionnelle jusqu'aux désacralisations des iconoclastes "Réformateurs".
Sources (anglophones) afin de poursuivre l'étude :
Francis Bond The Chancels of English Churches (Oxford Press, London, 1916)
Harold King The Arts of the Church: The Chancel and the Altar (Mowbray, London, 1911)
Percy Dearmer Art and Religion (Student Christian Movement, London 1924)
M. D. Anderson History and Imagery in British Churches (John Murry Pub. London, 1971)
J. G. Davies The Origin and Development of Early Christian Church Architecture (SCM Press, London, 1952)
Eamon Duffy The Voices of Morebath (Yale University Press, New Haven, 2001)
*-*-*-*-*
Notes du traducteur :
[1] l'iconostase actuelle, c'est à partir du 16ème siècle. Voir :
http://www.myriobiblos.gr/texts/french/contacts_sigel_iconostase.html
[2] : et la "Réforme" en Belgique ou en France aussi!!
[3] Quelques photos et liens de documentation sur le Jubé en Europe (essentiellement) pré-Schisme : Espagne, Angleterre, France, Belgique
Un "jubé" grec?
Comparez les photos d'Angleterre avec celle-ci du monastère Zoographou, au Mont Athos!
Adaptation offerte par Charles-Quint : un grandiose Jubé
Bretagne : Chapelle Saint-Fiacre (1480)
Le Faouët, Morbihan, 50km Quimper, 40km Lorient
http://www.arrakis.es/~jalp/spnave.htm
http://www.artehistoria.com/historia/obras/8991.htm
http://www.romanicozamorano.com/zamora/s_pedro_nave/san_pedro_de_la_nave.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/San_Pedro_de_la_Nave
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/fr/9/99/Wisi_San_Pedro_de_la_Nave_plan.jpg
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/fr/5/51/Wisi_San_Pedro_de_la_Nave_a.jpg
http://www.restena.lu/lhce/GuyBiver/Culture/IBERIA/Wisigothes/Wisigothes.html
http://www.encyclopedie-universelle.com/abbaye-san-pedro-de-la-nave.html
Santa Comba de Bande, Orense
Provincia O(u)rense
http://www.arrakis.es/~jalp/stacomba.htm
http://www.jdiezarnal.com/santacombadebande.html





http://www.artehistoria.com/histesp/obras/9065.htm
http://es.wikipedia.org/wiki/Santa_Comba_de_Bande
http://www.spain.info/TourSpain/Arte%20y%20Cultura/Monumentos/
http://www.jdiezarnal.com/santacombadebandeiglesia01.jpg
http://www.jdiezarnal.com/santacombadebandeinterior01.jpg
église Saxonne de Saint-Laurence, Bradford on Avon, 8ème siècle
http://www.britannia.com/church/saxchurch/bradford1.html
http://www.britannia.com/church/saxchurch/bradford2.html
http://en.wikipedia.org/wiki/Bradford_on_Avon
http://www.bradford-on-avon.org/history.htm
http://www.freshford.com/anglo_saxon_church.htm
http://www.thornber.net/england/htmlfiles/bradford_on_avon.html
http://www.wiltshire.gov.uk/community/getchurch.php?id=309
Jubé de l'église St Laurence

http://www.eg.bucknell.edu/~hyde/England/day11b.html
http://www.octavia.net/anglosaxon/earlyEnglishArchitecture.htm
l'église vue de dehors :
l'Autel :
Liste des rares églises Saxonnes rescapées des destructions massives des Normans (troupes de Rome, en 1066) et des Protestants (à partir du 16ème siècle)
http://en.wikipedia.org/wiki/Anglo-Saxon_architecture
Et leur histoire (en anglais)
http://www.octavia.net/anglosaxon/earlyEnglishArchitecture.htm
Chapelle St. Margaret's, Castle mount, Edinbourgh, Écosse
http://en.wikipedia.org/wiki/Edinburgh_Castle#St._Margaret.27s_Chapel
http://en.wikipedia.org/wiki/St._Margaret%27s_Chapel



