"Ô étrange Église Orthodoxe, si pauvre et si faible, qui se maintient comme par miracle à travers tant de vicissitudes et de luttes. Église de contrastes, à la fois si traditionnelle et si libre, si archaïque et si vivante, si ritualiste et si personnellement mystique.
Église où la perle de grand prix de l'Évangile est précieusement conservée, parfois sous une couche de poussière. Église qui souvent n'a pas su agir, mais qui sait chanter comme nulle autre la joie de Pâques."
P. Lev Gillet ("Un moine de l'Eglise d'Orient)

28 mai 2016

Pardonnez, vous verrez comme c'est facile


- Je vous dis, non pas 7 fois mais 7 fois 7 fois.
- Génial. Non seulement je dois pardonner à mon frère, mais en plus je dois faire des maths!!

PARDONNEZ. Car c'est bien plus simple que les mathématiques. C'est dur, les maths.

27 mai 2016

Partout et toujours, le Chrétien sera un étranger sur cette planète! (saint Jean)



Si vous êtes un Chrétien, aucune ville terrestre n'est vôtre. Même si nous contrôlions le monde, nous demeurerions cependant des immigrés et des étrangers, car nous sommes citoyens du Ciel.
Saint Jean Chrysostome

26 mai 2016

Le "blog" chrétien orthodoxe en Europe: pourquoi et comment (s.diacre Claude / Conférence d'Athènes)

Notre ami expose avec brio le pourquoi du "blog" chrétien orthodoxe en Europe occidentale, sa genèse, et ses développements. Conférence en anglais.




La prière du marin







Seigneur,

Accorde-moi des mers démontées,
plutôt qu'une vie de facilité,

Le dur et fou labeur
d'une vie d'efforts,

L'aventure, une vie qui a du sens,
car la sécurité du port n'est pas pour moi,
en tout cas pas pour longtemps.

Que celui qui a peur reste sur le quai,
à nous pointer du doigt alors que nous nous élançons vers l'inconnu,

Vers le vaste horizon,
où le courageux peut devenir une légende.

Amen.







Visitez "Oostende voor anker"!
http://www.oostendevooranker.be

25 mai 2016

Prêcher par vaine gloire ou pour le salut? (saint Jean)



"Si la parole était pour moi une question de vanité et d'amour de la gloire, je passerais d'un sujet à un autre, sans me soucier de votre progrès, mais seulement de vos applaudissements; mais parce que telle n'est pas mon ambition, et que je ne vise que votre bien, je vous répéterai sans cesse les mêmes avis jusqu'à ce que vous les mettiez en pratique."
Saint Jean Chrysostome, homélie sur l'épitre aux Hébreux

24 mai 2016

Saint Vincent de Lérins et la Catholicité de l'Église (biographie)


"SAINT VINCENT DE LÉRINS (+ 459)
Pape de Rome : Saint Léon le Grand - Roi des Francs : Mérovée

"Prenez garde que quelqu'un ne vous séduise, parce que plusieurs viendront en mon Nom, disant : Je suis Sauveur, et ils en séduiront un grand nombre"
Math 24,4-5

Préambule.
Le terme "catholique" vient du grec "καθόλου", qui, comme nombre de termes anciens, par polysémie, possède plusieurs acceptions possibles. Le premier à avoir utilisé ce terme pour définir l'Église est saint Ignace, évêque-martyr d'Antioche et successeur de l'apôtre saint Pierre. Dans son épître aux Smyrniotes, au chapître 8,2 il dit
"ὥσπερ ὅπου ἂν ῇ Ἰησοῦς Χριστός, ἐκεῖ ἡ καθολικὴ ἐκκλησία"
"là où est le Christ Jésus, là est l'Église catholique"

Cela peut signifier "en plénitude" ou "universel". Or, à l'époque où saint Ignace écrit, l'Église est loin d'être présente dans tout le monde habité connu, très loin même. Par contre, il "forge" ce terme dans le contexte de l'explication de l'évêque et de son rôle. Dans un contexte de foi. Donc l'acception originelle du terme est bel et bien "plénitude" de la Foi, et non pas "universel" dans le sens "partout présent".
Il est très important de sans cesse (se) rappeler que le terme "catholique" n'avait strictement pas la même valeur dans l'Église à l'époque de saint Vincent de Lérins qu'en Occident depuis le "concile de Trente". Le terme s'applique à l'Église "Corps du Christ", l'Unam Sanctam des grands Conciles Oecuméniques, pas à l'une ou l'autre partie séparée par des schismes ou inventée tardivement. C'est importantissime de se souvenir de cela quand on lit des textes de patristique, en particulier dans les traductions modernes. Cette explication rappelle aussi pourquoi aujourd'hui encore dans l'Église dite Orthodoxe, dans le Credo, nous utilisons le terme "catholique" et non pas "orthodoxe" (qui n'existe pas dans le Credo nicéen) - il s'agit encore et toujours d'une question de Foi et pas d'organisation terrestre.
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Saint Vincent, frère germain de saint Loup, évêque de Troyes, était né à Toul, en Lorraine. Il avait d'abord servi dans l'armée et brillé dans le monde. Entraîné par l'exemple de son vertueux frère, il s'ouvrit à la grâce divine et devint moine au monastère de Lérins pour n'y plus songer qu'à oeuvrer à son Salut.
Douloureusement affecté de voir l'Église déchirée par les hérétiques et voulant contribuer, pour sa part, à prémunir les simples fidèles contre les sophismes de l'erreur, il composa, vers l'an 434, soit trois ans après le Concile Oecuménique d'Ephèse qui proscrivit le Nestorianisme, un livre qu'il intitula "Commitorium" ou avertissement contre les hérétiques, et que par humilité, il publia sous le nom de "Peregrinus" (le Voyageur ou l'inconnu). C'est dans ce bel et solide ouvrage qu'il trace cette règle à laquelle, plus strictement que jamais, il importe de se conformer :

"Dans l'église catholique, il faut apporter le plus grand soin à tenir ce qui a été cru partout, toujours et par tous.
In ipso Catholica Ecclesia magnopere curandum est ut id teneamus quod ubique, quod semper, quod ab omnibus creditum est
".

Ce livre, véritable perle, "petit par son étendue mais immense par sa valeur" (Mole parvum, sed virtute maximum), a pour but de préserver les fidèles des nouveautés en matière de Foi.
Ce traité était originairement divisé en deux parties, dont la seconde avait pour objet le Concile d'Ephèse, et à laquelle était jointe une récapitulation de tout l'ouvrage. La seconde partie ayant été soustraite à Vincent, il se contenta de rapporter cette récapitulation à la fin de la première partie, et de ne faire du tout qu'un seul livre; c'est dans cet état que nous l'avons aujourd'hui.
L'auteur établit cette règle infaillible pour distinguer la vérité d'avec l'erreur, à savoir, l'autorité des Écritures expliquées suivant la Tradition de l'Église.
Vincent de Lérins s'applique sur toutes choses à mettre en garde les fidèles contre une des plus dangereuses tentations où leur foi soit exposée, ce qui arrive lorsque Dieu permet que de grands hommes, des hommes estimés par leurs talents, et en réputation de sainteté, deviennent les docteurs de l'hérésie. Il apporte pour exemple Valentin, Donat, Photin, Apollinaire, Nestorius, Tertullien, et surtout Origène, deux Pères dont il fait le plus magnifique éloge, pour en conclure que "tous les vrais catholiques doivent recevoir les Docteurs avec l'Église, mais non pas abandonner la Foi de l'Église avec les Docteurs".

Le Commonitoire est un de ces écrits que l'on ne peut lire trop souvent; il en est peu dans l'Antiquité chrétienne qui renferment tant de choses admirables en si peu de paroles. Le style est agréable, précis, doux et coulant; la phrase de Vincent de Lérins, toujours pure et harmonieuse, se module et se balance comme la période cicéronienne. Sous le rapport du style, l'auteur du Commonitoire nous paraît supérieur de beaucoup à Salvien qui vivait dans le même siècle.
Après avoir montré que la division des hérétiques en 2 classes principales détermina aussi à leur égard une double controverse, il ajoute : "Nous n'avons pas à nous occuper ici de celle qui consistait à montrer, par les monuments de la Tradition et les décisions dogmatiques, quelle était la Foi de l'Église; mais, celle qui avait pour objet de prouver la nécessité de croire à l'Église, mérite une attention particulière."

L'Antiquité chrétienne a produit sur ce sujet deux ouvrages fondamentaux, l'un vers le commencement du 3ième siècle, et l'autre au 5ième : les Prescriptions de Tertullien, et le Commonitoire de Vincent de Lérins. Nous les disons fondamentaux, parce qu'effectivement les considérations qui y sont développées frappent également toutes les sectes, quelles que soient leurs doctrines particulières : et de même que, en algèbre, on obtient en éliminant les conditions spéciales de tel problème particulier, des formules générales, applicables à toute espèce de quantité; de même, en écartant dans la lecture de ces deux écrits les noms des hérétiques contemporains et les réflexions accessoires qui s'y rattachent, on voit se dégager, dans sa pureté logique, le principe général de la controverse avec tous ceux qui créent ou choisissent leur foi, suivant la signification prope de ce nom d'hérétiques.

Voici le début plein d'humilité de ce beau livre : "Il me semble à moi, pèlerin, le plus petit de tous les serviteurs de Dieu, que ce ne serait pas, avec l'aide du Seigneur, chose d'une médiocre utilité de coucher par écrit ce que j'ai reçu fidèlement des saints Pères, précaution bien nécessaire sans doute à ma propre faiblesse, puisque l'aurai là sous la main de quoi suppléer, par une lecture assidue, à mon peu de mémoire."
Ces lignes expliquent bien le sens du titre choisi par l'auteur. On donnait à cette époque le nom de Commonitoire à un recueil de notes qui devaient aider la mémoire : c'est ainsi que l'empereur Théodose donna un commonitoire au comte Elpidius partant pour le Concile d'Ephèse, et que le pape Zozime de Rome en remit un à Faustin qu'il envoyait en Afrique.

Une des plus admirables pages du Commonitoire est celle qui traite du progrès, cette grande question de tous les temps et du nôtre en particulier. "Quelqu'un dira peut-être : 'Ne peut-il donc y avoir de progrès pour la Foi dans l'Église du Christ?' Qu'il y en ait, et qu'il y en ait beaucoup. Car, qui serait si malveillant pour les hommes, si maudit de Dieu, que d'empêcher ce progrès? Mais, il faut néanmoins que ce soit vraiment un progrès, et non pas un changement. Ce qui constitue le progrès d'une chose, c'est qu'elle prenne de l'accroissement, sans changer d'essence; ce qui en fait au contraire le changement, c'est qu'elle passe d'une nature à une autre. Il est donc nécessaire que l'intelligence, la science, la sagesse de chacun comme de tous, d'un seul homme comme de l'Église entière, suivant l'âge et le siècle, croissent et grandissent beaucoup, mais toutefois en leur espèce, c'est-à-dire, en conservant la même doctrine, le même sens, la même pensée.
Que la religion des âmes imite l'état du corps, qui, tout en se développant et en grandissant avec les années, ne laisse pas néanmoins d'être le même.
Il y a bien de la différence entre la fleur de la jeunesse et la maturité de la vieillesse; mais, celui qui est aujourd'hui vieillard, n'est pas autre chose que celui qui fut autrefois adolescent; en sorte qu'un seul et même individu a beau changer d'état et de disposition, il ne change néanmoins ni de nature, ni de personne. Les membres sont petits dans un enfant à la mamelle, grands dans un jeune homme; ils sont toutefois les mêmes dans l'un et dans l'autre. Autant les enfants ont de membres, autant en ont les hommes; et s'il est des parties qui se développent dans un âge plus mûr, elles existaient toutefois dans le principe de leur origine, en sorte que rien de nouveau ne parait dans un vieillard, qui ne fût caché en lui lorsqu'il était enfant.
Ainsi donc, il n'en faut pas douter, la droite et légitime règle d'un beau développement, l'ordre parfait et invariable d'une belle croissance, c'est quand le nombre des années vient à découvrir dans un jeune homme les parties et les formes que la sagesse du Créateur avait d'abord cachées dans un enfant. Mais, si l'homme, avec le temps, se change en une figure qui ne soit pas la sienne; si le nombre de ses membres augmente ou diminue, il faut bien, dans ce cas, ou que tout le corps périsse, ou qu'il devienne monstrueux, ou qu'il s'affaiblisse tout au moins.
De même, la doctrine de la religion chrétienne doit suivre ces lois de perfectionnement, se consolider par les années, s'étendre avec le temps, s'élever avec l'âge, mais demeurer cependant pure et intacte, se montrer pleine et entière dans toutes les mesures de ses parties, comme dans ses sens et ses membres en quelque sorte, n'admettre aucun changement, ne rien perdre de ce qui lui est propre, et ne subir aucune variation dans les points définis.
Pour l'Église du Christ, soigneuse et prudente gardienne des dogmes à elle confiés, elle n'y change jamais rien, n'y diminue rien, n'y ajoute rien; elle n'en retranche pas ce qui est nécessaire, elle n'introduit rien de superflu, elle ne laisse rien perdre de ce qui lui appartient, elle n'usurpe rien d'étranger; mais elle met toute son industrie, tout son entendement à traiter fidèlement et sagement les choses anciennes, à façonner et à polir ce qu'il put y avoir autrefois de commencé, d'ébauché; à consolider, à affermir ce qui fut exprimé, développé; à garder ce qui fut confirmé, défini.
Enfin quel autre but s'est-elle jamais proposé dans le décret des Conciles, sinon de faire croire avec une Foi plus vive ce que l'on croyait avec plus de simplicité; de faire prêcher avec plus de force ce qui se prêchait avec plus de faiblesse; de faire adorer avec plus de zèle ce que déjà l'on adorait avec sûreté?"

Saint Vincent de Lérins mourut avant la fin de 450, sous le règne des empereurs Théodose II et Valentinien III. Ses reliques, dit-on, sont respectueusement gardées à Lérins; des parcelles existeraient quelque part ailleurs.
Saint Vincent de Lérins voyait dans l'onde d'un ruisseau qui s'éloigne de sa source vers laquelle il ne doit jamais remonter, l'image des moments fugitifs de la vie, qui s'écoulent pour ne plus jamais revenir! Hélas ! quelle est la bouche qui n'a pas dit quelquefois en pensant à la brièveté de nos jours: Qu'est-ce que la vie?
En nous rappelant notre heureuse enfance, en foulant de nouveau par la pensée cette pelouse où nous folâtrions avec tant de gaîté, en revoyant en esprit ces campagnes où nous promenions notre insouciante jeunesse, ne semble-t-il pas que nous touchions encore à des instants écoulés pourtant depuis bien des années? Or, il en sera de même, lorsque sur notre lit de mort, nons pourrons envisager d'un seul coup d'oeil notre vie tout entière : que sera-t-elle alors pour nous, sinon un songe frivole, une ombre légère et fugitive? 'Qu'est-ce que votre vie, dit l'apôtre saint Jacques ? C'est une vapeur qui parait pour un peu de temps et qui sera bientôt dissipée. N'êtes-vous donc pas des insensés, vous qui dites: Aujourd'hui ou demain, nous irons dans telle ville, nous y négocierons pendant une année, et nous y ferons un gain considérable : savez-vous même ce qui arrivera demain?'
Beaucoup de personnes pensent assez souvent à la brièveté de la vie; mais cette pensée, que Dieu a destinée à porter tant de fruits, est stérile pour elles. Loin d'en profiter, en effet, elles s'empressent de la chasser dès qu'elle se présente, et s'efforcent de la remplacer par des pensées riantes et frivoles. En vérité, n'est-ce pas là une folie semblable à celle des insensés qui danseraient au-dessus d'un volcan ouvert sous leurs pieds pour les dévorer?
Dans le calendrier romain pro-schisme, saint Vincent était fêté à Lérins le 28 mai, et il est fêté le 24 mai dans l'Église actuelle.




23 mai 2016

Néo-martyr Evgueny de Tchétchénie

A présent, une icône grecque - car la vénération se répand dans l'Église, même si la glorification officielle n'a pas encore eu lieu (contrairement aux affirmations de divers sites), le récit de sa vie a quand même reçu la bénédiction de publication de feu le patriarche Alexis II. Et le site officiel du Patriarcat publie aussi un résumé à présent..



Informations :
http://stmaterne.blogspot.com/2013/05/neo-martyr-evgueny-rodionov-saint.html
(voir en particulier les liens dans les commentaires)


Святый мучениче Христов, Евгение, моли Бога о нас

22 mai 2016

L'ambition, pire ennemi de l'évêque et du prêtre (saint Jean Chrysostome)


"On devrait, à mon avis, se pénétrer pour le sacerdoce d'un tel respect qu'on reculerait devant une si grande responsabilité; et que, une fois en dignité, on n'attende pas le jugement des autres pour y renoncer, quand on s'est rendu coupable d'une infraction méritant la déposition, mais qu'on le prévienne en se démettant spontanément de ses fonctions. Ce serait, du moins, se rendre Dieu propice et favorable. S'obstiner à conserver un poste dont on n'est plus digne, serait se fermer la porteà tout pardon, ajouter péché à péché, et aggraver le poids du courroux de Dieu. Mais qui aurait jamais ce courage? Funeste, en vérité, funeste est cette mortelle ambition. Loin de moi la pensée de contredire saint Paul, dont je ne fais d'ailleurs que commenter les paroles. Que dit-il, en effet? Celui qui aspire à la charge d'épiscope désire une noble fonction. (1 Tim 3,2.) Or, ce n'est pas le désir d'une si belle tâche que je condamne, mais le désir d'autorité et de pouvoir qui s'y rattachent.
C'est ce désir qu'il faut bannir de son coeur, et, dès le début, anéantir, pour pouvoir exercer librement les devoirs de son état. Qui ne désire pas de briller à ce haut rang, ne craint pas non plus d'en descendre; exempt de cette crainte, il pourra agir en toutes choses avec la liberté qui convient aux vrais enfants de Dieu. Celui, au contraire, qui redoute toujours de perdre sa place, plie sous le joug d'une honteuse servitude qui le forcera un jour à déplaire aux hommes et à Dieu. Une âme sacerdotale ne doit pas être ainsi asservie. De braves soldats combattent avec courage et meurent en héros. C'est là l'esprit dont le prêtre digne de ce nom doit être animé, l'esprit du christianisme, également résigné à accomplir et à terminer sa tâche, comme il convient à un chrétien, assuré qu'il est qu'il y a autant de mérite aux yeux du Seigneur à renoncer au pouvoir qu'à l'exercer. Et quand on s'est exposé de la sorte à être démis, pour n'avoir point consenti à des mesures contraires à la sainteté de cet état, on se prépare à soi-même une plus haute récompense, et un plus terrible châtiment aux auteurs d'une disgrâce non méritée. Bienheureux êtes-vous, dit le Maître, si l'on vous insulte, si l'on vous persécute et si l'on vous calomnie de toutes manières à cause de Moi. Soyez dans la joie et l'allégresse, car votre récompense sera grande dans les Cieux. (Mt 5,11-12) Voilà pour les cas où l'on est cassé et déposé par des collègues qui agissent par jalousie, par complaisance pour certaines personnes, par inimitié ou pour d'autres raisons aussi peu avouables. Quant à souffrir ces mêmes persécutions de la part des ennemis déclarés de l'Église, il n'est pas nécessaire de dire combien elles sont méritoires.
Pour revenir à l'ambition, il faut donc scruter minutieusement tous les replis de notre âme, pour s'assurer si au fond du coeur ne couve peut-être à notre insu une étincelle de cette passion. Ce n'est pas tout d'en être débarrassé au début, il faut encore se garder de ses atteintes quand on est monté en dignité. Mais pour peu qu'auparavant on ait nourri cette funeste passion, on en sera brûlé et torturé par après. [...] Comme les coeurs épris sentent redoubler leurs tourments près de l'objet aimé, et ne s'en délivrent que par l'absence; de même pour ces coeurs ambitieux des honneurs de l'Eglise : plus ils s'en approchent, plus le feu de l'ambition lesdévore; mais dès qu'ils renoncent à leurs espérances, avec elles s'éteint l'ardeur de leurs désirs. Cette considération n'était pas sans valeur [..] Un prêtre doit être prudent, clairvoyant, et d'une vigilance qui s'exerce partout; un prêtre n'est pas à lui, il appartient à tout un peuple. Et moi, je suis paresseux, mou, très en peine pour mon propre salut; tu en conviendras toi-même, quelque soin que prenne ton amitié à dissimuler mes défauts. Jeûner, veiller, coucher sur la dure et les autres austérités, il ne faut pas m'en parler : tu sais combien je suis éloigné de ces mortifications ! Et quand je m'y adonnerais entièrement, de quoi me serviraient-elles dans le saint ministère, avec ma nonchalance naturelle ? Que cette ascèse profite au solitaire cantonné dans sa cellule et uniquement occupé de son Salut, à la bonne heure. Mais celui qui se partage entre tant de monde et se doit à chacun en particulier, quel fruit pourrait-il en tirer, à moins d'y joindre une vigueur et une force d'âme que rien n'ébranle.
Ce n'est pas à la seule austérité de la vie que se réduit ce que j'appelle la force d'âme. Il n'y a là rien qui doive t'étonner; la modération dans le boire et le manger, le renoncement à un lit moelleux n'ont rien de coûteux pour beaucoup, surtout pour ceux qui ont une nature fruste et qui en ont contracté l'habitude dès leur enfance, ou pour d'autres encore dont la trempe de leur tempérament et l'habitude rendent aisées de telles austérités. Mais supporter un outrage, une persécution, un propos offensant, une critique lancée par des inférieurs, à tort ou à raison, des plaintes faites au hasard et sans fondement par des supérieurs ou des subordonnés: voilà ce qui n'appartient qu'à un petit nombre de privilégiés, à peine en citerais-tu un ou deux. Telle personne endurera les pires privations, qui ne saura pas résister aux autres épreuves, jusqu'à en perdre la tête : elle s'en irrite et devient furieuse comme une bête fauve. De semblables caractères doivent être écartés à jamais de l'enceinte du sanctuaire. Qu'un prêtre ne s'exténue point par les jeûnes, qu'il n'aille point pieds nus, cela ne saurait nuire en rien au bien de l'Eglise; mais ses emportements causeront aux fidèles et à lui-même les plus grands malheurs. Dieu ne menace personne pour la non-observance de ces austérités; mais Il condamne aux feux de l'Hadès ceux qui se laissent emporter aux mouvements désordonnés de la colère. Lorsque l'ambitieux arrive au pouvoir, on fournit un nouvel aliment à sa passion; de même le caractère violent qui, dans ses rapports de famille ou d'amitié ne sait point modérer son humeur et s'emporte pour un rien, à peine est-il à la tête de tout le peuple qu'il devient comme une bête féroce dont la fureur s'enflamme par les milliers de piqûres qu'on lui porte. Il ne peut plus goûter un seul instant de repos et causera à son peuple des maux incalculables.
Rien ne trouble la clarté de l'intelligence, rien n'offusque le discernement de l'esprit, comme la colère aux mouvements déréglés et impétueux. On dit communément que "la colère perd même les gens sensés". C'est comme un combat nocturne où l'oeil de l'âme, plongé dans les ténèbres, ne sait plus distinguer l'ami de l'ennemi, les gens honorables de ceux qui ne le sont pas: la colère met tout le monde au même rang. Qu'elle se fasse du tort et du mal à elle-même, elle l'encaisse volontiers en échange du plaisir qu'elle a, car il y a une sorte de volupté dans l'emportement de la colère; elle exerce sur l'âme une tyrannie plus impérieuse que le plaisir, tyrannie qui en bouleverse et anéantit toutes les facultés. La colère nous porte facilement à l'insolence, aux inimitiés les plus absurdes, aux haines aveugles, aux provocations téméraires et à tant d'autres écarts de fait ou de langage. Dans un tel désordre, l'âme entraînée par cette passion tumultueuse, n'a plus la force de se contenir et de résister."

+ Saint Jean Chrysostome, Dialogue sur le sacerdoce, livre 3, ch. 10 à 13 (traité écrit alors qu'il était diacre)
source en grec