"Ô étrange Église Orthodoxe, si pauvre et si faible, qui se maintient comme par miracle à travers tant de vicissitudes et de luttes. Église de contrastes, à la fois si traditionnelle et si libre, si archaïque et si vivante, si ritualiste et si personnellement mystique.
Église où la perle de grand prix de l'Évangile est précieusement conservée, parfois sous une couche de poussière. Église qui souvent n'a pas su agir, mais qui sait chanter comme nulle autre la joie de Pâques."
P. Lev Gillet ("Un moine de l'Eglise d'Orient)

12 novembre 2009

Vivons-nous en diaspora? (archevêque Pierre L'Huillier, OCA)

http://www.jacwell.org/Fall_2003/are_we_living_in_diaspora.htm

Par l'archevêque Pierre (L'Huillier) [Eglise Orthodoxe d'Amérique / OCA]
[Automne, 2003]


[traduction © www.amdg.be 05 avril 2005]

Bien que le terme Diaspora soit souvent utilisé dans les milieux ecclésiastiques Orthodoxes, il est difficile de trouver une définition exacte de sa signification. La traduction littérale de ce terme en anglais [comme en français, ndt] est Dispersion; cependant, dans les dictionnaires, on trouvera 3 explications relativement proches : 1) la dispersion des Juifs après l'Exil de Babylone; 2) les Juifs ainsi dispersés; 3) au temps des Apôtres, les Chrétiens Juifs qui vivaient hors de Palestine. (Webster's Dictionary)

Dans l'Ancien Testament, cela se réfère tout d'abord à la situation du peuple israélite en Exil après la prise de Jérusalem par les Babyloniens en 587 avant Jésus-Christ. Par la suite, on retrouvera des Juifs tout autour du Bassin Méditerranéen et du Moyen Orient jusqu'en Perse. Mais pour tous les Juifs, la terre d'Israël était la Terre Promise, et le Temple de Jérusalem était le seul lieu légitime de sacrifice. Ainsi nous pouvons comprendre la tristesse du Psalmiste qui proclame: "Comment chanterions-nous un cantique du Seigneur sur une terre étrangère? Si je t'oublie, Jérusalem, que ma droite se dessèche! Que ma langue s'attache à mon palais" (Psaume 136,4-6).

Pour les fidèles du Christ, la position est différente. Ils se souviennent en particulier de la prophétie de Jérémie :
"Voici venir des jours -- oracle du Seigneur -- où Je conclurai avec la maison d'Israël (et la maison de Juda) une Alliance Nouvelle. Non pas comme l'Alliance que J'ai conclue avec leurs pères ... Mais voici l'Alliance que Je conclurai avec la maison d'Israël après ces jours-là, oracle du Seigneur. Je mettrai ma Loi au fond de leur être et Je l'écrirai dans leur coeur. Alors Je serai leur Dieu et eux seront Mon peuple" (Jér. 31,31-34). Cette prophétie est de toute évidence mentionnée comme accomplie dans le Nouveau Testament. Elle est citée par l'Épître aux Hébreux 8,8-10, et elle est le thème de toute cette lettre. Une des caractéristiques les plus essentielles de cette Nouvelle Alliance est son universalité, basée sur le Commandement du Christ avant Son Ascension : "Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que Je vous ai prescrit. Et voici que Je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde" (Matthieu 28,19-20)

Ces paroles de Jésus étaient quelque chose de si nouveau qu'il fallut du temps avant que leur signification soit pleinement comprise et mise en pratique. Ce fut essentiellement, mais pas uniquement, l'oeuvre de saint Paul, l'Apôtre des Nations. Il proclama le principe axiomatique de l'absence de discrimination dans la propagation évangélique : "il n'y a ni Juif ni Grec, il n'y a ni esclave ni homme libre, il n'y a ni homme ni femme; car tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus" (Galates 3,28).

Dans le Christianisme des origines, il y avait une profonde conscience du fait que l'Église était la communauté messianique de la fin des temps, et il est remarquable que saint Pierre, dans son sermon à la foule le jour de la Pentecôte, affirme que cet événement était l'accomplissement de la prophétie de Joël 2,28-32. Cette attente de la seconde Venue du Christ est exprimée dans notre dernier article de notre Credo : "J'attend la résurrection des morts et la vie du monde à venir." Comme de bien entendu, ce dogme fondamental de notre Foi a été reflété non seulement par la pensée, mais aussi dans le vocabulaire Chrétien, même si plus que souvent, cette réalité, les croyants l'ignorent ou n'y prêtent guère attention.

Malgré cela, la lecture des Saintes Écritures et de la littérature Patristique le montre à l'envi. Par exemple, saint Pierre adresse sa première épitre : "aux étrangers de la Dispersion: du Pont, de Galatie, de Cappadoce, d'Asie et de Bithynie" (1 Pierre 1,1). Plus loin, il appelle les croyants "des étrangers et des exilés" (ibid 2,11). Une telle terminologie est habituelle parmi les auteurs Chrétiens des premiers siècles. A côté de cela, et jusqu'à nos jours, nous utilisons fréquemment des termes qui, étymologiquement, se réfèrent à notre condition sur terre; il suffit de mentionner le terme Paroisse, qui vient du verbe grec Paroikein, qui signifie séjourner en pèlerin en un lieu.

De ce que je viens juste d'exposer, il est évident que la tendance contemporaine à utiliser le terme Diaspora pour caractériser les communautés Orthodoxes établies hors des territoires où l'Église a été présente dans l'Antiquité ou durant le Moyen-Age est inexacte et souvent tendancieuse. Assurément, le terme Diaspora peut être utilisé de manière correcte pour désigner des immigrants d'un certain pays, et qui ont droit à conserver leur langage, leurs coutumes, et préserver leur héritage culturel. En ce domaine, la communauté Orthodoxe locale doit apporter son utile contribution en organisant des services liturgiques et des activités culturelles, dans le cadre de paroisses, et du diocèse. Dans la mesure où l'unité, ou l'unité au niveau du diocèse est respectée, c'est parfaitement acceptable.

Ce principe a été exprimé dans l'Antiquité par le peuple de Rome lorsque l'empereur Constance a proposé que l'office d'évêque soit partagé entre 2 évêques. Le peuple Chrétien proclama : "Un seul Dieu, un seul Christ, un seul évêque."
Il vaut la peine de noter que ce principe ecclésiologique fut strictement observé jusqu'à la deuxième moitié du 19ème siècle, et lorsqu'il fut enfreint, il fut officiellement condamné comme une hérésie [*]. Ce n'est qu'à partir des années 1920, conséquemment à la révolution Bolchévique, que cette situation anti-canonique a affecté l'Amérique, et de là les autres parties du monde. Il est inutile de dire que cette situation anormale a soulevé et continuer de soulever d'innombrables et insolvables problèmes d'ordre ecclésiologique.

Il appert qu'une erreur de conception existe parfois en certains lieux concernant l'unité de l'Église universelle : l'Unité est vue comme impliquant nécessairement une subordination juridictionnelle. En réalité, il n'y rien qui n'était plus étranger à la pensée de l'ancienne Chrétienté. Je ne donnerait qu'un seul exemple, tiré de l'Histoire de l'Église. C'est dans le récit des persécutions qui eurent lieu en 177 en Gaule. Il commence par cette adresse : "Les serviteurs du Christ demeurant à Lyon et Vienne en Gaule aux frères en Asie et Phrygie, ayant la même Foi et espérance avec nous; paix et grâce et gloire de Dieu le Père et le Christ Jésus notre Seigneur." Il est remarquable qu'il n'y avait nulle subordination de l'Église des Gaules vis-à-vis de l'Asie Mineure, mais qu'il y avait pleine communion de Foi, d'amour, et de vie sacramentelle, et que cela constitue le modèle de l'unité qui doit toujours prévaloir dans toute l'Église Orthodoxe.

-------------------------------------


la diaspora, notion humaine résultant d'un millénaire de guerres entre l'Atlantique et l'Oural, notion non-ecclésiale par excellence, piège du Diviseur.



[*] Ndt : Le patriarche Anthime VI de Constantinople convoqua un Concile général en 1872, Concile auquel furent conviés les autres patriarches, et parmi les évêques on trouvait les patriarches d'Alexandrie et de Jérusalem. Ce Concile pan-Orthodoxe, oecuménique donc, condamnera comme HÉRÉSIE le principe même d'ethno-phylétisme, et excommuniera dès lors les Bulgares. Qui pourtant n'étaient pas les seuls à pratiquer ladite hérésie, loin s'en faut. Mais qui avaient transformé un concept flou, verbalement condamné mais pourtant pratiqué, en principe ecclésiologique de base. On se souviendra que c'est le sultan Abdulaziz, un musulman donc, qui avait signé un décret ("firman") instaurant une église Bulgare sur base ethnique. Dividere ut regnes. La faiblesse humaine aura valu à cette Église "bulgare" d'être excommuniée jusqu'en 1945!
.

10 novembre 2009

Ce que comporte aussi la récompense divine (saint Ambroise de Milan)

http://thehandmaid.wordpress.com/2009/08/27/the-reward-includes-this/

Nativité du Précurseur, saint Jean le Baptiste


Chose remarquable, le saint évangéliste a jugé bon de noter en premier lieu que beaucoup pensaient donner à l'enfant le nom de son père Zacharie : ainsi vous observerez que sa mère n'a pas trouvé déplaisant le nom de quelque étranger, mais que l'Esprit Saint lui a communiqué celui que précédemment l'Ange avait annoncé à Zacharie. Muet, celui-ci n'a pu indiquer le nom de son fils à son épouse, mais Élisabeth a appris par révélation ce qu'elle n'avait pas appris de son mari. "Jean, dit-il, est son nom"; c'est-à-dire : ce n'est pas nous qui lui donnons un nom, puisqu'il a déjà reçu son nom de Dieu. Il a son nom : nous le reconnaissons, nous ne l'avons pas choisi. Les saints ont ce privilège de recevoir de Dieu un nom.
saint Ambroise, évêque de Milan, "traité sur l'évangile selon saint Luc", Luc 1, 57-80

08 novembre 2009

Synaxe des puissances angéliques (Dynamis)

Épître pour la Synaxe des Archanges et Puissances Incorporelles - Hébreux 2,2-10:
http://groups.yahoo.com/group/orthodoxdynamis/message/3865

Car si la parole annoncée par des Anges entra en vigueur et si toute transgression et toute désobéissance reçurent une juste rétribution, comment nous-mêmes échapperons-nous, si nous négligeons un pareil Salut, qui commença à être annoncé par le Seigneur, puis fut confirmé pour nous par ceux qui L’avaient entendu, et fut appuyé aussi du témoignage de Dieu par des signes et des prodiges, des miracles de toute sorte, et par des dons de l’Esprit Saint répartis selon Sa volonté! Car ce n’est pas à des Anges qu’Il a soumis le monde à venir, dont nous parlons. L’attestation en fut donnée quelque part en ces termes : Qu’est-ce que l’homme pour que Tu Te souviennes de lui? Ou le fils de l’homme pour que Tu portes Tes regards sur lui? Tu l’abaissas quelque peu par rapport aux anges; de gloire et d’honneur Tu le couronnas; Tu mis toutes choses sous ses pieds. En lui soumettant toutes choses, il n’a rien laissé qui puisse lui rester insoumis. Or, en fait, nous ne voyons pas encore que tout lui ait été soumis, mais nous faisons une constatation : celui qui a été abaissé quelque peu par rapport aux Anges, Jésus, Se trouve, à cause de la mort qu’Il a soufferte, couronné de gloire et d’honneur. Ainsi, par la grâce de Dieu, c’est pour tout homme qu’Il a goûté la mort. Il convenait, en effet, à Celui pour Qui et par Qui tout existe et Qui voulait conduire à la gloire une multitude de fils, de mener à l’accomplissement par des souffrances l’Initiateur de leur Salut.

Icône géorgienne de Lasha Kintsurashvili

Les puissances angéliques : Hébreux 2,2-10, en particulier le verset 2 : "Car si la parole annoncée par des anges entra en vigueur...."

Les Chrétiens Orthodoxes sont les heureux bénéficiaires de "..la culture intemporelle et universelle transmise par les saints Pères et Mères de l'Église Orthodoxe à travers la discipline personnelle et l'obéissance." Bénis comme bénéficiaires de cet ethos, de cette manière d'être et de vivre, nous repoussons sans détour le dédain contemporain pour tout ce qui est immatériel et spirituel, et dès lors, nous célébrons cette Fête qui honore les puissances incorporelles qui oeuvrent au sein de l'économie salvifique de Dieu.

La culture sécularisé dominante de l'Occident, sans la moindre appréhension de vérité spirituelle, et handicapée par un étroit matérialisme comme seul avenir, s'oppose à cette connaissance Orthodoxe de longue existence. Dès lors, nombre d'hommes et de femmes relèguent toute discussion sur les puissances invisibles, incorporelles, à une affaire de piété individuelle. Bénis que nous sommes, nous, de célébrer notre dépendance à ces invisibles hôtes des Cieux, tels que nous les connaissons par la riche vie scripturaire et liturgique de notre Église! Renouvellons notre relation aux saints Anges et à l'accueil de leurs actions parmi nous!

Dans la lecture d'Hébreux de ce jour, saint Paul éclaire la relation entre Dieu et Son peuple, dans l'Ancienne Alliance, la montrant administrée par les Anges (v. 2). Ce portrait classique du ministère angélique peut aussi se voir dans l'Icône peinte par saint André Roubleev, montrant l'épisode de la Genèse, la théophanie avec les Trois Visiteurs venus à Abraham, "Le SEIGNEUR apparut à Abraham aux chênes de Mamré alors qu’il était assis à l’entrée de la tente dans la pleine chaleur du jour" (Gen 18,1), Icône dépeignant les Trois Personnes de la Triune Divinité.

Dieu est aussi apparu avec Ses Anges dans d'autres théophanies, comme lors du don de la Loi Mosaïque : "Le SEIGNEUR est venu du Sinaï, pour eux Il S’est levé à l’horizon, du côté de Séïr, Il a resplendi depuis le mont de Parân; Il est arrivé à Mériba de Qadesh; de son midi vers les Pentes, pour eux" (Deut. 33,2). Nombre de Juges et de prophètes, comme par exemple Gédéon (Jug. 6), ont reçu des révélations de Dieu par des Anges.

Le prophète Gad avait prédit une épidémie de peste qui frapperait la nation à cause des péchés du roi David; mais par les prières du prophète et du roi, la main de l'Ange qui apportait la peste fut arrêtée après une journée (2 rois 24,13-17). Le prophète Isaïe vit la délivrance divine de Jérusalem accomplie par un Ange contre les Assyriens (Is. 37,33-36).

Pour annoncer l'Incarnation du Seigneur Jésus, l'Archange Gabriel apparut à Marie, la Théotokos. Gabriel était le messager du Roi à venir (Lc 1,26-38; Mt 1,20-24), et maintenant, dans l'actuel temps de l'Église, Dieu a remis le pouvoir à Son Fils Unique engendré, Qui pour un temps avait été quelque peu abaissé par rapport aux Anges (Héb. 2,7). Au fil des siècles Chrétiens, l'Église a enregistré nombre d'apparitions d'Anges ayant un message particulier, et accomplissant des miracles, pour des personnes comme pour des communautés de fidèles en Christ. Bien entendu, jusqu'au retour du Seigneur, nous ne voyons pas encore toutes choses soumises à Lui (Héb. 2,8), y compris les puissances angéliques.

Il y a bien longtemps, les Anges furent révélés à Isaïe comme dirigeant la liturgie céleste (Is. 6,1-4). A présent, dans la Nouvelle Alliance, l'angélique direction voit son rôle élargi dans le culte céleste, comme dévoilé en Apoc. 4,6 & 5,11. L'Église comprend aussi que les Anges nous sont très proches pendant le culte sur terre, et en particulier pendant la Divine Liturgie, où nous "..représentons mystiquement les Chérubins.." lorsque nous "..chantons l'hymne trois fois sainte à la Vivifiante Trinité" en même temps que les puissances célestes. Les Icônes de bien des portes latérales d'iconostases dépeignent les Archanges présents et nous aidant dans le culte.

Enfin, notons que les Anges servent aussi les fidèles comme saints gardiens, protégeant nos coeurs, âmes et corps. Par dessus tout, ils prient Dieu pour nous, afin qu'Il nous accorde la grâce de la repentance, nous pardonne toutes nos offenses, et nous recouvrent toujours de l'ombre de leur gloire immatérielle, nous préservant, nous qui nous agenouillons et crions sans cesse à nos angéliques gardiens:

Délivrez-nous des oppressions, car vous êtes les princes des nuées des puissances célestes!

Synaxe des saints Anges (Synaxaire)



SYNAXAIRE DE L’ÉGLISE ORTHODOXE
Édition To Perivoli tis Panaghias (Thessalonique)
Tome 1, 8 Novembre, pages 451 et seq.

Le 8 de ce mois, Synaxe des Archistratèges de la milice céleste, MICHEL et GABRIEL et des autres Puissances célestes et incorporelles.

De toute éternité Dieu est Lumière: la seule véritable Lumière éternelle, immatérielle, infinie et absolument incompréhensible. Il repose dans le secret inaccessible de sa Nature unique et jouit de la communion inexprimable d’amour entre ses trois Hypostases: le Père, le Fils et le Saint Esprit. Il est bon et principe de toute Bonté et de tout Amour; c’est pourquoi Il ne s’est pas contenté de sa propre contemplation, mais dans la surabondance de sa bonté Il a voulu qu’un autre participât à Sa Lumière - et Il a tiré le monde du non-être à l’existence.
Avant de créer le monde visible, Il a amené à l’existence par son Verbe et perfectionné en sainteté par son Saint Esprit la nature angélique, faisant des Puissances célestes et incorporelles ses serviteurs zélés, et ardents comme un feu immatériel. Ils sont des lumières secondes, qui reçoivent par la Grâce du Saint-Esprit les illuminations de la Lumière première et sans principe (incréée), et la participation à son immortalité. Fidèles images de l’essence divine, les saints Anges sont de nature spirituelle, dépourvus de la lourdeur du corps, toujours en mouvement, libres et raisonnables. Ils voient Dieu dans la mesure où ils peuvent l’atteindre et trouvent dans Sa contemplation leur nourriture, leur stabilité et la raison même de leur existence.
Bien qu’ils soient libres de toutes affections du corps, ils ne sont pourtant pas impassibles comme Dieu, car ils ont été créés par un changement (le passage du non-être à l’être). Ainsi sont-ils difficilement portés au mal, mais non à l’abri de son atteinte. C’est pourquoi ils doivent faire usage de la souveraine liberté que Dieu leur a accordée pour persévérer dans le bien et progresser dans la contemplation des mystères divins, sous peine d’être entraînés irrémédiablement vers le mal et ]’éloignement de Dieu, et sans pouvoir alors compter, comme l’être humain, sur le repentir, car ils sont dépourvus de corps.
Sans corps, ils ne sont pourtant pas totalement immatériels: seul le divin est véritablement sans matière et incorporel (car impassible et au-delà de tout mouvement). Ils sont circonscrits dans le temps et l’espace. Lorsqu’ils sont dans le ciel, ils ne sont pas sur la terre; et envoyés par Dieu sur la terre, ils ne demeurent plus au ciel. Leur nature subtile les fait échapper aux limitations que sont pour nous les murs, les portes et les sceaux, lorsqu’ils sont envoyés par Dieu en mission auprès des hommes et que pour cela, ils empruntent une forme corporelle nous permettant de les voir. De même, leur légèreté et leur extrême rapidité de mouvement leur permettent de traverser l’espace presque instantanément ou de deviner les pensées des hommes, ce qui nous fait croire qu’ils sont dotés de l’omniscience divine. Mais, comme êtres créés, ils ne sont toutefois ni doués d’omniscience, ni susceptibles de se trouver en deux endroits simultanément. S’ils prophétisent, c’est par grâce et par ordre divin, non par leur propre vertu.

Dieu les a faits ses serviteurs et les envoie («ange» signifie «envoyé») veiller sur la terre. Ils président aux peuples, aux nations et aux Églises (selon l’Apocalypse, chaque Eglise locale possède un ange protecteur), et ils assurent la marche des desseins de la Providence à notre égard: aussi bien en général que pour chacun en particulier. Dieu a placé invisiblement auprès de chacun d’entre nous personnellement un Ange Gardien, qui veille constamment sur nous, sans cesser d’être auprès de Dieu. I1 nous suggère le bien par la voix de notre conscience, nous aide à éviter les pièges du Diable et attise en nous le feu salutaire du repentir lorsque nous avons péché.




Seul le Créateur connaît le genre et les limites de la nature angélique. Elle est une par rapport à Dieu, mais innombrable par rapport à nous. «Un fleuve de feu coulait devant Lui... Mille milliers Le servaient, et des myriades de myriades se tenaient devant Lui» dit le prophète Daniel (Dan. 7, 10). Nous ne pouvons pas les dénombrer, c’est pourquoi la sainte Tradition a coutume de les ranger en neuf ordres divisés en trois triades.
La première disposition hiérarchique est celle qui est toujours auprès de Dieu et qui est immédiatement unie à Lui, avant les autres et sans intermédiaire. Elle comporte les Séraphins, dont le nom en hébreu signifie: «brûlants». En effet, leur mouvement éternel et stable autour des réalités divines leur donne le pouvoir d’élever leurs subordonnés vers Dieu en animant en eux la chaleur purificatrice et lumineuse de la vertu.
Les seconds, de même rang mais de fonction distincte, sont les Chérubins, dont le nom évoque la plénitude de leur connaissance de Dieu. On les représente couverts d’yeux de toutes parts, en signe de leur aptitude à contempler la lumière divine.
Les troisièmes sont les Trônes, sur lesquels Dieu trouve repos impassible.

La seconde triade, intermédiaire, transmet avec bonté et ordre les décrets de la Providence et élève les esprits de rang inférieur vers l’imitation de Dieu. Elle se compose des Dominations, des Vertus et des Puissances.

La troisième triade achève la hiérarchie céleste. Elle comporte les Principautés, les Archanges et les Anges. C’est par ces derniers que Dieu nous communique les décrets de Sa Providence et, comme ils sont les plus proches de nous, c’est eux qu’Il envoie sous une forme corporelle lorsqu’Il le veut.

Dans le plan divin, l’homme, en la personne d’Adam, devait être le dixième ordre de cette hiérarchie et devait achever la perfection de la création (Luc 15, 1-10)- Comme il déchut et se soumit à la mort, le Christ s’est précipité (ou abaissé)du haut des Cieux (kénose)pour le tirer de l’enfer. Il traversa les degrés de la hiérarchie angélique, prit un corps et releva par Sa Résurrection la nature humaine bien au-delà du rang où elle se trouvait à l’origine, en la faisant siéger à la droite de Dieu, au-dessus des Chérubins et des Séraphins.

Mais avant cela, au moment où Dieu créa le monde invisible, la plénitude innombrable de la hiérarchie céleste jouissait de la lumière de Dieu et menait une ronde sacrée, simple et incessante, en chantant d’une voix forte: «Saint, Saint, Saint est le Seigneur Sabaoth (i.e. «des Armées» ou « des cohortes »), le ciel et la terre sont remplis de Sa gloire» (Is. 6, 3). Or l’esprit céleste qui tenait alors le premier rang, le plus proche de Dieu, et qui était tout irradié de Sa lumière, Lucifer, vint à tirer orgueil des privilèges qu’il avait reçus et voulut s’assimiler au Très-Haut. Il se dit: «Je monterai dans les Cieux: au-dessus des étoiles de Dieu, j’élèverai mon trône; je monterai sur les sommets des nues: je serai assimilé au Très-Haut » (Is 14, 14) - Il n’était pas mauvais par nature; mais par orgueil, il se révolta librement contre Celui qui l’avait créé. C’est lui le premier qui rejeta le bien et choisit le mal. I1 s’est détourné de la Lumière pour sombrer dans les ténèbres de la privation de Dieu; c’est pourquoi, aussitôt ces paroles prononcées, il tomba de son rang élevé et fut précipité dans le gouffre de l’enfer. Comme il avait ainsi « déchiré les cieux », il attira par violence dans sa chute une multitude d’Anges de tous les ordres et se fit leur chef. Leur nombre était si grand, qu’à ce spectacle lamentable, l’Archange Michel, chef des milices célestes , qui par son humilité et sa sage soumission à son Créateur était puissamment affermi dans la Lumière, s’élança, rassemblant les Anges restés fidèles et s’écria: «Soyons attentifs!» C’est à dire: «Prenons garde, soyons vigilants, nous les êtres créés qui avons le privilège de nous tenir devant Dieu. Reconnaissons notre état de serviteurs. Prenons soin à la connaissance de nous-mêmes et voyons quelle est la chute de ceux qui ont voulu s’égaler à Dieu!» C’est en mémoire de cette Synaxe [c’est à dire de cette assemblée, de cette réunion des choeurs angéliques sous la direction du saint Archange Michel dans la vigilance, la concorde et l’unité] que, de tradition très ancienne, les Pères ont institué la fête d’aujourd’hui.




pages 455 et seq :
A PROPOS DE MICHEL, Archistratège de la milice céleste

Le très glorieux et très lumineux Prince des puissances célestes et incorporelles, Michel, apparaît souvent dans la sainte Écriture. C’est lui que Dieu envoie auprès des hommes pour leur annoncer les décrets de Sa Justice. C’est lui qui le premier est apparu au patriarche Abraham (Gen. 12) et à sa servante Agar dans le désert, pour lui annoncer la naissance d’Ismaël (Gen. 16). Il fut envoyé auprès de Lot pour le sauver de Sodome, vouée par Dieu à la destruction (Gen. 19). Lorsque Dieu ordonna à Abraham de sacrifier son fils Isaac, afin d’éprouver son obéissance, ce fut Michel qui intervint au dernier moment pour l’arrêter (Gen. 22). Il apparut encore au patriarche Jacob, pour le délivrer des mains meurtrières de son frère (Gen. 27, 41). C’est lui qui se tenait au-devant du peuple d’Israël lorsqu’il sortit d’Egypte et le dirigeait sous la forme d’une nuée le jour et d’une lueur la nuit (Ex. 13, 21). Il fut envoyé aussi au devant du devin Balaam, en route vers Balaq roi de Moab pour maudire le peuple d’Israël, et lui barra le passage en se tenant devant sa mule, une épée nue à la main (Nbr. 22, 22). Quand Josué était aux pieds des murs de Jéricho, attendant un signe de Dieu pour assiéger la ville, Michel lui apparut, tenant à nouveau une épée. Comme il craignait que ce ne soit une ruse du Malin, qui sait se transformer en Ange de lumière, Josué lui demanda: « Es-tu des nôtres ou de nos adversaires?». Michel répondit: « C’est comme chef de l’armée du Seigneur que je viens maintenant», et lui ordonna de vénérer désormais le lieu qu’il venait de sanctifier par sa présence (Jos. 5, 13). Sous les Juges, il vint réconforter Gédéon et l’envoya pour délivrer Israël de l’oppression des Madyanites (Jug. 6, 11).
Quand David, contrairement à l’ordre de Dieu, eut fait recenser le peuple, Michel fut envoyé par Dieu pour être l’instrument de sa colère. En un jour, il ravagea par son épée plus de soixante-dix mille hommes et il se tenait prêt à détruire Jérusalem, lorsque, ému par le repentir de David, le Seigneur l’arrêta et lui ordonna de remettre son épée au fourreau (I Chron. 21). Il se révéla plusieurs fois au prophète Elle pour le consoler dans ses tribulations et l’envoyer en mission (I Rois l 9, 5; II Rois, 1, 15). Lors de l’invasion du roi des Assyriens, Sénnacharib, Michel abattit en une nuit cent quatre-vingt cinq mille hommes dans le camp des envahisseurs (II Rois 19, 35). C’est lui encore qui descendit du ciel et se tint au milieu de la fournaise ardente, à Babylone, avec les trois jeunes gens, en chantant avec eux les louanges du Seigneur (Dan. 3, 92), et qui ferma la gueule des lions dans la fosse où avait été jeté le prophète Daniel (Dan. 6, 23).
Les interventions salutaires du saint Archange Michel sont en fait innombrables, aussi bien sous l’Ancienne Alliance que, plus encore, après la venue du Christ. C’est lui qui délivra les Apôtres de prison (Actes 5, 19), lui fut envoyé à l’Apôtre Philippe pour baptiser l’eunuque de la reine l’Éthiopie (Act. 8, 26), qui apparut au centurion Corneille et lui demanda de faire venir saint Pierre pour le baptiser (Act. 10), qui libéra Pierre de prison (Act. 12) et frappa le roi Hérode qui voulait se faire passer pour un Dieu (idem). Il apparut à saint Paul pour le réconforter dans ses épreuves, et fut pour l’Évangéliste saint Jean l’interprète des secrets de Dieu concernant la fin des temps, dans l’Apocalypse. C’est en effet Michel qui va engager l’ultime combat contre l’Antéchrist et le Diable, et qui les précipitera éternellement dans l’enfer (Apoc. 12, 7). Et lors du Jugement dernier, il se tiendra, une balance à la main, pour peser nos actes

La tradition de l’Eglise a gardé la mémoire d’autres miracles de l’Archange Michel, comme, par exemple, celui accompli à Colosses en Phrygie (commémoré le 6 septembre).



pages 456 et seq:
A PROPOS DE GABRIEL, Archistratège de la milice céleste

En Dieu, la Justice ne peut être séparée de la Miséricorde: «La miséricorde et la vérité se sont rencontrées, la justice et la paix se sont embrassées», chante le Psalmiste (Ps 84, 11). C’est pourquoi, on ne peut commémorer Michel, l’Ange de la Justice, sans lui associer Gabriel, l’Ange de la Miséricorde. Il est envoyé par Dieu aux hommes pour leur annoncer les merveilles de son Amour et de sa bienveillance en vue de leur salut. Il donna au prophète Daniel l’interprétation de la vision énigmatique qu’il avait eue concernant la fin des royaumes des Mèdes et des Perses (Dan. 8, 6), et lui annonça, une autre fois, que le Christ, le Sauveur du monde, devait venir quatre cent quarante-neuf ans plus tard (Dan. 9, 24). Il fut aussi envoyé auprès de la femme de Manoé au temps des Juges, pour lui annoncer la naissance prochaine de Samson. Quand, tout à sa joie, Manoé voulut le retenir pour lui offrir un banquet, Gabriel lui répondit qu’il ne se nourrissait pas de tels mets et lui recommanda d’exprimer son action de grâce en offrant un holocauste au Seigneur. Comme on lui demandait son nom, il répondit: «Pourquoi me demandes-tu mon nom? C’est un mystère », et il disparut de leurs yeux dans la fumée du sacrifice (Juges 13).
Il fut le messager de toutes les heureuses nouvelles de la naissance miraculeuse d’enfants à partir d’un sein flétri ou stérile. En particulier, c’est lui qui apparut à Joachim et Anne pour leur annoncer la naissance de la Mère de Dieu, et à Zacharie et Élisabeth, pour les prévenir de celle du saint Précurseur (Luc 1). Il a nourri de la manne céleste la Mère de Dieu pendant douze ans, dans le Temple , et fut envoyé par Dieu auprès d’elle pour lui annoncer la bonne nouvelle attendue depuis l’origine du monde: c’est à dire qu’elle devait enfanter Dieu par l’opération du Saint-Esprit. Il vint rassurer Joseph en songe, lorsque celui-ci était tourmenté de doutes quant à la virginité de la Mère de Dieu (Mat. 1, 20). Lors de la naissance du Sauveur, il conduisit les bergers vers la grotte de Bethléem, pour qu’ils puissent l’adorer. Il prévint Joseph des desseins meurtriers d’Hérode et lui conseilla de prendre l’enfant et sa mère et de les conduire en Égypte. Lorsque le danger fut passé, il lui apparut à nouveau en songe pour lui ordonner de revenir. Lors de la sainte nuit de la Résurrection du Christ, Gabriel descendit des cieux, revêtu d’une robe blanche étincelante de la Lumière divine, repoussa la pierre qui fermait le tombeau et s’assit dessus. Lorsque les femmes Myrophores arrivèrent sur les lieux, il les rassura de leur effroi en disant: « Ne craignez pas. Je sais que c’est Jésus, le Crucifié, que vous cherchez. Il n’est pas ici: Il est ressuscité, comme Il l’avait dit» (Mat. 28, 5).

Ainsi, depuis l’origine du monde jusqu’à la Résurrection du Christ et la fin des temps, le Saint Archange Gabriel est-il le messager envoyé par Dieu pour annoncer aux hommes les merveilles de Sa miséricorde en la Personne du Seigneur Jésus Christ.



Fresque montrant le Christ entouré des Ordres angéliques. Remarquablement, ils forment les constellations. Autour du Christ, un extrait du Psaume 148, celui chanté durant l'Office d'Orthros / Matines : Que tout ce qui vit et respire loue le Seigneur !
Louez Le Seigneur depuis les Cieux,
Louez-Le dans les lieux très hauts.
À Toi convient la louange, ô Dieu.
Louez-Le, vous tous Ses anges;
Louez-Le, vous toutes Ses puissances incorporelles.
Louez-Le pour Ses hauts faits ;
Louez-Le pour Sa grandeur infinie
.
source de l'Icône http://www.imartis.gr/imartis/gallery2


un lien iconographique & liturgique en russe :
http://www.pravoslavieto.com/calendar/feasts/11.08_Arhangelovden.htm


http://vatopaidi.files.wordpress.com/2009