par l'archevêque Stylianos d'Australie
Le mot "mystère" provient du grec, et date des temps pré-Chrétiens. Pour les anciens Grecs, les "mystères" étaient ces rites religieux qui impliquaient une sorte de processus "d'initiation", c'est à dire une introduction dans et une familiarisation avec quelque vérités "mystiques" et cachées. Les mieux connus de ces rites étaient les rites "Eleusiniens."
C'est du verbe "muw" (initier) – qui signifie "je ferme mes yeux à moitié" de sorte que je puisse mieux examiner et réfléchir en limitant la lumière externe qui ne me permet pas de me concentrer au dedans de moi-même – c'est de ce verbe que dérivent les mots "mystère", "mystique", "mystagogie", etc, qui tous se réfèrent
Le terme "sacrement" est souvent utilisé pour "mystère" dans la terminologie moderne de l'Église, afin d'exprimer "l'action" visible dans le contexte du culte, par lequel la grâce invisible est transmise au fidèle. C'est pourquoi nous parlons de 7 principaux mystères ou Sacrements de l'Église, sans que cela bien entendu ne signifie que la Grâce salvatrice de Dieu soit nécessairement ou exclusivement liée à ces "actions" concrètes.
Cependant, il y a une signification plus générale pour le terme "mystère", qui exprime le total indéfini des vérités connues et inconnues qui règle la position et les relations de la personne avec Dieu et avec ses frères en humanité, au sein de l'entièreté du plan de la Divine Économie. Car, comme il a été dit avec beaucoup de justesse, "aucun homme n'est une île" (John Donne, 1572-1631)
Au coeur de cette signification plus large et plus générale, toute personne humaine possède son propre mystère, comme une unique empreinte digitale, peu importe l'apparence externe de la vie de cette personne.
Ce mystère, bien que sans aucun doute inconnu d'autrui, demeure largement inconnu même de la personne concernée.
Cependant, quand le mystère de la personne individuelle a une signification décisive pour le Salut des autres – et ceci est principalement vrai dans le cas des saints – alors le mystère personnel ne reste plus un secret scellé de 7 sceaux. Car, comme le disait feu le père Païssios, "le saint se cache lui-même, mais la Grâce de Dieu le révèle." Elle le "révèle" bien entendu non pas pour "la louange du peuple," mais pour le Salut de nombreuses personnes.
Ainsi, la confession et la gratitude d'entre ceux qui en bénéficient deviennent, sans même essayer, une révélation et un commentaire étonnant des aspects cachés de leur mystère personnel.
Si cela amène à la question de "décoder" l'aspect non-visible du mystère de chaque "vase d'élection" et instrument de la divine Grâce en ce monde, alors il n'est que naturel que cela devrait avoir lieu de manière bien plus approfondie avec l'incomparable "mystère" de la Vierge Marie.
La période de componction qui s'étend sur les 15 premiers jours d'Août, avec les traditionnels jeûne et offices quotidiens de supplication, nous donne à nouveau cette année une occasion de nous rappeler quelques unes des nombreuses bontés de la Mère de Dieu envers l'humanité tout entière. Ces vérités surpassent cependant toute logique, c'est pourquoi nous ferons appel à la conscience des fidèles, plutôt qu'à leur logique. Et nous rappellerons plusieurs des bienfaits uniques en leur genre que la Vierge Marie, étant "comblée de Grâce", nous a apportés, et qu'elle continue à prodiguer parmi nous à travers ses incessantes "intercessions."
Saint Grégoire Palamas, l'éminent théologien et archevêque de Thessalonique au 14ème siècle, admirant l'insondable "mystère" que la Vierge Marie cristallise silencieusement au centre de la Divine Économie, va même aussi loin que jusqu'à dire que Marie la Mère de Dieu est "la cause de tous ceux qui sont venus avant elle, et la gardienne de tous ceux qui sont venus après elle." Peu importe l'étrangeté que cette description peut avoir au sujet d'une créature de Dieu – même s'il s'agit de la Vierge Marie – nous allons voir ci-après que ce n'est pas une exagération d'amour due à l'enthousiasme, ni une formule rhétorique qui ne serait qu'une sorte de "liberté poétique." Au contraire, cette affirmation est la définition théologique la plus précise et la plus profonde, digne du grand Docteur de l'Orthodoxie.
Si la théosis, c'est-à-dire la déification de la personne humaine était la "volonté pré-éternelle" de Dieu, qui considérait à l'avance l'Incarnation, il est clair que le "don" de la nature humaine par la Vierge Marie au Fils et Verbe de Dieu fut le but le plus haut de la Création toute entière. Pour cette raison, "tout ce qui était avant elle" est à juste titre considéré comme étant dirigé vers la Vierge Marie, en tant que "cause finale." Et précisément parce qu'elle a une telle relation cruciale avec tous ceux qui sont venus avant elle, dès lors elle est la protectrice de "tous ceux qui sont venus après elle." De cette manière, la Mère de Dieu est présentée comme étant la "clé" de toute la Création.
Ayant l'événement sotériologique suprême et central de l'Incarnation comme fondement, nous pouvons facilement vérifier diverses autres caractéristiques correspondantes de la Vierge Marie, qui fournissent un aperçu plus détaillé de son incomparable mystère personnel et de sa grandeur.
C'est précisément cette position si centrale et cette relation de la Vierge Marie avec l'entièreté du plan de la Divine Économie qui a permis aux Pères de l'Église de former et développer non seulement un parallèle typologique, mais aussi un parallèle substantiel entre la Vierge Marie et l'Église en général. L'axe central de ce parallèle est le fait que toutes les deux sont à la fois Mère et Vierge, ayant maternité et virginité absolues, puisque toutes deux sont fécondées "par le Saint Esprit." L'identification quasiment complète du mystère de la Vierge Marie avec le mystère de l'Église toute entière est parfaitement et précisément exprimée même jusque dans le verset psalmique "de glorieuses choses sont chantées à ton sujet, ô cité de Dieu" (Ps 87,3). C'est l'unique cas dans toute la Création où une personne seule "représente" la cité de Dieu toute entière, c'est-à-dire la multitude des "gens étant déifiés." Cette image seule suffirait déjà à exprimer à jamais la largeur et la profondeur du mystère de la Vierge Marie, ce qu'elle-même avait confessé avec contrition et gratitude lorsqu'elle avait prédit de manière doxologique : "désormais toutes les générations me diront bienheureuse" (Luc 1,48).
Le fait que la gestation et l'incarnation de Dieu le Verbe par la pure Mère de Dieu fut le paroxysme et un service unique rendu à l'humanité et à la Création toute entière, n'empêcha pas saint Maxime le Confesseur d'enseigner que l'exemple unique de la Vierge Marie devait, en quelque sorte, avoir une prolongation et se refléter dans la vie de chaque fidèle. Toute personne fidèle doit "faire naître" le Verbe de Dieu dans sa vie et devenir, d'une manière personnelle, une sorte de Porteur de Dieu (Theotokos). Ceci ne signifie bien entendu pas une répétition de "l'union hypostatique", ce qui serait une hérésie inacceptable et un blasphème. Cependant, ce qui est exprimé ici c'est bien entendu faire naître le Verbe de Dieu dans un sens moral en chaque personne, à travers la Grâce divine qui est communiquée par la communion au Saint Esprit, au sein de la vie sacramentelle de l'Église.
En tout cas, nous allons approcher le mystère de la Vierge Marie d'une manière encore meilleure en nous remémorant 3 aspects spécifiques de sa vie historique, qui tous 3 expriment 3 caractéristiques fondamentales de sa sainte personne:
1) son humilité et son obéissance
2) sa virginité perpétuelle
3) la divine élévation avec sa Dormition
2) sa virginité perpétuelle
3) la divine élévation avec sa Dormition
De prime abord, l'on pourrait croire que la première des 3 caractéristiques ci-dessus était en fait la cause d'où les 2 autres ont germé, comme une sorte de récompense de la part de Dieu. Cependant, un examen plus minutieux révélera que toutes les 3 caractéristiques sont équivalentes, ou, en d'autres termes, sont 3 perspectives d'une même réalité que Dieu par laquelle Dieu a dotée celle qui est "comblée de Grâce."
L'extrême humilité et obéissance de la Vierge Marie signifient qu'elle s'est entièrement abandonnée entre les mains de Dieu. Sur ce point précis, la "virginité perpétuelle" de la Mère de Dieu est fondée et scellée à jamais, et c'est aussi pour cela que nous ne devrions pas limiter cela uniquement à son intégrité corporelle, mais plutôt à sa conscience et à sa personne toutes entières, qui n'ont jamais admis la plus petite divergence (ou égarement) par rapport à la volonté divine.
Et quand la créature rationnelle de Dieu, qui est Son icône/image, choisit librement l'extrême humilité, par là maintenant la virginité continuelle par égard pour la volonté divine, alors il devient clair qu'une telle personne a, par la Grâce de Dieu, atteint l'incorruptibilité, ce que la Dormition suggère.
Il n'y a que de la sorte que la tombe ne sait plus être une banqueroute finale et une fin pénible à une vie tourmentée, mais au contraire, le début et le prélude au "Huitième Jour", quelque chose qui nous permet de chanter au sein du culte de l'Église :
"O merveille des merveilles!
La source de la Vie est déposée dans le tombeau,
et la tombe elle-même devient une échelle vers les Cieux..."
Pour cette raison-là, l'Église antique a considéré que "l'anniversaire" de quelqu'un n'était pas celui de sa naissance dans le monde, avec toutes les incertitudes qui allaient s'ensuivre, mais plutôt le jour de son endormissement dans le Seigneur, qui non seulement scellait définitivement son temps sur terre, mais aussi la physionomie finale de cette personne dans le Royaume de Dieu. C'est aussi pour cela que les Orthodoxes, quand ils gardent leur Tradition, célèbrent la fête du saint patron plutôt que les anniversaires terrestres.
Paru dans Voice of Orthodoxy, v. 18(8)
publié par l'archidiocèse d'Australie

Homélie du p. Alexander Schmemann, publiée ici l'an dernier :
http://stmaterne.blogspot.com/2006/09/la-nativit-de-la-mre-de-dieu-8.html

Par le diacre Benjamin Johnson, un comparatif des textes liturgiques de la fête de ce jour pour le Rite Orthodoxye byzantin et l'ancien Rite Orthodoxe occidental romain
http://stmaterne.blogspot.com/2006/09/unit-dans-la-diversit-un-de-ces-rites.html

Dicton météo du jour:
A la Bonne-Dame de septembre,
tout fruit est bon à prendre!
Besançon - BM - ms. 0550, folio 054v
enluminure d'Herman de Valenciennes, fin 14ème s.
source & (c)