Souvenez-vous. Comme c'était étrange, n'est-ce pas, que pour Pâques, on nous sorte une pseudo découverte d'un "évangile" de Judas (*). Pour rappel, cet "évangile" de Judas était connu de toute l'humanité depuis son invention à fin du 2ème ou début du 3ème siècle, puisqu'on en parlait alors comme d'une nouveauté. En effet, notre Père dans la Foi, Saint Irénée de Lyon, dénonçait cet ouvrage de la toute nouvelle secte des Cainites dans son "Contre les Hérésies" livre 1 chapitre 31,1. Il y cite nommément ce pseudo-évangile de judas, comme nouveauté donc à son époque, et non pas comme un ancien et authentique écrit évangélique que la "méchante Église du Christ" aurait planqué pour empêcher 2 pelés 3 tondus de "se" sauver tous seuls.
[* annonce "heureusement" contrebalancée par la découverte de 2 autres plus "importants" encore]
La médiatisation de ce pseudo-évangile n'allait pas rester sans lendemain. On devait bientôt voir qu'il n'avait en réalité été qu'un ballon d'essai, un simple un galop d'essai destiné à préparer le terrain à une grosse artillerie bien hollywoodienne, financée en sous-main par des groupes secrets anti-démocratiques.
J'ai nommé le "Da Vinci Code", bien entendu. Avec le flop commercial qu'il a fait au cinéma - échec inversément proportionnel au battage médiatique et au lavage de cerveau, 2 années durant, pour préparer son lancement - comme prévisible, il n'a pas fait long feu sur les écrans. Mais les gredins avaient un autre tour dans leur sac à malices. Si ça rate pour gâcher Pâques, on va gâcher Noël, tel est leur devise. D'où il sortent, "heureux hasard", la version DVD pour les fêtes de la Nativité. Les inepties et contre-vérités historiques recommencent à polluer les pages des media - on se demande bien pourquoi ils perdent leur temps avec ça, s'ils n'y croient pas.. Je suis content de trouver cet article du p. Patrick Reardon, il arrive à point. Tout le monde pourra laisser ce DVD pourrir dans la hotte du "père noël" - qui est une ordure, c'est bien connu et "c'est bîn vré"; le petit gros en fringues ridicules et au pif aviné est de toute manière un très mauvais exemple pour les enfants puisqu'il ne boit que des sodas mauvais pour la santé (tous les diététiciens vous le diront); et par dessus le marché, il martyrise de pauvres animaux pour trimballer sa camelotte fabriquée par des esclaves en Asie, et il ne la distribue qu'aux enfants dont les parents ont du pognon à gaspiller et pas aux mômes qui n'ont rien..
Ainsi, avec l'argent économisé, tout le monde pourra se prendre quelques cierges en plus pour la fête de la Nativité du Christ, l'église n'en sera que plus lumineuse et chaleureuse! Après cette envolée mi-humoristique mi-caustique, place au sérieux, à l'article du p. Patrick.
JM
Le Concile de Nicée
Prêtre Patrick Henry ReardonBien que la popularité du "Da Vinci Code" a récemment rendu le Concile de Nicée familier à un nombre plus grand de personnes, elle a aussi fait que cet ancien Concile soit plus généralement mal compris. En effet, nombre de personnes de nos jours semblent avoir pris pour argent comptant le fait que les évêques réunis à Nicée en 325 auraient en effet débattu et "voté" au sujet de la divinité de Jésus, et que le "oui" ne l'aurait alors emporté que d'une faible majorité. Le "Da Vinci Code" voudrait nous faire croire que jusqu'alors, l'Église ne croyait pas dans la divinité du Christ, ou que c'était pour le moins une question controversée. Nicée, nous dit-on, a arrangé l'affaire, donnant au Christianisme une nouvelle orientation dans l'histoire.
En fait, rien de la sorte n'a eu lieu à Nicée. Il n'y a pas eu de débat – ou de vote – à propos de la divinité du Christ à ce Concile, parce que les Pères conciliaires reconnaissaient que la divinité du Christ était déjà établie dans l'enseignement commun de l'Église et rapporté dans les pages du Nouveau Testament.
Ce sur quoi les Pères de Nicée se sont penchés et ont voté n'était pas la divinité du Christ, mais l'enseignement du prêtre Arius, qui avait récemment promulgué l'idée que le Fils de Dieu, qui avait assumé notre humanité en Jésus, n'avait pas été le Fils de Dieu de toute éternité. Arius disait qu'il y avait eu Dieu le Père avant qu'il n'y ait le Fils; le Père et le Fils étaient 2 êtres distincts, l'Un précédant l'Autre.
La question devant le Concile était de savoir si oui ou non ce nouvel enseignement d'Arius était compatible avec ce que les Apôtres avaient enseigné dans leur prédication et leurs Évangiles et Épîtres que l'on trouve dans le Nouveau Testament. Jésus n'était pas le point du débat à Nicée. C'était Arius qui l'était.
Les évêques à Nicée ont attentivement examiné ce qu'Arius avait publié, et puis se sont posé une simple question : "Est-ce que ces idées d'Arius sont compatibles avec ce que nous trouvons dans la tradition et les écrits des Apôtres?" Et ils ont répondu, après quelques délibérations animées, "Eh bien, en réalité, non. En fait, diablement non, et le contraire serait étonnant."
Le raisonnement à Nicée était le suivant : en Jésus de Nazareth, nous reconnaissons le Fils de Dieu. C'est pourquoi nous nous adressons à Dieu en tant que Père, de même que Jésus nous l'a enseigné. Si, comme l'a dit Arius, il y a eu un temps où Dieu n'a pas eu un Fils – quelque point après quoi Dieu devint le Père – l'une ou l'autre chose ont du avoir lieu. Soit Dieu a changé essentiellement, intérieurement (ce que Nicée a reconnu être impossible), ou le Père a créé le Fils. Si c'est ce dernier cas, alors le Fils est une créature, de nature différente de Dieu, extérieure à Dieu, une créature qui n'est pas essentiellement différente du restant de la Création.
Voilà une très sérieuse conséquence, se sont dit les Pères Nicéens, parce qu'un grand problème était l'enjeu. Si ce Fils était simplement une autre créature différente de et externe à Dieu, une créature presque comme nous-mêmes, alors nous humains étions toujours dans nos péchés, parce que la mort et la Résurrection de Jésus n'auraient pas pu nous sauver. D'après le Nouveau Testament, après tout, notre rédemption a été "expiée" [*], "rachetée", par le sang de Jésus (Romains 3,25; 5,9; Ephésiens 1,7; 2,13; Colossiens 1,14-20; 1 Pierre 1,19; Apocalypse 5,9). Maintenant, si notre rédemption a été quelque part achetée, assurément nul autre que Dieu n'aurait pu payer le prix. Le Nom même de Jésus (en hébreux) signifie "le Seigneur sauve." Les Pères Nicéens ont dès lors perçu que l'enseignement d'Arius touchait au fond même de notre rédemption. C'est pourquoi ils ont pris soin de préciser que le Fils de Dieu "S'est fait homme pour nous les hommes et pour notre Salut."
Dieu et Jésus, dès lors, sont distincts (puisque le Père a envoyé le Fils) mais ne sont pas séparables. Puisqu'il n'y a jamais eu Dieu le Père sans Son Fils, alors le Fils doit être aussi éternel que le Père. Autrement, le Fils serait essentiellement une créature, quelqu'un qui n'avait pas existé avant que Dieu le crée. Ceci, dit Nicée, c'est ce que les Apôtres ont enseigné, et c'est la raison pour laquelle le prêtre Arius était totalement dans l'erreur.
Pour exprimer leur condamnation d'Arius sur ce point, les Pères à Nicée ont formulé une nouvelle expression, disant que le Père et le Fils ne sont pas 2 êtres différents. Ils ne sont pas séparables. Ils sont "de même essence" – "homoousios" en grec, langue utilisée lors de ce Concile. Il ne pourrait y avoir de Dieu le Père, ont-ils déclaré, sans Dieu le Fils; sinon le Père ne serait pas réellement le Père.
Il est important de faire remarquer que l'utilisation du terme "homoousios" n'a pas "clarifié" quoi que ce soit à propos de Dieu. Cela n'a ajouté aucune nouvelle lumière ou intelligibilité à ce qui avait déjà été révélé en Jésus de Nazareth.
Le but des définitions dogmatiques n'est pas de jeter une lumière nouvelle sur ce qui est, après tout, la plénitude de la vérité révélée. Le but des définitions dogmatiques est, plutôt, de confondre les hérétiques. Les dogmes servent à "affiner" la révélation dans le sens de déclarer ce "qui n'est pas en accord" avec la révélation. Cependant, de lui-même, un dogme n'ajoute rien de nouveau.
Dès lors, il est erroné d'imaginer que la déclaration de Nicée aurait clarifié la vérité révélée. Elle ne l'a pas fait. Nicée ne nous a absolument rien dit de plus que ce que les Apôtres avaient déclaré. En effet, les Pères Nicéens ont particulièrement insisté sur ce point.
Après tout, qu'est-ce que cet "être" – cet "ousia" – de Dieu, cette "divinité" commune au Père et au Fils? Ou, pour poser la question différemment, en quel sens est-ce que le Fils est "engendré" du Père? Les Pères de Nicée n'avaient pas la moindre idée sur le sujet, pas plus que nous. Pas plus que les Apôtres. Nulle quantité de réflexion pourrait "clarifier" ces choses-là. C'est pourquoi la déclaration conciliaire contre Arius était une déclaration apophatique ou négative. Le Concile n'a pas pu élucider "l'être" de Dieu ou la "génération" du Fils, au-delà de ce que Jésus Lui-même avait déclaré : "Le Père et Moi, nous sommes Un" (Jn. 10,30).
Les pères du Concile ont cependant pu condamner ce diabolique Arius en tant qu'hérétique, et ils l'ont fait volontiers avec cette claque enthousiaste appelée un "anathème."
Posté: 12-Dec-06
Le p. Patrick Reardon est le pasteur de l'église orthodoxe Antiochienne de Tous les Saints à Chicago, Illinois (USA), et éditeur principal de Touchstone : a Journal of Mere Christianity. Il est aussi l'auteur de "Christ in the Psalms" et "Christ in His Saints" (ces 2 livres étant publiés par Conciliar Press).