(Archimandrite Sophrony) : Nous avons eu connaissance d'une conversation entre le Starets et un archimandrite qui exerçait une activité missionnaire parmi les non-Orthodoxes. Cet archimandrite estimait beaucoup le Starets et vint à diverses reprises s'entretenir avec lui lors de ses séjours à la Sainte Montagne. Le Starets lui demanda comment il prêchait. L'archimandrite, qui était encore jeune et inexpérimenté, s'écria en gesticulant et en secouant tout son corps :
Je leur dis : « Votre foi, c’est de la fornication. Chez vous, tout est déformé, tout est faux, et vous ne serez pas sauvés si vous ne vous repentez pas ».
Le Starets l’écouta, puis lui demanda : - Et dites-moi, Père archimandrite, croient-ils en Jésus Christ, croient-ils qu’il est le vrai Dieu
- Oui, cela, ils le croient.
- Et vénèrent-ils la Mère de Dieu ?
- Oui, ils la vénèrent; mais leur doctrine à son sujet est fausse.
– Vénèrent-ils les saints ?
- Oui, ils les vénèrent, mais quels saints peut-il donc y avoir chez eux depuis qu’ils se sont séparés de l’Eglise ?
- Ont-ils des offices dans leurs églises, lisent-ils la Parole divine ?
- Oui, ils ont des offices et des églises, mais si vous pouviez voir ce que sont ces offices en comparaison des nôtres, quel froid, quelle absence de vie !
- Eh bien ! Père archimandrite, leur âme sait qu’ils font bien de croire en Jésus Christ, de vénérer la Mère de Dieu et les saints, de les invoquer dans leurs prières; et si vous leur dites que leur foi c’est de la fornication, ils ne vous écouteront pas … Mais dites aux gens qu’ils font bien de croire en Dieu; qu’ils font bien de vénérer la Mère de Dieu et les saints; qu’ils font bien d’aller à l’église pour les offices, de prier à la maison, de lire la Parole divine, et le reste; mais que, sur tel ou tel point, ils sont dans l’erreur, qu’il faut corriger cette erreur et qu’alors tout sera bien. Le Seigneur se réjouira en eux, et ainsi nous serons tous sauvés par la miséricorde de Dieu. Dieu est Amour; c’est pourquoi toute prédication doit, elle aussi, procéder de l’amour, et alors elle sera salutaire et pour celui qui prêche, et pour celui qui l’écoute. Mais si vous condamnez, l’âme du peuple ne vous écoutera pas, et il n’en résultera aucun bien.
Archimandrite Sophrony, "Le starets Silouane" P. 62-63 Ed. Présence Paris. 1996