"Ô étrange Église Orthodoxe, si pauvre et si faible, qui se maintient comme par miracle à travers tant de vicissitudes et de luttes. Église de contrastes, à la fois si traditionnelle et si libre, si archaïque et si vivante, si ritualiste et si personnellement mystique.
Église où la perle de grand prix de l'Évangile est précieusement conservée, parfois sous une couche de poussière. Église qui souvent n'a pas su agir, mais qui sait chanter comme nulle autre la joie de Pâques."
P. Lev Gillet ("Un moine de l'Eglise d'Orient)

08 mai 2008

De Pâques à la Pentecôte (p. George D. Dragas)




1. La période Pentecostale. Le mot "Pentecôte" signifie "cinquantième," et il est utilisé pour désigner le grand événement de la Descente du Saint Esprit (Epiphoitesis) sur les Apôtres et l'Église le 50ème jour après la Résurrection du Christ, et 10ème jour après Son Ascension au Ciel.
Avant Sa Passion, le Seigneur avait parlé à Ses disciples du don du Saint Esprit, qu'ils devaient recevoir après l'Ascension. Les détails sont rapportés dans l'Évangile de saint Jean : "Je demanderai au Père de vous envoyer le Saint Esprit, Qui vous défendra et sera toujours avec vous" (Jn 14,16). Il dit aussi "Le Saint Esprit ne saurait venir avant que Je ne sois parti. Mais après Mon départ, Je vous enverrai l'Esprit" (Jn 16,7). Après Sa Résurrection, le Seigneur apparut aux disciples et leur dit : "Recevez l'Esprit Saint" (Jn 20,22). C'était un avant-goût de la Descente (Epiphoitesis) survenue le Dimanche de Pentecôte.
Vers la fin de l'Évangile de saint Luc, le Christ dit à Ses disciples : "Je vais envoyer sur vous ce que Mon Père a promis. Vous autres, restez en ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus d'une force d'en-haut" (Lc 24,49). C'est cependant dans les Actes d'Apôtres que saint Luc parle de l'accomplissement de cette promesse. "Le jour de la Pentecôte étant arrivé, ils se trouvaient tous réunis. Soudain retentit du ciel un fracas semblable à celui d'une bourrasque de vent et ce bruit remplit toute la maison où ils étaient assis. Alors ils virent paraître comme des langues de feu qui, se partageant, vinrent se poser sur chacun d'eux. Ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et se mirent à parler des langues étrangères selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer" (Actes 2,1-4).
Depuis les temps anciens, la période de 50 jours allant de Pâques à la Pentecôte a été appelée Pentecôte, du fait de ce qui commença avec le Seigneur soufflant le Saint Esprit sur Ses disciples, et qui se consomma avec la pleine descente de l'Esprit sur les disciples et l'Église toute entière. Alors, l'Église était pleinement née et commença à croître.
Pendant cette période, tout jeûne et agenouillement est interdit, comme confession tangible de la Résurrection du Christ. Ce n'est en fait que le jour même de la Pentecôte que l'agenouillement est repris, et il est lié à un Office spécial d'agenouillement (akolouthia gonyklesias), qui consiste en prières pour le don du Saint Esprit, d'où le nom de "Jour de l'Agenouillement" donné à la Pentecôte (tes gonatistes).
Par la suite, une autre semaine fut ajoutée à ces 50 jours, afin de célébrer l'après-fête (methorta) de la Fête de la Pentecôte. Ainsi, de nos jours, la période de Fêtes mobiles après Pâques s'étend sur 8 semaines, pour comprendre le Dimanche de la Toussaint (Agion Panton), et est divisée en 3 parties
a. Les 40 jours de l'après-Fête de Pâques
b. La Fête de l'Ascension, en plus de sa période de post-Fête
c. La Fête de la Pentecôte, avec sa propre période d'après-Fête.
Les hymnes de cette période sont reprises dans un livre spécial, appelé le Pentecostaire ou Pentekostarion.

2. Dimanche des Femmes Myrophores. Nous avons déjà parlé de la Semaine Radieuse (Diakainesimos) et du Dimanche de saint Thomas (1er dimanche après Pâques). Le second dimanche après Pâques est appelé Dimanche des Myrophores (Kyriake ton Myroforon). Il est dédié aux femmes qui apportèrent la myrrhe au Tombeau du Christ. Il est aussi dédié aux disciples secrets du Seigneur, Joseph d'Arimathie et Nicodème, qui organisèrent et assistèrent aux funérailles du Seigneur. Ceci est clairement commémoré dans la lecture de l'Évangile du jour (Mc 15,43-16,8).
Les Myrophores, nous les identifions d'après les saints Évangiles comme étant Marie-Madeleine, Marie mère de Jacques et Josué (aussi appelée Marie de Clopas), Jeanne épouse de Chouza, garde d'Hérode Antipas, Salomé, mère des fils de Zébédée, et Suzanne.
Joseph d'Arimathie, une ville de Judée, était riche et noble, et membre du Sanhédrin, le conseil municipal à Jérusalem. Il était un de ceux qui n'avaient pas acquiescé à la décision du conseil contre le Christ. Il fut aussi celui qui osa courageusement demander le Corps du Christ à Ponce Pilate (Mt 27,57-60; Mc 15,42-47; Lc 23,50-56, Jn 19,38-42).
Nicodème était un dirigeant Juif, un Pharisien, qui était fort versé dans les Écritures et avait rendu une visite nocturne au Christ (Jn 3,1-21; Jn 19,39-42).
Toutes ces saintes personnes nous démontrent clairement que des gens de tous les états de vie peuvent être disciples du Seigneur, jusqu'à jouir du privilège de prendre soin de Son Corps et devenir les premiers témoins de la puissante Résurrection du Seigneur.

3. Dimanches du Paralytique, de la Samaritaine, et de l'Aveugle-né, tels sont les noms des 3 dimanches qui suivent. Ils sont ainsi appelés du fait des péricopes évangéliques et hymnes qui leurs sont attribués. Les événements commémorés en toutes ces fêtes démontrent tous la divine autorité, identité et puissance du Christ, qui seront ensuite pleinement révélées par Sa Résurrection.
La guérison du paralytique à la piscine de Bethesda ou Bethsaida (Jn 5,1-18) montre l'autorité du Christ sur le Sabbat, car ce fut un jour de Sabbat qu'Il guérit le paralytique.
La conversation du Seigneur avec la Samaritaine au Puits de Jacob près de Sichar (Jn 4,3-42) atteint son sommet lorsque le Seigneur dévoile Son identité : "(Le Christ,) Je le Suis, Moi Qui te parle" (Jn 4,26). A la fin du récit, les Samaritains déclarent ouvertement "Nous en sommes certains, Il est le Sauveur du monde" (Jn 4,42).
Et pour finir, la guérison de l'aveugle de naissance (Jn 9,1-41) démontre la puissance divine du Christ et le fait qu'Il vint de Dieu : "C'est la première fois dans l'histoire que quelqu'un a pu donner la vue à un aveugle de naissance. Jésus n'aurait pu faire cela, à moins qu'Il ne vienne de Dieu" (Jn 9,32).

4. Mi-Pentecôte. Le mercredi après le Dimanche du Paralytique tombe exactement au milieu des 50 jours de la période de Pentecôte, et par conséquent, est appelé Mi-Pentecôte (Mesopentekoste). C'est un jour de Fête, et selon une ancienne coutume, il tient sa signification de l'Évangile qui lui est prescrit (Jn 7,14-30). Cette péricope évangélique rapporte le discours que le Seigneur adressa dans le Temple, au milieu de la fête des Tabernacles (Skenopegias), qui expliquait Son autorité sur le Sabbat en des termes d'origine divine, tant de Son enseignement que de Son existence. Au centre de ceci, on trouve les paroles du Seigneur adressées au peuple de Jérusalem : "Je ne viens pas de Moi-même. Celui Qui M'a envoyé est véridique, et vous ne Le connaissez pas. Mais Je connais Celui Qui M'a envoyé, parce que Je viens de Lui" (Jn 7,28). Aussi cruciales sont les paroles exclamées par le Seigneur au dernier jour de la Fête, anticipant la Descente de l'Esprit à la Pentecôte : "Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à Moi, et qu'il boive celui qui croit en Moi; l'Écriture le dit: 'De son sein jailliront des fleuves d'eau vive" (Jn 7,37). Les hymnes de cette Fête rappellent les miracles du Seigneur, qui démontrent Sa divinité, et exhortent les Chrétiens à "garder fermement les Commandements du Seigneur, afin de devenir dignes de célébrer Son Ascension et de participer au don du Saint Esprit" (Doxastikon ton Ainon).

5. Le Retour de Pâques. Le mercredi après le Dimanche de l'Aveugle-Né (6ème dimanche après Pâques), nous célébrons le Retour (apodosis) ou achèvement de la période de post-fête de Pâques. Les Offices du jour, qui comportent une Liturgie pascale, sont chantés de manière identique à ceux de la Semaine Radieuse. C'est le 39ème jour après Pâques, la veille de l'Ascension, quand nous chantons à nouveau l'Hymne de la Résurrection, Christos Anesti, et échangeons les salutations de la Résurrection pour la dernière fois de l'année.

6. L'Ascension. Le lendemain, qui est le 40ème jour après Pâques, nous commémorons l'Ascension du Seigneur au Ciel. La fête de l'Ascension (Analipseos- est explicitement mentionnée au 4ème siècle, mais ses origines remontent plus que probablement aux siècles précédents. Un ancien manuel d'église, les Constitutions Apostoliques, en donnent le commentaire suivant : "Comptant à nouveau 40 jours après le premier Dimanche, vous devez célébrer depuis le Dimanche jusqu'au Mardi la Fête de l'Ascension du Seigneur, quand Il y accomplit toute l'économie et le projet de notre Salut, montant auprès de Dieu le Père, Qui L'avait envoyé, et S'assis à la droite de la Puissance pour attendre que Ses ennemis soient placés sous Ses pieds" (Livre 5, ch. 20).
La Fête de l'Ascension, alors, marque l'achèvement et le scellement de l'oeuvre du Seigneur sur terre, de même que l'ascension de la nature humaine au Ciel, et par conséquent, cela annonce la venue du Don du Saint Esprit à la Pentecôte. Elle est célébrée jusqu'au vendredi de la semaine qui s'ouvre, quand elle est clôturée.
La signification de l'Ascension du Seigneur est aussi liée à Son éternelle prêtrise. L'épître aux Hébreux résume cela comme suit : "Nous avons un Pontife Suprême, Qui est monté au Ciel, Jésus, le Fils de Dieu" (Heb. 4,14)... "Jésus est entré pour nous comme un avant-coureur, pontife pour l'éternité selon l'ordre de Melchisédech" (Heb. 6,20) "Tandis que Celui-ci, vivant éternellement, possède un sacerdoce perpétuel. C'est pourquoi il Lui est possible de parachever le Salut de ceux qui vont à Dieu par Lui, car Il est toujours vivant pour intercéder en leur faveur" (Heb. 7,24-26). "Il est éternellement le suprême Pontife parfait" (Heb. 7,28)... "qui siège à la droite sur le grand Trône de Dieu au Ciel" (8,1).

7. Dimanche des Saints Pères. Ce dimanche, qui se trouve au milieu de la période festive de l'Ascension (7ème dimanche après Pâques) est dédié aux 318 saints pères du Premier Concile Oecuménique, qui a eu lieu à Nicée en 325. Il est par conséquent appelé Dimanche des Saints Pères (Ton Pateron).
L'Évangile du jour reprend la Prière Sacerdotale du Seigneur pour l'unité des Chrétiens, telle qu'on la trouve en Jean 17,1-13. L'Église a décidé la commémoration des Pères en ce dimanche précis parce que les Synodes des éparchies, qui étaient convoqués pour s'occuper de diverses affaires locales, se réunissaient habituellement pendant la période pentecostale.
Successeurs des Apôtres, les Pères ont gardé la Foi apostolique par leurs enseignements. Le kondakion de la Fête l'exprime très clairement et avec éloquence : "Le message des Apôtres et l'enseignement des Pères saints, pour l'Église affermissent l'unité de la Foi; portant la tunique de vérité tissée par la céleste révélation, elle dispense fidèlement et fortifie le grand mystère de la Foi."
Le samedi veille de la Pentecôte est un "samedi des âmes" (Psychosabbaton), et des prières sont offertes pour ceux qui se sont endormis éternellement, afin qu'ils puissent eux aussi être dignes par nos prières de recevoir le don de la Pentecôte, qui est commémoré le lendemain.

8. Dimanche de la Pentecôte. La Fête Chrétienne de la Pentecôte correspond à la fête juive qui porte le même nom, et au cours de laquelle ils offraient les premiers fruits des nouvelles récoltes d'Israël à Dieu (Protogennemata).
La Fête Chrétienne commémore les premiers fruits de la prédication des Apôtres, qui suivirent la Descente du Saint Esprit sur eux au jour de la Pentecôte, Descente suite à laquelle naquit la première Église Chrétienne, commençant avec 3.000 âmes. Depuis cette Pentecôte, l'Esprit demeure dans l'Église et règle la vie et la croissance de l'Église. L'Esprit fait de la totalité de l'Église le Corps uni du Christ. En Consolateur (Paracletos), Il est le gage du retour du Christ, et de la victoire finale avec tout le Corps du Christ.
La célébration de cette fête remonte aux temps apostoliques. Selon l'ancienne coutume, les catéchumènes étaient baptisés en cette occasion, et dès lors, et même de nos jours, on ne chante pas le Trisagion pendant la Liturgie. En lieu et place, on chante le verset paulinien "Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ." Les Vêpres de ce jour, suivant immédiatement après la Divine Liturgie, sont à noter particulièrement du fait de la longue supplique à genoux, qui est dite au début. Cette supplique est la première d'une série qui suivront après la Fête, ayant été suspendues auparavant pendant la période pentecostale.
La Pentecôte est célébrée tout au long de la semaine et se clôture le dimanche suivant. Le lundi de la période d'après-fête se distingue des autres jours de d'après-fête parce qu'il est dédié au Saint Esprit (Deftera tou Agiou Pneumatos). Les Offices du jour suivent le schéma du Dimanche de Pentecôte célébré la veille. On ne jeûne pas pendant la semaine qui suit la Pentecôte.
L'hymne doxastikon du jour est une prière bien connue, par laquelle la plupart des Offices de l'Église commencent, et qui est utilisée par nombre de Chrétiens Orthodoxes comme première prière pour chaque jour : "Roi Céleste, Consolateur, Esprit de Vérité, Toi Qui es partout présent et Qui remplis tout, Trésor de biens et Donateur de Vie, viens et demeures en nous, purifie-nous de toute souillure et sauve nos âmes, Toi Qui es Bonté."

9. Dimanche de la Toussaint (ou de Tous les saints). Le dimanche après la Pentecôte est appelé Dimanche de la Toussaint. C'est une très ancienne fête, mentionnée fin du 4ème siècle, et elle semble avoir été à l'origine instituée comme fête en l'honneur de tous les martyrs.
L'Église a toujours honoré les martyrs. Cependant, puisque l'honneur rendu aux martyrs était à l'origine une question locale, nombre des martyrs nous sont inconnus, et c'est probablement la raison pour laquelle une telle fête fut instituée, en l'honneur de tous les martyrs, connus et inconnus. Cette fête fut placée de manière tout à fait appropriée après la Pentecôte, parce que l'Église est abreuvée et croît à travers le témoignage et le sang des martyrs. Par la suite, lorsque l'Église honora d'autres défunts comme saints, à côté des martyrs, la fête mobile après Pâques acquis un caractère plus général, et se transforma en fête en l'honneur de tous les saints.

10. Fête des saints Apôtres. Le lundi après le dimanche de la Toussaint, on jeûne pour la fête des saints Apôtres. A l'origine, c'était une semaine de jeûne, comme explicitement mentionné dans les Constitutions Apostoliques (livre 5, ch. 20). Par la suite, elle fut reliée à la fête des saints Apôtres (29-30 juin), et fut étendue à toute la période qui va du lundi après le dimanche de la Toussaint jusqu'au 28 juin.


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Notes :
1. Toutes les fêtes mentionnées ci-dessus ont déjà fait l'objet d'un article circonstancié, d'homélies, etc, sur le blog Saint-Materne. Vous les retrouverez dans le menu en marge de gauche, via le menu semestriel.




2. Et maintenant, si vous n'y voyez pas d'inconvénient
, l'article ci-dessus annonçant toutes les fêtes des semaines à venir, je vais faire une petite "pause-blog"..


ça vous laissera plein de temps pour (re)lire les 1123 articles du blog - c'est chouette, hein?! ;-)


Oui, une pause, car nous sommes occupés avec les "labours." Après un début de printemps pourri ayant empêché de semer avant la saint Cuthbert de Lindisfarne (20 mars), un mois d'avril météorologiquement catastrophique pour les cultures, toute cette pluie qui a transformé notre terrain en marigot, le vent et la subite forte chaleur ont fait de la surface une brique d'argile.. ya du boulot...
Et les semailles doivent avoir été faites avant les "saints des glaces" (11 au 14 mai)... puis il faudra un entretien de démarrage conséquent, sinon ça va pas tenir.. Enfin, revenez régulièrement, on ne sait jamais, je pourrais me laisser tenter et prendre 5 minutes de repos à poster l'un ou l'autre de ces centaines d'articles déjà traduits et encore à publier ;-)



3. Petit agenda des saints des jours à venir :

8 mai : sainte Itte et saint Wiro (B); saint Jean l'Apôtre, Évangéliste et Théologien; saint Michel Archange, apparition de Monte Gargano (5ème siècle)

Tropaire de sainte Itte ton 4
Amis de la fête, voici venue
La brillante solennité
La mémoire glorieuse de la servante du Christ
Dont le souvenir réjouit les chrétiens
Épouse fidèle et abbesse bienveillante
Sainte Itte porte aux hommes une grâce qui ne tarit.
Par ses prières, Sauveur, sauve le monde qui est tien.


9 mai : sainte Languida de Tournai et la translation de saint Macaire d'Antioche & Gand (B); saint Pacôme le Grand



10 mai : saint Wiron (B); saint Comgall fondateur de Bangor et l'hymne de Communion "Sancte Venite" (cfr revue "La Voile" n° 4)

Tropaire de Saint Comgall ton 4
O Comgall, Père des Moines, * tu en forma quatre mille à la vie monastique. * Tu allumas le Feu du Christ à Bangor * et ta cellule fut une lueur au milieu des ténèbres du paganisme. * O ami de Saint Columba d'Iona, * toi l'éclat de l'Irlande et de l'Écosse; nous louons Dieu Qui t'a glorifié.

11 mai : saint Gangulphe de Florennes (B); saint Mammert de Vienne, auteur des Rogations dans l'Orthodoxie de rite occidental

Dicton météo - Saints "de glace"
"Saints Servais, Pancrace et Mammert,
à eux 3, un petit hiver."


12 mai : saint Modoald et sainte Rictrude (B); saint Épiphane de Salamine; Saint Aethelheard de Louth et Canterbury

Tropaire à tous les saints du Lincolnshire, ton 8
Comme abondante récolte de Tes semailles du Salut,
le Comté du Lincolnshire T'offre, Seigneur,
tous les saints qui ont brillé dans ce pays.
Par leurs prières et par la Mère de Dieu,
maintiens l'Église et notre pays dans une paix durable,
O Toi le très Miséricordieux



13 mai : sainte Rolende de Gerpines, victime de Charlemagne, et saint Servais de Tongeren, l'ami et défenseur de saint Athanase le Grand (B)

Tropaire de sainte Rolende ton 1
Sainte Rolende, belle épouse du Christ,
Toi qui connut la dureté de cette vallée de larmes,
A genoux devant tes restes sacrés,
Nous implorons ton intercession.
O Vierge de Gerpinnes soulage nos corps et guéris nos âmes,
Afin que nos vies soient agréables à Dieu

à très bientôt!


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Prière pour les ennemis



http://www.stvladimirs.ca/library/prayer-enemies.html

Prière traditionnelle, auteur inconnu

Seigneur Jésus-Christ, Qui nous a commandé d'aimer nos ennemis, et ceux qui nous diffament et nous offensent, et de prier pour eux et de leur pardonner; Qui Toi-même pria pour Tes ennemis, qui Te crucifiaient: daigne nous accorder, nous T'en prions, l'esprit de la réconciliation et de la douceur Chrétienne, afin que nous puissions pardonner du fond du coeur toute offense, et être réconciliés avec nos ennemis. Accorde-nous de vaincre la malveillance et les offenses des gens par la douceur Chrétienne et le véritable amour de notre prochain.

De plus, nous Te supplions, Ô Seigneur, d'accorder à nos ennemis la paix véritable et le pardon des péchés; et de ne pas leur permettre de quitter cette vie sans la vraie Foi et une conversion sincère. Et aide-nous à rendre le bien pour le mal, et à rester insensibles face aux tentations du démon, et préserve-nous de tous les périls qui nous menacent, sous la forme d'ennemis visibles ou invisibles.

Amen
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une autre prière pour les ennemis :
http://orthodoxie.sosblog.fr/Premier-blog-b1/Priere-pour-les-ennemis-Anonyme-b1-p675.htm


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07 mai 2008

Saint Nil Sorsky, ou l'évangélisme Orthodoxe pur



Nil Sorsky ou Nil de la Sora (1433-1508)

Saint Nil est un des tous grands parmi les Pères Russes, et pourtant.. il faudra 4 siècles de vénération populaire pour qu'il se retrouve enfin dans le calendrier de l'Église.
Son opposant contemporain, Joseph de Volokolamsk, s'y retrouva bien plus vite. Ce dernier était un fervent partisan du mythe de "Moscou troisième Rome," d'une théocratie, de l'usage de la force contre les "hérétiques" et les opposants politiques et religieux (jusqu'au bûcher) - bref, c'était un de ces représentants du "papisme à la Russe" qui causeront tant de tort à l'Église en Russie. Il n'aura pas la vénération du peuple - un higoumène partisan du servage, de l'esclavage, dont les monastères possédaient d'immenses terres - et cela voulait dire que les villages et leurs habitants étaient eux-mêmes "propriétés" de ces monastères, un concept abyssalement éloigné de la Foi Chrétienne. Et cependant, ce n'est pas saint Nil qui aura les honneur des saints Autels.. Mais dans les prières du petit peuple, là il n'y aura pas de confusion. Même si les ragots officiels le présenteront comme un "intellectuel" - et j'ai entendu une moniale Orthodoxe me l'affirmer il y a 2 ou 3 ans - son parler vrai, sa mise en pratique de l'Évangile tel que remis par le Christ à l'Église, cela n'aura pas trompé les simples, les pauvres. Et dans leurs prières, il sera toujours là. Et ses miracles confirmeront que c'était bien lui, et pas "les autres," qui était sur l'exemple à suivre. Car la vénération populaire de Joseph n'a jamais eu lieu que du fait de son imposition liturgique...

Face à la dérive ultra-papiste d'une partie de l'Église du Christ, le Seigneur y suscita 2 contre-courants, destinés à la ramener sur la bonne voie. D'abord doctrinalement, au sein du clergé, avec saint Nil et ses disciples, mais ce mouvement sera lourdement réprimé, jusqu'à l'extinction de 2 siècles, en attendant que vienne le renouveau hésychaste en Russie. Et ensuite, et ce mouvement-là sera totalement impossible à contrôler, ces merveilleux "Yourodivy" – les Fols-en-Christ – qui seront partout où le Christ voudra Se faire entendre. Qui oublieront leur humanité, pour être toutes et tous autant "d'Anges dans la chair" – ah que j'aime saint Basile, j'aime sainte Xénia, j'aime saint Nil, vous l'aurez deviné....

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Saint Nil de la Sora: Une Voix dans le Désert
par Miles (Nilus) Stryker
www.saintnilus.org/


C'est dans les sauvages et désertiques étendues du nord de la Russie, au milieu des marais et des forêts qui s'étirent autour de la Volga, que saint Nil Sorski appela le monachisme Russe à revenir à la simplicité, à l'humilité, à la prière, et au coeur de l'enseignement des antiques Pères de l'Église.
On connaît peu de détails particuliers sur la vie de saint Nil. Les traits principaux sont rapportés par le "Paterikon" du monastère de la Trinité-Saint-Serge, et il y a aussi quelques fragments de lettres, de commentaires et d'écrits qui ont survécut tant à la destruction des Tatars qu'à la négligence ecclésiale. Des années durant, l'Église de Russie vit en Nil plus une énigme qu'une bénédiction. Les autorités de l'Église de Russie de l'époque n'avaient pas été à même d'apprécier la valeur de son point de vue, ni de prêter attention à ses avertissements, et elles firent en sorte que tant lui que ceux qui l'ont suivit, et leurs idées, soient relégués aux dernières pages de l'histoire ecclésiastique (1). Il est bon pour l'Orthodoxie en général, et l'Église de Russie en particulier, que pour finir elle fut à même de le reconnaître comme saint, autant que ceux qui avaient des idées plutôt différentes. Ce ne sera cependant pas avant de longues années après sa mort qu'il y aura reprise d'intérêt en faveur de ses écrits et idées, et de son merveilleux exemple personnel de dévotion et détermination Chrétiennes. Bien qu'il ne sera jamais officiellement canonisé par l'Église de Russie (2), saint Nil commença à apparaître dans les calendriers de paroisses au moins à partir de la fin du 18ème siècle (comme constaté en 1864), et on le retrouvera officiellement repris dans le calendrier ecclésiastique officiel à partir de 1903 (3).

Nil de la Sora (Nil Sorsky) naquit vers 1443 dans une famille appelée Maikov. Quelques auteurs le présentent d'ascendance noble (4), mais cette opinion semble dériver du fait qu'il avait de proches disciples et admirateurs qui étaient eux nobles, et de son style d'écriture claire et savante, et de son éducation. Nil parle de lui-même en utilisant l'épithète "poselyanin" (habitant rural) (5) et nombre d'auteurs acceptent son origine paysanne.

Il entra jeune dans la vie monastique, et fut tonsuré "dans ma jeunesse" d'après ses propres paroles (6). On ne sait pas grand chose de ses premières années comme moine. Il entra au célèbre monastère de saint Cyril de Belozersk (9 juin). On ne sait pas trop combien de temps il y demeura, ni les raisons de son départ. Certains auteurs présentent l'idée que ses capacités d'érudit et ses diligents efforts le firent accepter au monastère russe sur la sainte Montagne de l'Athos, en Grèce. On possède cependant un fragment de lettre qui donne une autre raison, et un sens plus personnel de frustration et de mécontentement à l'intérieur de la communauté spirituelle du Lac Blanc.



"Est-ce que mon départ du monastère (du Lac Blanc) n'était pas pour le bien du profit spirituel? Oui, pour son bien; car je n'y voyais plus la préservation de la manière de vivre selon les Lois de Dieu et les traditions des Pères, mais plutôt une vie selon la volonté propre de chacun et les idées humaines; et ils y étaient nombreux ceux qui, agissant de cette manière corrompue, s'imaginaient mener une vie vertueuse." (7)

Il semble donc que Nil soit partit à la recherche d'une forme plus "pure" de vie monastique et accompagné de son disciple, Innocent (qui deviendra saint Innocent de Komel), il fit le voyage de l'Orient vers la vénérable communauté monastique du Mont Athos. Quand y parvint-il, et combien de temps demeura-t'il dans le monastère russe sur la presqu'île grecque, on ne le sait pas.

On pense qu'il maîtrisait le grec, bien que nombre des anciens écrits des Pères de l'Église avaient déjà été traduits en russe (mais non compilés). C'est à cette époque qu'il entama des années dédiées à la lecture, la traduction et l'étude des antiques Pères de l'Église. Il semble avoir été particulièrement attiré par les écrits des saints Basile le Grand, Macaire d'Egypte, Isaac le Syrien, Philothée du Sinaï, Jean Cassien, Nil du Sinai (son homonyme), Maxime le Confesseur, Siméon Stéthatos, Pierre Damascène, Jean Climaque et Grégoire le Sinaïte. On voit clairement sa joie à étudier ces écrits si profonds des Pères dans la citation suivante :

"Je vivais comme une abeille voletant de belle fleur en belle fleur afin de connaître le jardin de la vie, la vérité Chrétienne et afin de ranimer mon âme, d'y paver un chemin pour la préparer à son Salut." (8)

C'est durant son séjour au Mont Athos que Nil commença à affiner sa pratique de toute une vie, la "prière mentale". Au Mont Athos, la "Prière de Jésus" était utilisée comme centre de la dévotion contemplative du Mystère, et on présume qu'il y a travaillé sous la guidance d'un Ancien expérimenté (Staretz) à cette époque.

(Pour plus d'informations sur le développement spirituel de saint Nil, voir ses écrits et contributions)

On rapporte que Nil se serait aventuré à partir du monastère méditerranéen pour partir en pèlerinage vers la ville sainte de Constantinople, visitant les monastères avoisinants, bien qu'il n'existe aucun détail de ces séjours. Apparemment, il voyageait avec son disciple Innocent, et continua ses études et voyages jusqu'à ce que soit il retourne au Mont Athos, soit en Russie. A nouveau, les détails sont vagues et il n'y a plus de chronologie fiable.
Cependant, il est indiqué que Nil rentra en Russie, et vint auprès de saint Cyril de Belozersk (Lac Blanc) après ses voyages et son séjour au Mont Athos. Pénétré par l'enseignement et l'esprit du monachisme grec, il chercha à ramener en Russie ce qu'il avait appris. Après son retour de Grèce, Nil demeura quelque temps au monastère de saint Cyril, "s'étant construit une cellule hors du monastère." (9) Apparemment cependant, ses dévotions et contemplations étaient constamment interrompues par les gens cherchant son conseil et sa compagnie, et il décida de déplacer sa hutte vers un endroit plus éloigné et moins peuplé.

"Alors je m'éloignai du monastère jusqu'où, par la grâce de Dieu, je trouvai un endroit approprié, peu fréquenté par des matérialistes." (10)


Du fait que ses premières expériences dans un grand monastère lui semblaient comporter nombre de désagréments, Nil espéra ramener dans sa partie une nouvelle forme de vie monastique, basée sur de plus petites communautés de moines. Ce qui deviendra connu sous le nom de système monastique du Skete (Skite) s'était développé hors de Russie. Nil avait observé les Skites Athonites et Byzantins durant ses voyages et son séjour en Orient, et pensa que cette forme résolvait nombre des problèmes qu'il sentait exister dans les grandes communautés où il avait auparavant vécu.

Les Skites sont fondés sur le principe suivant : quelques moines qui cherchent à entamer la vie contemplative en bâtissant des cellules individuelles pour la prière et la contemplation, assez proches les unes des autres pour participer ensemble à la Liturgie et aux Offices, et s'entraider en maintenant un moyen de subsistance, ou au moins de quoi se nourrir chacun. De la sorte, tant le sens de la dévotion et de la contemplation privée étaient incorporés à l'interaction plus communautaire du rite et de l'assistance (tant matérielle que spirituelle).

Le système du Skete que Nil amena en Russie était à mi-chemin entre les communautés cénobitiques et l'érémitisme (solitaires, ermites), et leurs formes respectives de dévotion, prière et vie monastique. Le fondateur de plus petites communautés de moines fervents permet à chaque adepte le plus de temps possible pour la prière privée et la méditation solitaire, et reconnaît aussi l'importance des Liturgies communes, des Sacrements et du rituel. Les communautés de Skites sont basées sur la notion de travail individuel et l'idée que chaque moine travaille pour ses propres besoins. Elles réalisent aussi le fait que la vie présente souvent le besoin de l'assistance matérielle et spirituelle, en coopération avec les autres. Cette voie médiane dans l'ascétisme devint la base pour une nouvelle forme de monachisme qui allait se répandre par la suite en Russie et dans la région de la Trans-Volga. Pour Nil, c'était un moyen de créer une manière de vivre dans une solitude profonde et volontaire en relation avec Dieu, à l'intérieur du réseau d'une communauté. C'était sa manière d'accomplir le dicton de vivre "dans le monde sans en faire partie."

L'endroit que Nil se choisit pour devenir la base de son petit Skete a été décrit par les voyageurs comme une région marécageuse, boueuse, près de la Rivière de la Sora. Il y avait de grandes étendues de sapins, mais la rivière n'y coulait pas à flot en cet endroit-là, et c'était décrit comme un endroit désertique stagnant et isolé. Le sol était détrempé, et Nil eut à élever de la terre pour y bâtir sa première cellule. C'est dans ce lieu solitaire et désolé que les fondements du système du Skete en Russie sont nés. De là, son influence se répandit et s'implantât fermement comme une "3ème voie" pour le monachisme Russe et les fondations de communautés contemplatives.




Au départ, Nil repoussa ceux qui cherchaient à devenir ses disciples. Lorsqu'il s'éloigna plus encore du monastère de Saint Cyril, il pensa que l'isolement découragerait la perturbation et les moines qui sollicitaient son conseil. Mais un petit groupe d'adeptes dévoués et insistants commença vite à se rassembler autour de lui pour ses enseignements et conseils spirituels.

"Nombre de vertueux frères vinrent à moi, voulant vivre ensemble, bien que j'en refusais beaucoup, parce que je suis un pécheur et une personne stupide, et si faible d'âme et de corps. Mais certains de ceux que j'avais chassés revinrent en insistant pour rester, et ne voulant pas cesser de frapper à ma demeure, ne me laissant pas tranquille. Alors je considérai cela, me disant que c'était peut-être la volonté de Dieu, qu'ils viennent à moi, peut-être avaient-ils le droit de partager la tradition des saints et garder les Commandements de Dieu et vivre en accord avec la tradition des Saints Pères." (11)

Nil ne se présenta jamais comme un Ancien ou un staretz dans le sens traditionnel. Il se présentait à ceux qui sollicitaient ses instructions comme un ami qui participait au même voyage qu'eux, qui connaissait quelques uns des chemins et pistes qu'ils avaient à emprunter, et avait quelque connaissance des épreuves qu'il serait nécessaire d'affronter dans ce grand voyage vers Dieu. Il se voyait comme égal à ceux qui cherchaient ses conseils, et ne sollicita jamais le titre d'Ancien, ni le statut spirituel élevé que cela impliquait. Il enseignait par des indications et exemples, et partageait ce qu'il avait appris durant ses longues années à scruter les écrits des Évangiles, les Épîtres, et les écrits des Pères de l'Église. Ce n'était pas un voyage facile. Il demandait l'attachement à Dieu et aux Règles du Skete. Les hommes qui restèrent avec lui pour étudier et prier n'étaient pas seulement confrontés à des évaluations spirituelles du voyage, mais aussi à la dureté de la pauvreté qu'ils assumaient volontairement, comme limites de leur Foi et de leur vie.

"Si l'un d'eux ne voulait pas vivre selon les Commandements de Dieu et la tradition des saints Pères, alors il devait cesser de frapper à mon humble demeure. Je le renvoyais comme s'étant démontré paresseux et querelleur." (12)

Les activités des moines à l'intérieur du Skete, et celles de Nil lui-même, étaient en premier lieu centrées sur la prière et la dévotion. Chaque moine, cependant, établissait ses propres règles de prière et d'activités, était responsable pour maintenir ses propres moyens de subsistance, et soumis aux règles communes de la vie du Skete.

"Les enseignements de Nil mettaient l'accent sur la dignité et la liberté. Ses Skites étaient organisés pour assurer un maximum de liberté à l'intérieur de laquelle ses moines étaient libres de chercher après Dieu selon leur manière propre. La vraie sainteté, enseignait Nil, n'était pas définie par un nombre fixe de pratiques ascétiques, ou de prière, mais par les mouvements vers le but, c'est-à-dire le mouvement vers Dieu. Ce mouvement est ressenti comme le but de la vie humaine, et dès lors la signification de la dignité humaine." (13)

Nil et ses disciples entreprirent de copier les livres et de corriger les erreurs majeures dont il ressentait la présence tant dans les textes traduits et dans les interprétations de leurs rédacteurs à l'intérieur des manuscrits, en particulier dans les Vies des Saints. Nil aurait rédigé un compendium majeur des "Vies des Saints", mais malheureusement il a été perdu par l'histoire, bien que des références ont occasionnellement été faites dans des études ultérieures sur sa vie et son oeuvre.

A la fin du 15ème siècle, l'Église Orthodoxe et les institutions monastiques avaient grandit et s'étaient consolidées en même temps que les grands des peuples de Russie. Ils étaient devenus de puissants propriétaires terriens et les sièges de tant le pouvoir séculier qu'ecclésiastique. On estime qu'à peu près le tiers des terres arables étaient propriétés ou contrôlées par ces grands monastères et clercs ecclésiaux. La puissance politique de l'État féodal était à la fois soutenue et étayée par les hiérarques ecclésiaux. Mais comme avec tous les grands conglomérats de pouvoir, il y avait de grands abus d'autorité, tant contre les paysans qui travaillaient sur les terres qu'avec les finances qui étaient amassées par les propriétaires terriens ecclésiaux.

"Les monastères furent parmi les premiers propriétaires terriens à demander à la Couronne des chartes fixant les paysans au sol.. A son niveau, le monastère de la Trinité-Saint-Serge avait 100.000 'âmes' cultivant ses propriétés dispersées sur 15 provinces." (14)

Non seulement l'Église et ses institutions monastiques étaient des acteurs économiques et politiques majeurs à l'intérieur d'une identité nationale croissante, mais étaient aussi des sources majeures pour les hautes études et aussi servaient de centre d'expansion culturelle et de développement en ces temps. Les artisans, architectes, maçons et bâtisseurs, graveurs de bois, orfèvres, argentiers, bijoutiers, peintres et artistes, iconographes, et les écrivains, tous commencèrent à se développer et à fleurir sous mécénat et service d'Église. Quelques unes des plus belles et durables musiques de la civilisation Occidentale ont aussi grandit de cette nouvelle floraison de la culture nationale russe, qui était en recherche de sa propre expression du Christianisme et de la musique locale. Tenter d'examiner les époques et influences dans lesquelles saint Nil vécut n'est pas des plus simple. Il y a beaucoup à dire à propos des douleurs de l'accouchement d'une nation, quand les peuples luttaient pour trouver un commun dénominateur de langue, culture et religion. Des erreurs étaient commises, et des excès avaient lieu. Parfois des valeurs se perdaient ou étaient oubliées, et parfois des institutions religieuses attrapaient l'ivresse du pouvoir suite à leur croissance. Nous sommes tous humains, et la propension humaine aux sales manies semble trouver sa place même dans les institutions les plus religieuses et apparemment les plus morales.

Mais ce sont ces contradictions-là que saint Nil observa, et au sujet desquelles il nous avertit d'être sur nos gardes. Le Christianisme Orthodoxe est une "religion" qui dit qu'afin de maintenir le sacré dans ses rites et la véritable essence de ses enseignements, il nous faut être "dans le monde sans être de ce monde." Pour saint Nil, c'est la responsabilité première du Chrétien. Etre prévenant et doux au possible dans nos relations humaines, tout en étant en tout temps occupé à essayer de maintenir notre dévotion et notre fidèle relation à Dieu, c'est ce à quoi le Christ appelle chacun d'entre nous. Nil vit l'hypocrisie et le danger d'une hiérarchie ecclésiale qu'il pensait avoir perdu la raison. L'édifice de l'Église avait certes grandit, mais saint Nil voyait que l'intérieur était délabré, pollué par l'avidité et l'aspiration au pouvoir et au contrôle. Il ne voulait pour rien sacrifier la véritable essence du Mystère ésotérique de l'Église pour la grande architecture et la structure humaine et l'Etat national.


Nil et ses disciples menèrent une vie relativement obscure et en paix, jusqu'en 1490 (voir note 19), lorsqu'on lui demanda de participer à un Concile de l'Église pour décider du sort d'un groupe d'hérétiques surnommés les Judaïsants. Ces Judaïsants étaient un petit groupe d'intellectuels ecclésiastiques relativement bien placés qui commençaient à avoir une influence sur les interprétations théologiques et le développement de l'Église. Ils se concentraient dans la région autour de Novgorod et commencèrent des incursions dans les années 1470 lorsque d'autres critiques éclatèrent contre l'Église établie. On a perdu nombre des caractéristiques de cette hérésie, ou elles sont discutées par les historiens ecclésiastiques, mais il semble que c'était surtout une question du rétablissement des interprétations de l'Ancien Testament basées sur les Livres de Moïse et le rétablissement des rites de la tradition judaïque comme base pour les Sacrements de l'Église. Les Judaïsants étaient accusés autant d'être des Juifs traditionnels que des "réformateurs radicaux." Leurs idées ont été considérées par les historiens comme du Judaïsme libre-penseur combiné à des accents Chrétiens ou à la mystique de la Kabbale. Ont dit qu'ils niaient la vue Trinitaire de Dieu, l'Incarnation du Fils, le culte des Saints et la valeur spirituelle des icônes. On dit que leurs études s'orientaient vers l'astrologie, l'alchimie et les manuscrits et écrits hermétiques, de même que des anciens textes de la Kabbale. Ils ne voulaient pas circoncire leurs convertis Orthodoxes afin de garder secrète leur présence dans l'Église. Il est certain qu'ils regardaient vers le Judaïsme et l'Ancien Testament comme leur source majeure de théologie. On a présenté une ressemblance dans le mot pour Juif et le mot pour Espagnol, qui en russe seraient fort similaires, et il existe une possibilité que les Judaïsants aient leurs racines remontant aux alchimistes Juifs d'Espagne, qui avaient émigré via l'Europe Orientale vers la Russie. (15) Les Judaïsants étaient aussi fort critiques face à la richesse croissante et aux propriétés terriennes des monastères et de l'Église, et ils cherchaient un retour à une forme plus simple de spiritualité et de dévotion. Leur menace pour l'Église ne fut pas vraiment considérée comme importante, jusqu'à ce qu'ils commencent à "convertir" des prêtres et à acquérir de la sympathie de la part de membres de la famille du Tsar concernant leurs vues critiques. L'influence des Judaïsants continua à se répandre tant dans l'Église que dans la société civile, 15 ans durant, jusqu'à ce que des rumeurs de leur secte secrète et mystique ne parviennent au nouvel évêque de Novgorod.

L'archevêque Gennadij fut nommé pour le district de Novgorod en 1484. Mais il n'eut vent de ces petites bandes d'hérétiques, secrètement adeptes, dans sa juridiction, qu'en 1487, et il commença ses efforts pour écraser les hérétiques. Gennadij considérait relativement favorablement l'Inquisition catholique-romaine, et il pensait que les autorités centrales à Moscou (tant politiques que spirituelles) ne prenaient pas l'hérésie suffisamment au sérieux, et commença à rassembler ses propres forces à l'intérieur de l'Église pour éliminer les Judaïsants. Il écrivit tant au Primat de Moscou qu'au Grand Duc, pour leur rapporter ses trouvailles. Le Grand Duc ordonna à Gennadij d'arrêter les hérétiques et de les amener à Moscou pour jugement. Gennadij, cependant, s'était fait des ennemis dans l'Église, du fait de sa montée en puissance, et Gérontius, le Primat de Moscou, était l'un d'entre eux. Gérontius ne voulut pas permettre de répondre à la demande d'arrêter les hérétiques et de les tester, et ce ne fut pas avant sa mort, 3 ans plus tard, que Gennadij fut à même de demander à l'Église un Concile National pour traiter de l'affaire.

En 1490, un Synode de l'Église fut assemblé pour discuter de l'hérésie judaïsante. Gennadij trouva un allié en la personne de Joseph, abbé du monastère de Volokolamsk. Joseph dirigeait strictement un grand monastère, et était un écrivain compétent, capable de défendre ses points de vue. Il écrivit son traité bien connu "L'Illuminateur" (Prosvetiel) comme défense contre l'hérésie judaïsante. En lui, il défendait les perspectives théologiques orthodoxes traditionnelles. Mais écrire des traités et admonester les idées hérétiques des autres n'était pas sa principale arme contre l'hérésie. Il était un grand défenseur du traitement Inquisitorial des hérétiques, par leur excommunication et leur remise aux autorités civiles afin d'être brûlés vifs. Il justifiait l'usage des autorités civiles en ces matières comme manière de défendre l'Etat Chrétien, et la règle des autorités qui étaient au pouvoir par la grâce de Dieu. Il tenta de persuader les autorités que si les hérétiques se voyaient autorisés à vivre, alors l'existence de leur règle de pouvoir se trouvait menacée. Joseph était studieux, un bon érudit. Il était très versé dans la Bible et les écrits patristiques, et présenta un dossier convainquant contre les hérétiques. Les 4 derniers chapitres de "L'Illuminateur" traitent en particulier des raisons pour lesquelles la punition corporelle et l'exécution devraient être suivies par l'Église à l'encontre des Judaïsants. Il argumentait qu'en fait ils n'étaient pas une hérésie Chrétienne du tout, mais plutôt une faction apostate qui avait abandonné le Christianisme. Il demandait la mort pour leurs dirigeants, la prison à vie (dans de bonnes prisons) pour la plupart des adeptes, et des périodes probatoires longues et strictes pour les quelques uns qu'il considérerait comme s'étant valablement rétractés. (16)

Paisius Yaroslavov (un vénéré staretz Russe, que nombreux pensent avoir été le maître de Nil en Russie) et Nil étaient tous deux présents au Synode de 1490. Ils étaient connus comme opposants tant aux persécutions séculières qu'au procès ecclésiastique contre les hérétiques. Et tous deux, lorsqu'ils avaient à traiter d'infractions tant par des moines que par des laïcs, conseillaient toujours le pardon et la charité.

Nil pensait que la relation entre un être humain et Dieu n'était connue que de Dieu Seul. Il posa des questions sur le rôle de l'Église pour tenter de ramener des soi-disants hérétiques dans le bercail de l'Église avec quoique ce soit comme autres moyens que l'admonition, la prière et l'exemple. (17) Bien qu'il n'y ait plus de compte-rendus spécifiques des échanges entre ceux qui étaient contre les persécutions à l'encontre des Judaïsants d'une part, et les Joséphites qui soutenaient leur excommunication et mise à mort de l'autre, Nil maintint toujours son opposition contre la punition corporelle et l'exécution. Certains auteurs présentent que d'après eux il aurait pu avoir admis "certaines circonstances" où l'Etat pourrait intervenir dans la punition des hérétiques, mais que lui "il était l'avocat de la clémence, comme convenant mieux à des Chrétiens. Dans tous les cas, il s'opposa résolument à la peine capitale. Saint Nil enseigna sans la moindre compromission que la conscience humaine devait être libre, et que 'Nul ne devrait être persécuté pour ses vues religieuses'." (18)


On doit se rappeler que la torture et l'exécution des hérétiques par l'Église et l'Etat était la norme à travers l'Europe à cette époque-là. L'Inquisition de l'Église catholique-romaine battait son plein à l'Ouest, et il n'était pas question de discussion et de débats concernant les vues religieuses en dehors des dialogues canoniques à l'intérieur de l'Église.
"A l'intérieur de l'Église" est le concept capital. Si la divergence de croyance était considérée comme "hors" de l'Église ou des frontières de ce qui définissait le système de croyance traditionnel Chrétien, alors les croyances étaient considérées comme hérésie et les croyants traités de manières plutôt sévères voire horribles. En ce qui concerne Nil, avoir parlé contre les persécutions tant civiles qu'ecclésiastiques des hérétiques était vraiment une approche révolutionnaire, hors des normes traditionnelles du moment. Les vues de Nil sur la liberté de l'individu à poursuivre une relation personnelle avec Dieu et l'idée que Dieu Seul pouvait définir la relation était incroyablement tolérante vu sa culture et société. Il n'y avait pas de philosophie compliquée, ni de propositions théoriques qui étaient à la base de sa tolérance et de ses idées de liberté. Il basait sa vue sur la notion du pardon et de la charité Chrétienne. Il se tournait toujours vers le Christ comme un exemple que tous nous devrions suivre, pas seulement dans le développement de nos relations avec Dieu, mais aussi pour les autorités civiles et la hiérarchie de l'Église. Il insistait pour que nous nous souvenions que l'idée civile d'une société Chrétienne était basée en premier sur cet appel constant au pardon et à l'amour. Et dès lors, que ces institutions et autorités (y compris le Tsar) qui cherchaient à imiter le Christ devaient servir d'exemple dans leur capacité à pardonner et à réadmettre dans le bercail ceux qui s'étaient éloignés des traditions et compréhensions de l'Église.

Il y a plusieurs perspectives historiques dans ces événements qui sont en discussion. La chronologie des Synodes de l'Église de l'époque est assez confuse. Certains auteurs présentent l'idée que les Judaïsants s'étaient simplement "fait taper sur les doigts" à cette époque, et que ce n'est qu'après 1504, ou la mort de Nil en 1508, que des persécutions éclatèrent ensuite de la part de Joseph, et le groupe de clercs qui s'associa avec ses vues, et prévalant, les dirigeants des Judaïsants furent alors brûlés vifs, et le restant emprisonné. Mais quelque soient les particularités de la chronologie, le fait est que les hérétiques furent pour finir tués ou emprisonnés, et que l'hérésie des Judaïsants fut effacée, ou forcée à vivre encore plus cachée. Cette hérésie, pourtant, n'avait jamais eu d'importance réelle sur la théologie ou la pensée de l'Église. Et la tolérance et la charité Chrétienne que Nil conseillait, pour le temps qu'elles ont pu durer, ont finit par succomber face aux normes mondaines d'alors, en considération avec le traitement de ceux "en dehors" des traditions de l'Église.

Il y eut aussi un désaccord au sujet du débat suivant, probablement majeur, qui eut lieu dans l'Église. Que ce Synode d'Église aie eu lieu en 1503 ou 1504 (19), et qu'il fut convoqué pour traiter en premier de la question des Judaïsants ou du mariage des clercs d'Église et des problèmes de leurs veuves, (20), les 2 visions principales et camps se développèrent autour du problème de la propriété. A nouveau, Nil fut au centre de la controverse.

Depuis des années, Nil avait vécu dans son Skete du désert avec une douzaine de moines. Il avait peu de contacts avec le monde extérieur. Il était admiré pour son érudition et son humble dévotion à Dieu, et pour son service effacé envers ses étudiants et l'Église. Ils avaient bâtit ensemble des huttes individuelles comme cellules, et une petite chapelle pour la Liturgie et le culte. Ils maintenaient une vie sévère et simple, comme ascètes et contemplatifs hors des soucis mondains des grands monastères, et des soucis et problèmes que ceux-ci avaient du fait de leurs grandes propriétés terriennes. Les moines du Skete de Nil étaient engagés dans la prière et la contemplation, se rassemblaient chaque semaine pour la Liturgie, et copiaient et traduisaient les écrits dans anciens Pères de l'Église. On rapporte que Nil aurait rédigé des "Vies de Saints" faisant autorité, et un commentaire sur les ascètes du désert qu'il admirait aussi. Nil avait toujours insisté pour que les moines de son Skete aient leur propre travail et de quoi se subvenir à eux-mêmes. Ils ne possédaient pas de grandes terres ni n'employaient de paysans pour leurs travaux ni n'avaient de travailleurs ou de serviteurs attachés. Ils vivaient aussi simplement que possible, et Nil évitait les intrigues politiques et ecclésiastiques qui étaient légions dans le milieu féodal du moment. Il était hors du machiavélisme ecclésiastique qui montait les abbés et les évêques et les clercs les uns contre les autres.

Personne ne s'attendait à ce que cet homme simple mais érudit, timide et retiré, et visiblement engagé dans des activités loin des soucis du monde, vienne se tenir debout et dénoncer les abus de pouvoir et du système des propriétés terriennes qui prévalait dans la communauté monastique. Alors que les clercs assemblés étaient assis, ébahis, à écouter son appel déchirant pour un retour à la simplicité spirituelle et à l'austérité, ils réalisèrent qu'il avait appelé à la destruction du système de propriété ecclésiale tel qu'il existait. Joseph, qui était un grand partisan des grandes propriétés monastiques et communautés, et qui avait quitté l'assemblée, fut ramené par ses collègues pour relever le défi de la position mise en avant par Nil.

Joseph s'était trouvé de l'autre côté de la barrière durant les sessions concernant les Judaïsants, et lui et Nil avaient des vues divergentes concernant les responsabilités spirituelles de l'Église. Joseph avait un agenda bien plus vaste et spécifique concernant le rôle de l'Église dans la politique russe et les luttes de pouvoir, alors que Nil conseillait aux moines de retourner à leurs voeux de pauvreté, prière et dévotion. Si la contemplation était la raison première des moines pour se rassembler dans des communautés très priantes, alors il serait bon de ne pas être chargés par les soucis de diriger de grandes propriétés, des questions de travail des paysans et de servitude, l'incroyable dépense de temps que prenait la gouvernance des villages attachés aux propriétés monastiques et ecclésiales. La richesse personnelle atteinte par nombre d'abbés et de moines de même que le prestige et la puissance venant avec n'étaient pas seulement loin du chemin de leurs voeux de pauvreté, mais en plus les entravaient grandement dans leur voyage sacré vers Dieu.

Nil, avec les autres clercs et moines qui le soutenaient, reçurent le nom des "Non-Possesseurs." Ils devinrent la conscience qui rappelait à l'Église de Russie le besoin de la simplicité et de l'humilité dans la relation à Dieu, à la propriété, à la prière, et pour les communautés dévotionnelles qu'ils espéraient voir enrichir la vie spirituelle du peuple russe. Les "Non-Possesseurs" rappelèrent sans cesse à l'Église la tradition des anciens Pères, le rôle de la prière hésychaste telle que propagée par le Mont Athos, et la primauté des Évangiles et des Épîtres pour établir une solide fondation de dévotion. Au moindre doute, Nil se tournait toujours vers l'Évangile et priait et méditait pour comprendre ce qu'il lisait. C'était la source première de sa grande vision et de son appel au retour vers les bases de la tradition Trinitaire et le chemin Chrétien de simplicité de l'antique Église.

Ceux qui détenaient les clés du pouvoir avaient tout à perdre. Ils consolidèrent leur pouvoir et firent appel à Joseph pour les guider pour repousser les arguments des "Non-Possesseurs." Joseph et son cercle de partisans furent appelés les "Possesseurs." Ils se firent les grands partisans de l'accroissement des possessions terrestres des communautés monastiques, et à l'accroissement du rôle puissant de l'Église dans la relation avec le gouvernement de l'Etat russe en développement et nouvellement consolidé. Ils soutinrent la noblesse et les grands propriétaires terriens, et reçurent autant de vraies terres que du pouvoir politique en échange de leur continuel soutien. Joseph lui-même reçut 7 villages de S. Grannidis comme remerciement pour son soutien et son conseil.

Les 2 camps se servirent pour modérer de quelques unes des positions extrêmes de l'autre. Les "Non-Possesseurs" furent souvent accusés d'une forme de "puritanisme" en relation avec l'ornementation de l'église, et même remirent en question la valeur spirituelle des nombreuses icônes pleines de bijoux que la plupart des grands monastères possédaient. On dit que Nil ne voulait ni or ni argent dans l'ornementation, les vases et les calices sacramentels de sa petite chapelle taillée à la rude. Bien qu'ils n'étaient sûrement pas iconoclastes, les "Non-Possesseurs" encourageaient une forme plus simple d'embellissement architectural et d'iconographie. Nil sentait que la beauté du sanctuaire pourrait finir par distraire le fidèle de sa prière et du développement de sa relation personnelle à Dieu.

Après que Nil eut présenté ses soucis et conseils au Synode, il s'en retourna simplement dans le désert qu'il savait aussi être son refuge. L'inutilité du combat était visible, face à l'avidité et au pouvoir qui avait déjà inondé la structure et la hiérarchie des grandes communautés monastiques. Les grands biens terrestres et le développement de la position formaliste et ritualiste à l'intérieur de l'Église avaient déjà commencé à "dépersonnaliser" le Mystère de la relation sacrée entre l'homme et Dieu. Pour Nil, l'Église allait vite devenir ce monde auquel il voulait échapper. C'était une institution qui s'était détournée et avait cessé de regarder vers Dieu pour s'occuper des soucis des affaires et du pouvoir et de la politique. Lorsqu'il retourna dans le monde noir et humide de son Skete et des quelques moines qui s'étaient assemblés pour apprendre son chemin vers Dieu, il se retira finalement du monde. Il ouvrit la porte de sa cellule, et vint à la maison de la contemplation priante qui était le centre de sa vie. C'est cet exemple de retour qu'il a légué au monde. Le constant rappel que l'on doit toujours se retourner et se retourner vers Dieu. Peu importe à quel point on aurait pu devenir puissant et riche et imprégné des plaisirs de ce monde. Le coeur doit toujours faire chemin retour vers Dieu, et la puissance du Saint Esprit, et l'exemple du Christ. Si quoique ce soit a subsisté de son héritage au-delà des spécificités des "Non-Possesseurs" dans l'Histoire, qui est Histoire d'une nation et d'une Église, c'est bien l'appel de saint Nil de la Sora à se tourner vers Dieu. Cet héritage est au-delà du temps et de l'espace, et nous balise tous le chemin vers un désert où nos coeurs peuvent contempler la grande bonté de l'Être Divin, et où chacun d'entre nous doit lutter pour devenir comme le Christ, basant nos vies sur la simplicité de l'amour et de la vérité et du pardon.
Saint Nil mourût en 1508, à l'âge de 75 ans. Il a laissé derrière lui sa dernière volonté et instruction à ses disciples.


"Moi, l'indigne Nil, je supplie mes supérieurs et frères qui sont du même esprit que moi, d'accomplir cette dernière volonté qui est mienne. Après ma mort, jetez mon corps dans le désert, afin que les bêtes et les oiseaux puissent le dévorer, car il a bassement péché contre Dieu et est indigne d'une sépulture. S'ils ne font pas cela, alors creusez un grand trou là où nous vivons, et ensevelissez-moi là avec toutes les sortes de manques de respects. Craignez les paroles que le grand Arsène adressa comme commandement à ses disciples, disant : 'Je vous ferai citer au Jugement si vous donnez mon corps à qui que ce soit.' Il a toujours été mon plus cher désir autant que mes forces l'ont permit de ne recevoir ni honneur ni louange dans cette vie monastique, alors qu'il en soit ainsi après ma mort. Je vous supplie tous de prier pour mon âme pécheresse, et je vous demande à tous pardon comme je vous pardonne tous. Puisse Dieu nous pardonner tous." (21)

© 1999 by Miles (Nilus) Stryker
Traduction française © Jean-Michel Dossogne 7 mai 2005.

1. Ware, p. 104, 107; aussi Fedotov, " A Treasury...," p. 86.
2. Maloney, p. 9.
3. Ibid, p. 46.
4. Rose, p. 89; aussi Kontzevitch, p. 206; et Maloney, p. 35.
5. Fedotov, "Russian Religious Mind...", p. 265; aussi Tschizewsky, p. 75.
6. Fedotov, "Russian Religious Mind...", p. 265.
7. Rose, op. cit., p. 89; et Maloney, op. cit., P 40.
8.
9. Fedotov, "Russian Religious Mind..." , op. cit., p. 266.
10. Maloney, op. cit., p. 40.
11. Ibid. P, 41.
12. Ibid.
13. Tarsar, p. 29-30.
14. Pipes, op. cit., p. 226.
15. Billington
16. Goldfrank, p. 9; aussi Bolshakoff, p. 40.
17. Zernov, "Third Rome...p. 39.
18. Bolshakoff, op. cit., p. 43.
19. Ibid., p.34; aussi Grundwald, p. 102.
20. Maloney, op. cit., p.45.
21. Rose, op. cit., p. 93; Maloney, op. cit.,p. 45.


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Saint Nil est fêté le 7 mai dans l'Église de Russie et le 7 avril dans l'Église de Serbie

2 livres de et sur saint Nil aux éditions de l'abbaye de Bellefontaine :
G. Maloney - "La spiritualité de Nil Sorsky, L'hésychasme russe." (auteur hétérodoxe)

"Saint Nil Sorsky (1433-1508). La vie, les écrits, le skite d'un starets de Trans-Volga" Textes traduits et annotés par sr S.-M. Jacamon, o.s.b (auteur hétérodoxe)


On voit mieux à quel point il est dur, encore aujourd'hui, à faire passer le message évangélique : c'est hors de l'Église qu'on s'intéresse, certes de manière technique mais tout de même!, à saint Nil et à son message de retour aux sources. Nul n'est prophète en son pays...

Une analyse politique assez étonnante trouvée sur un site internet "nationaliste, révolutionnaire et solidariste":
http://www.voxnr.com/cogit_content/documents/LathoriedelEtateurasienEss.shtml
"Une telle aspiration - se distançant d'une certaine manière d'un modèle radical de l' "Etat obligatoire" - est assez nette chez Alekseiev dans son jugement socio-juridique (traditionnel dans l'historiographie russe) de l'opposition entre les "iosifiens" [les "joséphiens"], les partisans de Iosif [Joseph] Volotsky, évêque de Volokolamsky, et les "zavolzhtsi", adeptes de l'hésychaste (*) Nil Sorsky. Iosif Volotsky, honoré comme un saint russe, fut l'un des premiers théoriciens russes de l' "Etat tributaire". Il considérait toutes les manifestations sociales et même spirituelles de la personnalité comme servant le Tout national-religieux, l'Empire Orthodoxe, la Russie sacrée. Plus tard la ligne de Volotsky fut poursuivie par Ivan Peresvetov, principal théoricien de l'oprichnina (*), et par Ivan le Terrible, figure célèbre de la Russie moscovite, brillant exemple historique de l' "Etat obligatoire". Alekseiev discerne très justement la même ligne dans la ferveur des premiers Vieux Croyants, et pour le temps présent dans le bolchevisme et le léninisme. Alekseiev reconnaît que ce "iosifianisme" est un phénomène profondément eurasiste, symptomatique et extrêmement significatif pour comprendre le modèle socio-juridique alternatif au modèle occidental. Mais ainsi Alekseiev a tendance à considérer un tel modèle non comme l'axe central, mais comme l'un des pôles possibles de l'organisation sociale eurasiste, comme le Pôle Sévère, comme un régime restrictif, prohibitif, écrasant, terroriste, absolutisant le régime public. A ce propos, parmi les contemporains d'Alekseiev, ce modèle "iosifien" était défendu par les nationaux-bolcheviks et par les smenovekhovi (*) [les partisans du courant politique "Smena Vekh"].
Bien que reconnaissant la supériorité du iosifianisme sur le libéralisme, Nikolaï Alekseiev penche cependant vers une version différente du système social, qu'il fait remonter à la ligne des "zavolzhsky startsi" [les "Vieux Croyants"], à Nil Sorsky, à son élève Vassian Patrikeiev, prince de Kurbsk. C'est le Pôle Miséricordieux du modèle eurasiste, permettant une attitude spirituelle, contemplative, dépassant le service social-tributaire, un espace culturel-spirituel particulier invoqué pour compenser l'excès de socialisation et de totalitarisme, pour anoblir et affiner le discours de l' "Etat obligatoire". Et cette ligne aussi, indubitablement, est profondément enracinée dans l'élément national russe, qui en même temps que l'éthique du service et de l'ascétisme connaît parfaitement l'éthique de la spéculation lumineuse, de la méditation dans la grâce, de la transfiguration lumineuse de la chair en esprit. La ligne des "zavolzhsky startsi", sa projection dans la politique, dans une certaine société secrète - qui est soulignée par Alekseiev et qui, selon lui, se trouve derrière le phénomène de l'eurasisme - donne la théorie de l'Etat messianique rigoureux, la Russie-Eurasie idéale, la Troisième Russie, basée sur la pierre angulaire de l' "Etat obligatoire" iosifien, mais sublimée par la contemplation mystique hésychaste-monastique. "La Russie est notre Monastère", a dit Gogol dans un contexte similaire.
En même temps, ce Pôle Miséricordieux ne représente en aucune manière, à proprement parler, une concession au principe légal. La représentation de la personnalité fondamentale, représentant une manière d'être différente de l'unité sociale, est simplement élevée à un niveau religieux-mystique, contemplatif-monastique. Et pourtant aucun droit ne surgit pour la personnalité, mais à coté des devoirs tributaires sociaux, politiques et laborieux, il y a un devoir bénéfique, compensatoire, léger, mais toujours un devoir, celui de la coparticipation hésychaste personnelle à la complétude de la Lumière de la Grâce incréée, ouverte par le sacrifice de Jésus à chaque membre de l'Église - l'Église en tant qu'unité originelle, constituant la "nouvelle personnalité", la "personnalité bénie" du Chrétien, né d'En-Haut.
Le mysticisme de l'histoire russe confirme la justesse des vues d'Alekseiev - Nil Sorsky fut canonisé et accueilli dans la communauté des Saints, tout comme son adversaire Iosif Volotsky. Mais la vénération pour Nil Sorsky était plutôt locale, alors que Iosif Volotsky jouit de la gloire d'un saint national, aimé et largement honoré par le peuple entier. Exactement la même chose est vraie des modèles politiques de l'Etat eurasiste - la ligne iosifienne, terrible, moscovite, oprichino-bolchevik prévalut, comme une sorte d' "exotérisme". Alors que la ligne miséricordieuse des "zavolzhsky startsi" était claire pour l'élite - les startsi de l'Optina (*) [les "saints hommes" de l'ermitage d'Optina] du monachisme, des subtils prophètes de la Russie (comme Dostoïevski ou Blok), de nos mystiques et hommes spirituels."



icône du 17ème siècle, collection A.S. Uvarov.


Quelques citations de saint Nil (en anglais), extraites de ses enseignements à ses moines & disciples :

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Regardons dans la tombe et qu'y voyons nous? Nous voyons notre beauté créée, à présent sans forme, sans gloire, rien de bon n'en demeure. Voyant nos ossements, reconnaissons-nous à qui ils ont appartenu? Était-il roi, mendiant, honorable ou déshonoré? Tout ce que le monde considère comme beau, puissant, devient néant comme la beauté de la fleur qui se fane et meurt, comme l'ombre qui passe : ainsi tout humain est voué à disparaître. Ressens cette instabilité et crie à ton âme : "O que c'est étrange, pourquoi est-ce que cela demeure toujours un mystère pour nous? Comment sommes-nous venus à l'existence corporelle? Pourquoi devons-nous retourner à la poussière par la mort?"

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J'ai toujours cherché dans les Saintes Écritures, par dessus tout, les Lois de Dieu, et leur explication par les Pères, et les traditions apostoliques, puis les vies et les enseignements des saints Pères, et j'y ai appliqué toute mon attention, de sorte que j'ai appris progressivement. En eux j'ai vécu et respiré.. et s'il y avait quoique ce soit à faire pour m'améliorer, et si je ne trouvais pas immédiatement dans les Saintes Ecritures, je les laissais de côté jusqu'à ce que je trouve quelqu'enseignement sur ce point.

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Attachez-vous aux Saintes Ecritures.

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... il est bon que nous nous consacrions à l'oeuvre de Dieu, ensemble avec les fidèles frères, animés par les mêmes aspirations, et que nous habitions avec un ou deux, cherchant ensemble la volonté de Dieu dans les Saintes Écritures. Si le Seigneur accorde une plus grande compréhension à l'un d'entre nous, qu'il aide les autres frères, l'ami instruisant l'ami.

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Une icône réalisée en 1908 pour commémorer le 400ème anniversaire du repos du saint.


Office (en anglais)

Acathiste (en anglais)

Sources de textes et réflexions (en russe surtout, parfois en anglais):
http://stnil.narod.ru/indexe.html

Source d'Icônes :
http://stnil.narod.ru/newicons/icons3.htm

Saint Nil Sorsky et la question de l'iconostase : pauvreté évangélique, fidélité au Christ par les Pères, participation réelle de l'assemblée non-cléricale au Sacrifice (Saint Nil et les staretz d'Outre Volga)? Ou projection de puissance terrestre, ritualisme, luxe, et séparation entre clercs et fidèles non-clercs (Joseph de Volokolamsk)?
La théologienne Orthodoxe contemporaine, Elisabeth Behr-Sigel en a donné un grand aperçu dans son livre "Prière et sainteté dans l'Église Russe"

En voici un article rappelant les fondements & dérives de la belle séparation symbolique devenue cloison fermée et exposition de la puissance et de la richesse temporelle au coeur de nos églises :
http://www.myriobiblos.gr/texts/french/contacts_sigel_iconostase.html
Saint Jean de Cronstadt, Père de l'Église moderne, prophète et thaumaturge, célébrera toujours avec les Portes Royales ouvertes. Et jusqu'au milieu du 19ème siècle, l'église fondée par saint Nil Sorsky ne comportera pas d'iconostase..

Un autre beau texte sur Saint Nil Sorsky :
http://calendrier.Égliseorthodoxe.com/pages/calend05new.html

Le cadre historique et l'héritage de la division entre Joseph et saint Nil :
"Deux courants monastiques se sont créés suite à saint Serge. Il était contemplatif, et il avait une énorme préoccupation sociale. Le mouvement monastique en Russie a petit à petit passé une crise, comme aujourd'hui où tout est si dur. C'est tout à fait normal que nous soyons dans le doute, parfois dans le désespoir, parce qu'on en sort. Il faut penser à lancer parfois des « lumières » autour de nous, comme un simple « bonjour » lancé au voisin le matin - il en sera illuminé et nous avec! Il faut pouvoir être des êtres de lumière.

Tout allait trop bien, à une époque en Russie, une crise allait arriver. Un pan était très social et l'autre très contemplatif. L'un c'était saint Nil Sorski et l'autre Joseph Volokokamsk. Saint Nil était à l'école de saint Serge. Très hautement intellectuel pour autant : « je sonde d'abord les saintes Ecritures, puis les doctrines apostoliques puis les Pères avec ce qui concorde avec ma compréhension. Puis je le copie pour servir mes frères. C'est ce qui m'inspire! Nourriture spirituelle qui doit petit à petit entrer dans la bonne terre de mon âme ». L'esprit de modération dans le domaine spirituel, saint Nil, c'était son chemin. Les skites, les petites communautés, c'est pour lui plus humain que les grands monastères. Cela ne nécessite pas une grande force économique, Nil sait que chaque chose en son temps, etc. Cette façon d'aborder les choses n'est pas l'indice d'une vie médiocre. Il veut attirer ses moines par l'espérance de la Lumière. « Plus que le jeûne, qu'on se préoccupe de la nourriture de l'âme » - l'amitié et l'amour humain était toujours présents dans sa vie. La solitude montrait des très grandes amitiés via son courrier. On est tous tentés à être durs extérieurement, on en a peur pour les dérives qu'il pourrait entraîner.

Tristement, dans la confrontation qui naîtra avec Joseph de Volokokamsk, Nil perdra. Joseph, homme très robuste, il retint de l'Évangile l'exhortation de travailler à son Salut avec crainte et tremblement. C'est aussi juste, quelque part, mais pas forcément applicable à tous. C'est aussi une leçon à retenir. Joseph adopte la méthode qui va de l'extérieur à l'intérieur. Voilà sa démarche spirituelle. Il aime la beauté extérieure de l'Église. Moi aussi, mais si l'amour n'y est pas, si l'esprit n'y est pas, si on l'a figé dans la beauté esthétique, l'essentiel est absent. Il y a eu une rencontre entre les 2 hommes, et Joseph imposera son rigorisme. Le monachisme qui en naîtra se cantonnera dans des pratiques externes. On est à la crise. On s'est enfermé dans ces pratiques externes. Des gens sont arrivés pour nous sauver! Les fols-en-Christ! De redoutables saints!

C'est comme cette femme que j'ai rencontrée à l'église Saint Nicolas, à Saint Pétersbourg, en 1986, étant tout juste ordonné prêtre. Elle était à l'entrée, recroquevillée comme un noeud humain avec un regard vide. On m'expliqua qu'elle était là depuis 20 ans à prier .. pour le repos de l'âme de Staline! Folie de Dieu plus sage que les hommes, disait Saint Paul..."

Hiéromoine Paul (Pellemans), chapelle de "Tous les Saints qui ont illuminé la terre Russe" (Ottignies-Louvain-la-Neuve), extrait d'une conférence donnée à Bruxelles le samedi 4 octobre 2003 sur le thème "la sainteté"




Apparition du Signe de la Précieuse Croix au-dessus de Jérusalem en 351


http://ocafs.oca.org/FeastSaintsViewer.asp?FSID=107787

La Précieuse Croix apparu dans le ciel au dessus de Jérusalem au matin du 7 mai 351, pendant le règne de l'empereur Constance, le fils de Constantin-le-Grand.

A cette époque-là, l'hérésie d'Arius, qui enseignait que le Christ n'était qu'une créature et non pas Dieu, causait de grands troubles et divisions au sein de l'empire. Même après le premier Concile Oecuménique à Nicée en 325, nombre de gens étaient attirés par cet enseignement erroné, et les Orthodoxes s'étaient retrouvés minoritaires en bien des endroits.

Constance, chef de la partie orientale de l'empire, était un fervent partisan de l'arianisme. Ses frères Constantin II et Constant, qui étaient de pieux Chrétiens Orthodoxes, régnaient en Occident. Ils furent tous deux tués dans des batailles différentes vers 350, laissant Constance comme seul chef. Aussi en 350, saint Cyrile (18 mars) devint évêque de Jérusalem et commença sa lutte pleine de zèle contre l'arianisme.

En mai 351, une Croix lumineuse apparu dans le ciel au dessus de Jérusalem, s'étendant du Golgotha jusqu'au Mont des Oliviers, une distance de près de 3km. La Croix était aussi large que longue, et brillait plus que le soleil. Nombre de gens quittèrent leurs maisons et leurs lieux de travail pour se rassembler à l'église et y glorifier le Christ. L'historien Sozomène dit que ce signe merveilleux amena à la conversion au Christ pour des multitudes de païens et de Juifs.

On a conservé une lettre de saint Cyrile adressée à l'empereur, dans laquelle il décrit le phénomène et l'exhorte à devenir Orthodoxe.

La vision de la Croix au dessus de Jérusalem renforça les fidèles Orthodoxes et contribua au retour de nombre d'Ariens au sein de l'Église. Elle fut aussi une annonce de la redoutable Seconde Venue du Christ, quand "le Signe du Fils de l'Homme paraîtra dans le ciel" (Mathieu 24,30).



source (Russie)


Saint Alexis Toth, Confesseur, défenseur de l'Orthodoxie en Amérique du Nord (+ 1909)


http://ocafs.oca.org/FeastSaintsViewer.asp?FSID=101300

Notre saint père Alexis, défenseur de la Foi Orthodoxe et zélé ouvrier du Vignoble du Seigneur, naquit en Autriche-Hongrie le 18 Mars 1854, dans une pauvre famille Carpatho-Russe. Comme beaucoup d'autres dans l'empire Austro-Hongrois, les Toths étaient de rite Catholique Oriental. Le père d'Alexis et son frère étaient prêtres, et son oncle était évêque dans l'église Uniate. Il reçut une excellente éducation et apprit plusieurs langues (carpatho-russe, hongrois, russe, allemand, latin, et la lecture du grec). Il épousa Rosalie Mihalich, la fille d'un prêtre, et fut ordonné le 18 Avril 1878 pour servir comme second prêtre dans une paroisse Uniate. Son épouse mourût peu après, suivie par leur unique enfant - pertes que le saint endura avec la patience de Job.

En Mai 1879, le père Alexis fut désigné comme secrétaire de l'évêque de Presov et administrateur de l'Administration diocésaine. Il reçut aussi la charge de directeur d'un orphelinat. Au séminaire de Presov, père Toth apprit l'Histoire de l'Église et le Droit Canon, ce qui lui servira beaucoup dans sa vie future en Amérique. Saint Alexis ne resta pas longtemps comme professeur ou administrateur, le Seigneur ayant d'autres projets pour lui ailleurs. En Octobre 1889, il fut désigné pour servir de pasteur d'une paroisse Uniate à Minneapolis, Minnesota. Tel un nouvel Abraham, il quitta son pays et sa parenté pour accomplir la volonté de Dieu (Gen 12:1).

Dès son arrivée en Amérique, le père Alexis se présenta de lui-même à l'autorité diocésaine catholique-romaine locale, l'archevêque John Ireland, vu qu'il n'y avait pas d'évêque Uniate en Amérique à cette époque. L'archevêque Ireland faisait partie de ces catholiques-romains américains qui voulaient "l'américanisation" de tous les catholiques-romains. Sa vision du futur était fondée sur une croyance et des coutumes communes, et l'utilisation de la langue anglaise pour tout sauf les célébrations liturgiques. Naturellement, les paroisses "ethniques" et le clergé de rite non-romain ne rentrait pas dans sa vision. Dès lors, quand le père Toth vint lui présenter ses lettres de créance, l'archevêque Ireland le reçut froidement. Il refusa de le reconnaître comme un prêtre catholique-romain légitime, voire même de lui permettre de servir dans son diocèse.

Comme historien et professeur de Droit Canon, le père Toth connaissait ses droits liés à l'Uniatisme, et n'était pas prêt à accepter l'injuste décision de l'archevêque Ireland. En Octobre 1890, 8 des 10 prêtres Uniates en Amérique se réunirent à Wilkes-Barre, Pennsylvanie, sous la présidence du père Toth. A cette époque, les évêques américains avaient écrit au Vatican (Rome) pour demander de rappeler en Europe tous les prêtres Uniates d'Amérique, craignant que les prêtres Uniates et leurs paroisses puissent freiner l'assimilation des immigrants dans la culture américaine. Les évêques Uniates en Europe refusèrent de donner suite aux demandes d'aide des prêtres.

L'archevêque Ireland envoya une lettre à ses paroisses, ordonnant à leurs membres de ne pas fréquenter la paroisse du père Toth, ni d'accepter le moindre service ministériel de sa part. S'attendant à une déportation imminente, le père Toth expliqua la situation à ses paroissiens et leur suggéra qu'il serait peut-être mieux pour tous qu'il parte et retourne en Europe.

"Non", dirent-ils. "Allons voir l'évêque Russe. Pourquoi devrions-nous toujours nous soumettre à des étrangers?" Il fut décidé d'écrire au consul Russe à San Francisco pour lui demander le nom et l'adresse de l'évêque Russe. Ivan Mlinar partit pour San Francisco afin d'établir un premier contact avec l'évêque Vladimir; puis, en février 1891, le père Toth et
son sacristain, Paul Podany, effectuèrent à leur tour le voyage. Ensuite, l'évêque Vladimir vint à Minneapolis et le 25 Mars 1891, il reçut le père Toth et 361 paroissiens dans l'Église Orthodoxe, celle de leurs ancêtres. Les paroissiens considérèrent cet événement comme un nouveau "Triomphe de l'Orthodoxie", s'exclamant avec joie : "Gloire à Dieu pour Sa grande Miséricorde!"

Cette initiative venait des fidèles eux-mêmes, elle ne fut donc pas le résultat de pressions extérieures. L'Église Orthodoxe de Russie ignorait en fait la présence de ces immigrants slaves Uniates en Amérique, mais répondit positivement à leur demande de réintégration dans l'Église Orthodoxe.

L'exemple de saint Alexis et de sa paroisse revenant à l'Orthodoxie fut un encouragement pour des centaines d'autres Uniates. Notre saint fut comme une bougie sur un chandelier, illuminant les autres (Mt 5,15), et son troupeau comme le levain dans la pâte qui fait lever tout l'ensemble (Mt 13,33). Par ses intrépides prédications, il arracha les mauvaises racines qui auraient pu lever et contaminer la vraie doctrine, et expliqua les erreurs dans les enseignements qui les avaient égarés. Bien qu'il n'hésitait pas à montrer les erreurs doctrinales des autres confessions chrétiennes, il fut toujours fort prudent, voulant préserver ses fidèles de l'intolérance. Ses écrits et ses sermons sont remplis d'admonitions à respecter les autres personnes et d'éviter d'attaquer leur religion.

Bien qu'il soit exact qu'il ai parfois utilisé un langage ferme, en particulier dans sa correspondance privée avec l'administration de l'Église, il faut se rappeler que cela se faisait dans le cadre de la défense de l'Église Orthodoxe et de la Mission américaine, contre des accusations mensongères proférées par des gens utilisant par ailleurs un vocabulaire bien plus agressif que le père Toth. Ses opposants peuvent être caractérisés par l'intolérance, un comportement agressif, des méthodes amorales et des menaces contre lui et ses paroissiens. Pourtant, quand le père Alexis était offensé ou trompé par autrui, il pardonnait, et il demandait à son évêque de lui pardonner ses omissions et erreurs.

Au milieu des grands écueils, ce héraut de la divine théologie et de la juste doctrine se répandait en une source inextinguible d'écrits Orthodoxes en faveur des nouveaux convertis, dans lesquels il expliquait comment vivre d'une manière Orthodoxe. Par exemple, son article "Comment devrions-nous vivre en Amérique" insiste sur l'importance de l'éducation, de la propreté, de la sobriété, et de la présence des enfants à l'église les Dimanche et Jours de Fêtes.

Bien que la réception de la paroisse de Minneapollis dans l'Église Orthodoxe date de mars 1891, il fallu attendre juillet 1892 avant que le Saint-Synode de Russie reconnaisse et accepte la paroisse dans le Diocèse d'Alaska et des Aléoutiennes. La décision ne parvint en Amérique qu'en Octobre 1892. Pendant ce temps, il régnait un climat d'hostilité religieuse et ethnique envers les nouveaux convertis. Le père Alexis fut accusé d'avoir vendu ses propres concitoyens Carpatho-Russes et sa religion aux "Moscovites" par intérêt financier.

En vérité, il ne reçut pas le moindre soutien financier durant une longue période, et sa paroisse était très pauvre. Avant que son salaire de prêtre n'arrive de Russie, notre juste dût travailler dans une boulangerie pour assurer sa subsistance. Et bien que ses revenus soient maigres, il ne négligea jamais de faire l'aumône aux pauvres et aux nécessiteux. Il partageait son argent avec d'autres clercs qui étaient dans un état pire que le sien, et contribua à la construction d'églises et à l'éducation des séminaristes à Minneapolis. Il ne s'inquiéta jamais pour sa vie (Mt 6,25), à propos de ce qu'il aurait à boire ou à manger ou à s'habiller. S'abandonnant en confiance à Dieu pour prendre soin de lui, saint Alexis suivit la recommandation de notre Sauveur de "chercher d'abord le Royaume de Dieu et Sa justice, et le restant sera donné par surcroît" (Mt 6,33). Alors il supportait tribulations, calomnies, et les attaques physiques avec patience et joie spirituelle, se rappelant que "la piété est plus forte que tout" (Sagesse de Salomon 10,12)

Les évêques Vladimir, Nicolas, saint Tikhon et Platon reconnurent les dons particuliers du père Toth, et de ce fait l'envoyèrent souvent prêcher et enseigner où il y avait des gens d'origine Slave. Bien qu'il fut conscient de ses limitations et insuffisances, il obéit aux instructions des évêques. Il n'hésita pas ni ne chercha de prétextes, mais remplit immédiatement ses missions. Saint Alexis visita nombre de paroisses Uniates, expliquant les différences entre l'Orthodoxie, le protestantisme, le catholicisme-romain et l'Uniatisme, insistant sur la juste voie du Salut dans l'Orthodoxie.

Comme Josiah, "il se comporta honnêtement dans la conversion de son peuple" (Sir 49,2). Il fut l'instrument dans la création ou du retour de 17 paroisses, plantant la Vigne du Christ en Amérique, et en augmentant considérablement la récolte des fruits. En 1909, année de son bienheureux repos, plusieurs milliers d'Uniates Carpatho-Russes et de Galicie étaient revenus à l'Orthodoxie. Ce fut un événement majeur dans l'histoire de la Mission en Amérique du Nord, et cela détermina le futur de l'Orthodoxie dans ce pays pour de nombreuses générations postérieures. Toute future croissance ou succès peut être vraiment regardé comme le résultat des travaux apostoliques du père Toth.

Qui pourra parler des combats spirituels du saint? Qui peut parler de la prière qui sourdait de sa pieuse âme et montait vers Dieu? Il ne donnait pas de démonstration publique de sa piété, mais priait Dieu en secret, avec modestie, avec contrition et dans les larmes. Dieu, Qui voit tout ce qui est fait dans le secret, le récompensa publiquement (Mt 6,6). Il est tout simplement inconcevable que saint Alexis ait pu accomplir tout ce labeur apostolique sans que Dieu ne l'y ai bénit et renforcé pour aboutir. L'Église continue encore de nos jours à récolter les fruits mûrs de ses enseignements et prédications.

Les efforts du père Toth ne restèrent pas sans reconnaissance durant sa vie terrestre. Il reçut une mitre garnie de joaillerie de la part du Saint-Synode, de même qu'il fut décoré de l'Ordre de Saint Vladimir et de l'Ordre de Sainte Anne par le Tsar saint Nicolas II pour services remarquables et dévotion à Dieu et à la patrie. En 1907, on le prit même en considération comme candidat à l'épiscopat. Il déclina cependant cet honneur, faisant humblement remarquer que la responsabilité devrait être donnée à un homme plus jeune et en meilleure santé.

Fin 1908, la santé de saint Alexis commença à péricliter, séquelle de ses maladies. Il partit pour le bord de mer dans le sud du New Jersey afin de retrouver un peu de santé, mais dût bientôt retourner à Wilkes-Barre, où il dût rester alité 2 mois durant. Le juste se reposa dans le Seigneur le vendredi 7 mai 1909 (24 avril dans l'ancien calendrier julien), en la fête des saints Sabbas et Alexis l'ermite des Cavernes de Kiev. L'amour de Saint Alexis et son souci pour ses enfants spirituels ne cessa pas à sa mort. Avant de clore la relation de sa vie, il serait approprié d'en rapporter au moins un exemple de son intercession du Ciel :

En Janvier 1993, un homme pria saint Alexis de l'aider à obtenir des nouvelles de son fils dont il était séparé depuis 28 ans. Plaçant sa confiance dans la hardiesse du saint face à Dieu, il attendit la réponse à sa prière. Le lendemain, le fils de l'homme lui téléphonait. Il semblerait que le jeune homme soit entré dans une église, et là il ressentit un soudain et irrésistible désir de rentrer en contact avec son père. Il avait pourtant été emmené dans un autre État par sa mère, et elle lui avait fait changer de nom alors qu'il était encore enfant. C'est pour cela que le père était incapable de le localiser. Ayant appris de sa mère que son père était un Chrétien Orthodoxe, il parvint à obtenir son numéro de téléphone par un prêtre Orthodoxe, numéro dans un ville lointaine. Suite à cet appel téléphonique, le jeune homme visita son père, qui se réjouit de le voir être devenu un homme. Le père remercia Dieu et saint Alexis pour l'avoir réunit à son fils.

Saint Alexis fut un vrai homme de Dieu qui guida nombre d'immigrants Carpatho-Russes et Galiciens à travers l'obscure confusion du défi religieux dans le Nouveau Monde et les ramena dans l'unité de l'Église par ses paroles remplies de grâce et son saint exemple. Dans son testament, comme dernière volonté, saint Alexis recommanda son âme à la Miséricorde de Dieu, demandant le pardon de tous et pardonnant à tous. Ses saintes reliques reposent à présent au monastère Saint-Tikhon à South Canaan, Pennsylvanie, où les fidèles peuvent venir les vénérer et implorer l'intercession de saint Alexis en leur faveur.

Tropaire de saint Alexis Toth ton 4
Ô saint père Alexis,
notre intercesseur et notre maître,
ornement divin de l'Église du Christ,
prie le Maître de l'univers
d'affermir la Foi Orthodoxe en Amérique,
d'accorder la paix au monde,
et à nos âmes, la grande miséricorde.


Kondakion de saint Alexis Toth ton 5
Fidèles, louons le prêtre Alexis,
luminaire de l'Orthodoxie en Amérique,
modèle de patience et d'humilité.
Pasteur digne du troupeau du Christ,
il rappela les brebis qui s'étaient égarées
et par sa prédication les amena
au Royaume céleste.




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