Le patriarche Alexis II, de l'Église Orthodoxe de Russie, relâche des colombes blanches au monastère de Donskoi à Moscou, samedi 7 avril 2001, pour marquer la fête de l'Annonciation (ancien calendrier) (AP Photo/str)
L'Annonciation! A une époque, c'était un des jours les plus lumineux et les plus joyeux de l'année, une fête qui consciemment, et même inconsciemment, était liée à une intuition jubilatoire, une vision radieuse du monde et de la vie. L'Évangile de saint Luc rapporte l'histoire de l'Annonciation.
"Au sixième mois, l'ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, auprès d'une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph; le nom de la vierge était Marie. L'ange lui dit en entrant: "Je te salue, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi." Bouleversée par ces paroles, elle se demandait ce que signifiait pareille salutation. L'ange lui dit: "Rassure-toi, Marie, tu as gagné la faveur de Dieu. Tu vas concevoir et enfanter un fils, à qui tu donneras le nom de Jésus. Il sera grand: on L'appellera Fils du Très-Haut; le Seigneur Dieu Lui donnera le trône de David, son père; Il régnera sur la maison de Jacob éternellement, et Son règne n'aura pas de fin." Mais Marie dit à l'ange: "Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d'homme?" L'ange répondit: "L'Esprit-Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. Aussi l'être saint qui naîtra de toi sera-t-il appelé Fils de Dieu" (Luc 1,26-35).
Bien entendu, quand on le regarde d'une perspective pseudo "scientifique" athée, ce récit de l'Évangile fournit quantité de raisons pour parler de "mythes et légendes." Le rationaliste dira "Depuis quand est-ce que des anges apparaîtraient à des jeunes femmes et discuteraient avec elles? Est-ce que les croyants pensent vraiment que les gens du vingtième siècle, vivant dans une civilisation de haute technologie, pourraient croire cela? Est-ce que les croyants ne peuvent pas se rendre compte à quel point c'est stupide, non-scientifique et impossible?" Le croyant n'a jamais qu'une seule réponse possible à cette sorte de controverse, de dénigrement et de ridiculisation : oui, hélas, c'est impossible de faire rentrer cela dans votre étroite vision du monde. Aussi longtemps que vos arguments à propos de Dieu et de la religion restent au niveau superficiel de l'expérimentation chimique et des formules mathématiques, vous aurez facilement raison. Mais la chimie et les mathématiques ne sont d'aucune aide pour prouver ou réfuter quoi que ce soit dans le domaine de Dieu et de la religion. Dans le langage de votre science, les mots ange, bonnes nouvelles, joie et humilité sont bien entendu vides de sens. Mais pourquoi limiter la discussion à la religion? Plus de la moitié de tous les mots sont incompréhensibles pour votre langage rationaliste, et dès lors en plus de la religion, vous avez aussi à supprimer toute poésie, toute littérature, toute philosophie, et virtuellement toute l'imagination humaine. Vous souhaitez que le monde entier pense comme vous le faites, en termes de production et de puissance économique, d'entreprise collective et de programmes. Et cependant, le monde entier ne pense naturellement pas de cette manière, et il doit être enchaîné et forcé pour le faire, ou plutôt, pour avoir sembler le faire. Vous dites que toute imagination est fausse parce que "l'imaginaire" n'existe pas, et cependant, l'imagination est ce dont les peuples ont toujours vécu, vivent maintenant, et vivront aussi à l'avenir. Car tout ce qui est plus profond et plus essentiel dans la vie a toujours été exprimé dans le langage de l'imagination.
Je ne prétend pas comprendre ce qu'est un ange, ni, en utilisant le langage limité du rationalisme, je ne saurais expliquer l'événement qui a eu lieu il y a quelque 2.000 ans d'ici dans une petite ville de Gallilée. Mais ce qui me frappe, c'est que l'humanité n'a jamais oublié cette histoire, que ces quelques versets ont été repris dans d'innombrables peintures, poèmes et prières, et qu'ils ont inspiré et continuent à inspirer. Cela signifie bien sûr que les gens entendent quelque chose d'infiniment important pour eux dans ces mots, quelque vérité qui ne pourrait apparemment pas être exprimée d'une manière autre que dans le langage joyeux et enfantin de l'Évangile de Luc. Quelle est cette vérité? Ce qui s'est passé quand la jeune femme, à peine sortie de l'enfance, entendit soudain – avec quelle intense profondeur, avec quelle transcendante hauteur! - cette merveilleuse salutation : "Réjouis-toi!" Car tel est en effet le message adressé par l'ange à Marie : Réjouis-toi!
Le monde est rempli d'innombrables livres parlant de lutte et de compétition, tous tentant de montrer que la voie vers le bonheur est dans la haine, et dans aucun d'entre eux vous ne trouverez ce mot "joie." Les gens ne savent même pas ce que ce mot signifie. Mais cette joie même annoncée par l'ange reste une force entraînante, qui a encore la capacité de surprendre et de secouer les coeurs humains. Entrez dans une église la veille de l'Annonciation. Restez-y, attendez pendant que le long Office se déploie lentement. Puis vient le moment, après la longue attente, doucement, avec une beauté si divinement exquise, le choeur commence à chanter l'hymne familier de la fête :
"Avec la voix de l'Archange, nous te crions, ô Toute Pure : Réjouis-toi, ô pleine de Grâce, le Seigneur est avec toi!"
Des siècles et des siècles se sont écoulés, et cependant, quand nous entendons cette invitation à se réjouir, la joie remplit notre coeur d'une vague de chaleur. Mais quelle est cette joie? Par dessus tout, nous nous réjouissons de la présence même de cette femme, dont la face, dont le visage, est connue à travers le monde, qui nous regarde depuis les Icônes, et qui est devenue une des plus sublimes et pures figures de l'art et de l'imagination humaine. Nous nous réjouissons de sa réponse à l'ange, de sa fidélité, de sa pureté, de son intégrité, de son don absolu et de son humilité infinie, de tout cela qui résonne à jamais dans ses paroles : "Je suis la servante du Seigneur; qu'il m'en soit fait selon ta parole." Dites-moi, existe-t'il quoi que ce soit en ce monde, où que ce soit dans son histoire riche et complexe, qui soit plus sublime et plus beau que cet être humain-là? Marie, la Toute Pure, celle qui est Comblée de Grâce, est véritablement celle en qui, comme le chante l'Église, "toute la Création se réjouit." Au mensonge à propos de l'homme, ce mensonge qui le réduit à n'être que terre et appétit, bassesse et brutalité, mensonge qui dit qu'il est perpétuellement réduit en esclavage des lois immuables et impersonnelles de la nature, l'Église répond en pointant vers l'image de Marie, la toute pure Mère de Dieu, celle à qui, selon les mots d'un poète Russe, "les déversements des plus douces larmes humaines sorties de coeurs débordants" sont offertes dans un flot ininterrompu. Le mensonge continue à imprégner le monde, mais nous nous réjouissons parce qu'ici, dans l'image de Marie, le mensonge est montré pour ce qu'il est vraiment. Nous nous réjouissons dans le ravissement et l'émerveillement, car cette image est toujours avec nous tel un réconfort et un encouragement, une inspiration et une aide. Nous nous réjouissons parce qu'en contemplant cette image, il est SI facile de croire dans la céleste beauté du monde et dans l'appel de l'homme, céleste et transcendant. La joie de l'Annonciation, c'est la Bonne Nouvelle de l'ange, disant que le peuple a trouvé grâce auprès de Dieu et que bientôt, très bientôt, à travers elle, à travers cette femme de Gallilée totalement inconnue, Dieu commencerait à accomplir le mystère de la rédemption du monde. Il n'y aurait plus ni tonnerre ni peur en Sa présence, mais Il viendrait à elle dans la joie et la plénitude de l'enfance. Par elle, un Enfant sera maintenant un Roi : un Enfant, faible, sans défense, et cependant, à travers Lui, toutes les puissances du mal sont à jamais dépouillées de leur puissance.
Voilà ce que nous célébrons le jour de l'Annonciation, et pourquoi la fête a toujours été, et demeure si joyeuse et radieuse. Mais je le répète, rien de ceci ne peut être compris ou exprimé dans les catégories limitées et dans le langage familier à l'athéisme "scientifique", ce qui nous amène à conclure que cette approche-là a volontairement et arbitrairement déclaré une dimension entière de l'expérience de l'être humain comme étant non-existante, inutile et dangereuse, en même temps que le sont aussi tous les mots et concepts utilisés pour exprimer cette expérience. Pour débattre de cette approche en utilisant strictement ses propres termes, ce serait comme d'abord s'enfoncer dans une fosse profonde et noire où, puisqu'on ne verrait pas le ciel, on en nierait l'existence. Le soleil ne peut être vu, donc le soleil n'existe pas. Tout est sale, repoussant et noir, et dès lors la beauté est inconnue et son existence est niée. C'est un endroit où la joie est impossible, et dès lors tout le monde est triste et hostile. Mais si vous quittez cette fosse et grimpez à l'air libre, tout d'un coup vous vous retrouvez au milieu d'une église retentissante et joyeuse où vous entendrez à nouveau :
"Avec la voix de l'Archange, nous te crions, ô Toute Pure : Réjouis-toi!"
[Extrait de, "Celebration of Faith" Sermons, Vol. 3, "The Virgin Mary", par feu le protopresbytre Alexander Schmemann, 1995.]
Homélie de saint Proclus, évêque de Cyzique, prononcée en 429 dans la grande église de Constantinople, en présence de Nestorius au trône.
Une revue catholique-romaine traditionnelle a récemment republié un discours attribué à saint Proclus, qui avait été publié en français dans une autre revue catholique-romaine en 1959. L'introduction est typiquement hétérodoxe. Elle reprend aussi l'introduction de l'article de 1959; j'ai cherché dans une des collections canoniques citées, mais n'ai pas trouvé le texte de l'homélie. Par contre, une encyclopédie en anglais en ligne le mentionne, toutefois sans donner le contenu. Je mentionne cependant, ce texte méritant lecture.
Textes liturgiques pour la fête de l'Annonciation
http://forum-orthodoxe.com/~forum/viewtopic.php?t=1808
Podcast de la radio orthodoxe sur la fête de l'Annonciation
http://www.orthodoxie.com/2007/03/radio_lannoncia.html
Si ce 5ème dimanche de Grand Carême n'avait pas coïncidé avec le 25 mars, fête immémoriale de l'Annonciation, il aurait dû être consacré à sainte Marie l'Égyptienne.
Voici quelques enluminures de la fin du Moyen-Age occidental sur cette grande ascète, exemple de la conversion sans retour, et de la force que l'ascèse donne au Chrétien.
Sainte Marie-Madeleine et sainte Marie l'ÉgyptienneOffice des mortsDen Haag KB ms 76 G 17, folio 187v
Den Haag KB ms 76 G 17, folio 187v, détail
Sainte Marie l'Égyptienne, en bas à droiteDen Haag KB, ms 76F5, folio 34v
34v detailfragment de Psautierstyle rigoureusement identique à celui du Psautier de Saint-Bertin!
Sainte Marie l'Égyptienne
Par Rutebeuf, un trouvère parisien du 13ème siècle
Le Triode de Carême
Moniale Evfrosyna
Exposé présenté au 5ème Stage de Chant liturgique du Diocèse d'Europe
Occidentale au Couvent de Lesna en juillet 1997
traduit du russe par C. Savykine