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19 Mai 2014, par Gabe Martini
Certes, il y a eu nombre d'articles, de podcasts, de communiqués de presse, de vidéos, et d'autres diffusions médiatiques au cours des récentes semaines à propos de la rencontre entre le patriarche oecuménique Bartholomeos et le pape François, l'actuel archevêque de la ville de l'Ancienne Rome.
Le Patriarcat de Constantinople n'a pas lésiné sur la dépense pour la promotion de cet événement, qui commémore le 50ème anniversaire d'une rencontre similaire à Jérusalem entre le patriarche oecuménique Athenagoras et le pape Paul VI (Janvier 1964).
Pour beaucoup, cet événement est un peu plus qu'une commémoration bien ficelée d'une branche d'olivier tendue entre ces 2 anciennes foi chrétiennes. Pour d'autres, c'est le centre de leur préoccupation sur le futur de leurs églises respectives. Est-ce que cet événement sera utilisé comme moteur pour des compromis doctrinaux? Est-ce que l'avenir de l'Orthodoxie ou du catholicisme-romain va se retrouver en déséquilibre suite à ce prochain échange d'amabilités?
Mais ce qui me tracasse le plus, ce n'est pas cet événement en particulier, mais le vocabulaire et les déclarations de ceux qui sont des deux côtés de la proverbiale "barrière" oecuménique. Je suis totalement en faveur d'un "dialogue dans l'amour" et d'un respect mutuel entre les deux Romes - Ancienne et Nouvelle. Mais lorsqu'on en vient à des compromis doctrinaux ou même au dialogue, nous devons être plus que prudents. L'attitude post-doctrinale de la Rome de Vatican II n'est pas celle de la "costaude" Eglise du Concile de Trente - mais cela signifie qu'elle est plus que "dérapante."
Le scénario derrière ce dialogue n'est pas neuf. Remontant aux conciles de Bâle, Ferrara et Florence, au milieu du 15ème siècle, la tentative de réunification des églises orthodoxes de l'Est et le Siège de Rome a un passé tumultueux. Mais à chaque époque, et à chaque changement, un saint est apparu pour préserver la Foi apostolique malgré les tentatives frénétiques de l'amener à sa fin. Tandis que certains en cette époque de de pluralisme pourraient préférer les oublier, l'Église honore trois de ces Saints comme "les Piliers de l'Orthodoxie."
Malgré tous ses meilleurs efforts pour parvenir au contraire, les Portes de l'Hadès / Enfer n'ont jamais réussi jusqu'à présent à prévaloir contre l'Église de Jésus-Christ. Et si on veut bien croire le Fils de Dieu, elles n'y parviendront jamais. C'est une conviction importante, fondamentale de la Foi Chrétienne - ce n'est pas contingentiel ou secondaire. Notre ecclésiologie est Christologie, et lorsque nous commençons à séparer les deux, nous commençons à séparer l'Église de sa Tête et de sa Vie même. Ce n'est pas une position extrémiste - c'est la position du Christianisme originel. C'est notre confession Baptismale.
En septembre 2000, l'éminent professeur Alexey Osipov (Académie théologique de Moscou) a donné un exposé sur les "fondamentaux de la théologie". Au cours de l'exposé, le professeur Osipov a mis l'accent sur les différences entre Rome et l'Orthodoxie et ce qui nous sépare aujourd'hui - nous connaissons ce qui nous a séparés aux 10ème, 13ème et même 19ème siècles. Mais qu'en est-il aujourd'hui?
Dans son exposé, le professeur examine de manière singulière la question des saints glorifiés (ou "canonisés"). Dans la reconnaissance de saints, l'Église révèle moins à propos des personnages glorifiés qu'elle n'en révèle à propos d'elle-même. En dévoilant au fidèle une personne digne à la fois de vénération et de ferventes demandes, l'Église révèle son propre être profond. Elle révèle ce qu'elle croit à propos de Dieu Lui-même:
"En effet, toute Église orthodoxe locale ou église non-orthodoxe peut être jugée par ses saints. Dites-moi qui sont vos saints, et je vous dirai ce qu'est votre église. Tout église n'appelle saint que ceux qui ont accompli en leur vie l'idéal chrétien, tel que l'Église le comprend. C'est pourquoi la canonisation d'un certain saint n'est pas seulement un témoignage de l'Église à propos de ce Chrétien, qui est selon son jugement digne de la gloire et qu'elle suggère comme exemple à suivre. Il est en même temps un témoignage de l'Église à propos d'elle-même. Par les saints, nous sommes parfaitement à même de juger à propos de la sainteté réelle ou imaginaire de ladite Eglise."
Osipov continue en décrivant en détail tant les écrits que les actions de plusieurs "saints" occidentaux chrétiens, à savoir de l'église catholique-romaine.
Dans cette évaluation exempte de toute apologétique, il trace une ligne de démarcation entre l'Orthodoxie et le catholicisme-romain. Lorsqu'il examine certains "docteurs" de la foi romaine, tels que Catherine de Sienne (14ème siècle) et Thérèse d'Avila (16ème siècle), nous voyons - grâce au professeur Osipov - de l'illusion spirituelle, une porte ouverte aux tromperies démoniaques, et une assurance de gloire qui rivalise avec le Christ Lui-même.
Parlant de Thérèse, le psychologue William James écrivit :
"Sa compréhension de la religion était réduite à un incessant flirt entre le fidèle et la divinité."
Ce n'est pas exagéré, la Madre Teresa révélant elle-même les innombrables "embrassades":
"Dès ce jour, tu sera Mon épouse.. A partir de maintenant, je ne suis plus seulement ton Créateur, Dieu, mais aussi l'Époux.. Le Bien-aimé appelle mon âme d'un murmure si pénétrant que je ne sais pas ne pas l'entendre. Cet appel touche tant l'âme qu'elle s'en brise de désir." (Spanish Mystics, p. 88)
Par contraste, Osipov énumère de grands ascètes de la tradition Orthodoxe qui ont passé leur vie entière à demander un jour de plus pour se repentir. A la fin de sa vie, François d'Assise disait "Je ne connais pas une seule de mes transgression pour laquelle je n'aie expié par la repentance et la confession," alors que saint Sisoës d'Égypte se lamentait, "en vérité, je ne sais pas si j'ai seulement commencé à me repentir."
Les théologiens mystiques de "l'Orient" Orthodoxe ont condamné de manière très habituelle cette illusion ou ce "flirt" spirituel, tellement mis en avant par les docteurs et les saints de Rome. Par exemple dans les écrits de saint Nil le Sinaïte:
"Ne désirez pas voir physiquement Anges ou Puissances ou le Christ, sinon vous deviendrez fou, et prendrez le loup pour le berger, et vous prosternerez devant les démons-ennemis" (153 chapitres sur la prière, 115, Philocalie)
Et aussi avec saint Grégoire le Sinaïte:
"Quand, travaillant à l'oeuvre, tu vois une lumière ou un feu en dehors de toi ou en toi, ou la soi-disant figure du Christ, ou d'un ange, ou d'un saint, ne l'accepte pas, afin de n'être pas lésé. Veille aussi à ne pas permettre à permettre à ton intelligence d'imaginer de telles figures. Tout ce qui se forme ainsi à contre-temps de l'extérieur ne peut, en effet, qu'égarer l'âme. [..] Les Pères disent que tout ce qui vient dans l'âme de sensible ou d'intellectuel, et que le coeur met en doute et n'accepte pas, n'est pas de Dieu et est envoyé par l'adversaire."
De l'hésychia, Philocalie vol II (éd. Olivier Clément), p. 421
Osipov conclut:
"Hélas, l'église catholique a perdu l'art de distinguer le spirituel du sensuel, et la sainteté de la rêverie, et dès lors aussi le Christianisme du paganisme."
Depuis les années 1970 et en particulier depuis la chute du Rideau de Fer, le dialogue entre Rome et l'Orthodoxie a accéléré vers un niveau attendu et même profitable. Le Vatican a fait nombre de concessions, par exemple à propos du Filioque, alors que la redécouverte des Pères Grecs a influencé des théologiens tels que Benoît 16, le (rare) pape émérite. Une transformation complète est encore loin, mais la "direction" théologique de Rome est plus vers l'Orient que jamais.
Néanmoins, les murs qui séparent sont bien réels. Ils ne sont ni de simples fantaisies "d'extrémistes", ni les chevaux de bataille de "traditionnalistes radicaux." Une division entre Rome et l'Orthodoxie est palpable; elle est définissable; elle peut être clairement établie et expliquée. Malgré toutes les avancées récentes dont on se souvient, il y a des distinctions réelles, significatives et importantes entre le catholicisme romain et l'Église Une, Sainte, Apostolique, Orthodoxe-Catholique de "l'Orient" Chrétien.
Nombreux citeraient immédiatement ces distinctions en regardant ces signes si anciens : la clause du Filioque, l'obligation de célibat du clergé, le pain azyme au lieu du pain levé du Nouveau Testament, la suprématie et l'infaillibilité papale, et ainsi de suite. Mais je tends à croire que les différences sont plus subtiles, et dès lors, plus infectieuses.
La difference entre à la fois doctrine et piété ne se trouve pas seulement dans des Credo altérés et des Conciles disputés, mais dans notre affirmation de qui représente le mieux nos Foi respectives.
Révélez vos saints, et vous révèlerez votre Église. Et dans cet échange, on ne saurait trouver de différence plus prononcée entre "Orient" et "Occident".
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A propos de l'auteur, Gabe Martini:
"Je sers comme sous-diacre et catéchiste à la paroisse St. Sophia Greek Orthodox Church à Bellingham, Washington."
Article cité aussi sur le site internet russe Pravmir :
http://www.pravoslavie.ru/english/70879.htm
Patriarche de Constantinople Bartholomeos I et Pape de Rome Francois I, mars 2013, messe d'installation du nouveau président de l'Etat-Cité du Vatican
(Photo: Ravagli/Infophoto)
Source: http://www.pravoslavie.ru/english/70664.htm
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Trois réflexions me viennent.
- Une grande réunion avec le vatican à Jérusalem. Et le patriarche de Jérusalem, on en fait quoi, juste de la tapisserie? Au 1er Concile Apostolique, rapporté par les Actes d'Apôtres, ch. 15, c'est saint Jacques, premier évêque de Jérusalem, qui présidait, comme chef de l'Église locale, quant bien même Pierre, Jean, etc, étaient tous présents, eux les Apôtres. S'il doit y avoir quoi que ce soit de majeur à Jérusalem - a fortiori quand on annonce qu'ils compteraient même concélébrer l'Eucharistie!! ["The two leaders will celebrate Mass together at the Church of the Holy Sepulchre" - Pravmir] - il n'est pas normal que le chef de l'Église locale soit considéré comme un simple invité. Le patriarche de Constantinople n'a aucun droit juridictionnel hors de ce que le Canon 28 de Chalcédoine lui donne, à savoir l'Asie Mineure. Et Jérusalem c'est "juste un peu plus loin". On ne ramène pas la paix dans l'Église en méprisant ses règles de fonctionnement les plus basiques. Se promener ainsi partout sur terre comme il le fait, c'est agir comme un "pape Orthodoxe" surpassant toute juridiction, comme infaillible. Air (malsain) connu.
- Et le 8ème Concile Oecuménique, auquel le pape Jean VIII de Rome a souscrit et dont les Canons dogmatiques ont condamné à l'anathème quiconque croit ou professe le "FILIOQUE", tout d'un coup on aurait des patriarches qui seraient supérieurs aux Conciles Oecuméniques et pourraient balayer tout ça d'un revers de la main? Ce ne sont pas des "théologoumènes", des "opinions théologiques", que de professer avec vigueur et dogmatiquement le contraire de ces Canons oecuméniques! Et ignorer ce que les "autres" ont proclamé comme dogmes contraires à la Foi, c'est normal? Et nos frères et soeurs Coptes & autres Ethiopiens, admirables martyrs de la Foi vraiment commune (cfr Syndesmos 1992), dont nous sommes injustément séparés, on en fait quoi, pour eux juste de beaux discours de soutien théorique?
- A chaque Liturgie & Office, nous proclamons dans le Credo que nous croyons que l'Église EST UNE. En quoi est-elle divisée - sinon humainement, comme on l'a vu avec la récente rupture de communion entre 2 patriarches orientaux (nil novi sub sole, snif..) pour des questions de lutte de territoire, pour de la théocratie au lieu de Foi. Division due au péché humain. Mais elle est UNE en matière de Foi. Et cette Foi ne comporte aucun de ces éléments inventés hors de son sein et proclamés "dogmes" ailleurs. Aimer tout le monde, prier pour tout le monde, oui, mais vouloir nous voir prier pour marier l'eau et le feu, c'est quoi cette histoire?
Ces trois points devraient au moins faire réfléchir. Mon opinion sur le sujet est connue, je n'insisterai pas.
Et pour le restant, comme le dit l'auteur de l'article ci-dessus, c'est pas la première fois que ça se passe. Ceux qui le font croient toujours poser un acte prophétique. Ceux qui les soutiennent y croient aussi. Une majeure partie d'entre eux agissent "bona fide". Mais ces pseudo-prophètes et leurs soutiens n'agissent cependant jamais en paix avec leurs propres frères et soeurs qui ne sont pas d'accord avec ces étranges arrangements sur le dos de la Foi. Quel triste paradoxe, chercher l'union à l'extérieur et pas d'abord la paix à l'intérieur! Cependant, à chaque fois, Dieu suscite des saints pour sauver Son Église. Restons confiants - Gamaliel, le grand rabbin ayant formé le futur saint Paul et lui-même futur martyr de l'Église, le disait déjà dans les Actes "si ça vient de Dieu, rien ne pourra le renverser, mais si ça ne vient pas de Dieu, ça s'effondrera de soi-même". Deo gratias.
Pax vobiscum, fratres & sorores.