"Ô étrange Église Orthodoxe, si pauvre et si faible, qui se maintient comme par miracle à travers tant de vicissitudes et de luttes. Église de contrastes, à la fois si traditionnelle et si libre, si archaïque et si vivante, si ritualiste et si personnellement mystique.
Église où la perle de grand prix de l'Évangile est précieusement conservée, parfois sous une couche de poussière. Église qui souvent n'a pas su agir, mais qui sait chanter comme nulle autre la joie de Pâques."
P. Lev Gillet ("Un moine de l'Eglise d'Orient)

29 avril 2017

Je crois en l'Église Une... (A.S. Khomiakov 6/12)

V – Écriture et Tradition

L'Esprit de Dieu, Qui vit dans l'Église, la dirigeant et l'instruisant, Se manifeste en elle de diverses manières; dans l'Écriture, dans la Tradition, et dans les Oeuvres; car l'Église, qui accomplit les oeuvres de Dieu, est la même Église qui conserve la tradition et qui a rédigé les Écritures. Ce ne sont pas les personnes ni une multiplicité de personnes dans l’Église qui conservent la Tradition ou composent les Écritures; mais bien l'Esprit de Dieu, Qui vit dans l'entièreté du corps de l'Église. Dès lors, il n'est ni correct ni possible de rechercher les fondements de la Tradition dans l'Écriture, ni la preuve de l'Écriture dans la Tradition, ni la justification de l'Écriture ou de la Tradition dans les oeuvres. Pour celui qui vit hors de l'Église, ni l'Écriture ni la Tradition ni les oeuvres ne sont compréhensibles. Mais pour celui qui vit au sein de l'Église et est en communion avec l'esprit de l'Église, leur unité est manifestée par la grâce qui vit en dans l'Église.

Les oeuvres ne précèdent-elles pas l'Écriture et la Tradition? La Tradition ne précède-t'elle pas l'Écriture? Les oeuvres de Noé, d'Abraham, des patriarches et représentants de l'Église de l'Ancien Testament n'étaient-elles pas agréables à Dieu? N'existait-il pas une tradition parmi les patriarches, à commencer par Adam, l'ancêtre de tous? Le Christ n'a-t'Il pas donné la liberté aux hommes et l'enseignement verbal, avant que les Apôtres, par leurs écrits, ne portent témoignage de l'oeuvre du Salut et de la loi de la liberté? Dès lors, il n'y a pas de contradiction entre la Tradition, les oeuvres et l'Écriture, mais au contraire, accord parfait. Ne comprendra les Écritures que celui qui garde la Tradition, et accomplit des oeuvres qui sont agréables à sa sagesse qui vit en lui. Mais la sagesse qui vit en lui ne lui est pas donnée à tître personnel, mais en tant que membre de l'Église, et elle lui est donnée en partie, sans annuler en même temps son erreur personnelle; mais à l'Église est donnée la plénitude de la vérité et sans mélange d'erreur. Dès lors, il ne doit pas juger l'Église, mais s'y soumettre, car la sagesse ne pourrait provenir de lui.

Quiconque cherche la preuve de la vérité de l'Église, par cet acte même montre son doute, et s'exclut de lui-même de l'Église; ou [quiconque] prend l'apparence de celui qui doute et en même temps garde espoir de prouver la vérité, et d'y parvenir par sa propre puissance de raisonnement : mais la puissance de la raison ne sait pas atteindre la vérité de Dieu, et l'impuissance de l'homme est manifestée par l'impuissance de ses preuves. Celui qui ne prend que les Écritures, et ne fonde l'Église que sur elles, rejette en réalité l'Église, et espère la refonder par ses propres forces; celui qui ne prend que la Tradition et les oeuvres, et minimise l'importance de l'Écriture, rejette en fait de la même manière l'Église, et il s'établit juge de l'Esprit de Dieu, Qui a parlé par l'Écriture. Car pour le Chrétien, la connaissance n'est pas matière à investigation intellectuelle, mais de foi vivante, qui est un don de la grâce. L'Écriture est externe, et la Tradition est externe, et les oeuvres sont externes : ce qui est en elles c'est l'unique Esprit de Dieu. D'une Tradition prise seule, ou de l'Écriture seule ou des oeuvres seules, on peut dériver vers une connaissance externe et incomplète, qui peut en effet contenir en elle-même une vérité, car elle part de la vérité, mais en même temps doit nécessairement être erronée, vu qu'elle est incomplète. Le croyant connaît la Vérité, l'incroyant ne la connaît pas, ou ne la connaît que d'une connaissance extérieure et imparfaite (2). L'Église ne se démontre pas plus elle-même que l'Écriture ou la Tradition ou les oeuvres, mais elle se rend témoignage à elle-même comme l'Esprit de Dieu, Qui vit en elle, Se rend témoignage dans les Écritures. L'Église ne se demande pas : quelle Écriture est vraie, quelle Tradition est vraie, quel Concile est vrai, ou quelle oeuvre est agréable à Dieu : car le Christ connaît Son propre héritage, et l'Église dans laquelle Il vit connaît d'une connaissance intérieure, et ne sait pas ne pas connaître Ses propres manifestations. La collection des livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, que l'Église reconnaît comme étant sienne, est appelée "Sainte Écriture". Mais il n'y a pas de limite à l'Écriture; car tout écrit que l'Église reconnaît comme étant sien est Sainte Écriture. Et particulièrement le sont les Symboles de la Foi des Conciles Généraux, et en spécialement le Credo ou Symbole de Nicée-Constantinople. Dès lors, la rédaction de la Sainte Écriture a continué jusqu'à nos jours, et, s'il plaît à Dieu, il s'en écrira plus encore. Mais dans l'Église il n'y a jamais eu, ni jamais n'y aura la moindre contradiction, que ce soit dans l'Écriture, ou dans la Tradition ou dans les oeuvres; car en toutes les trois vit le Christ, Qui est Un et immuable.

(2) Pour cette raison, même celui qui n'est pas sanctifié par l'Esprit de grâce peut connaître la vérité de la même manière que nous espérons que nous la connaissons : mais cette connaissance en elle-même n'est rien de plus qu'une hypothèse, plus ou moins fondée comme une opinion, une conviction logique ou une connaissance externe, qui n'a rien en commun avec la connaissance véritable et intérieure, avec la Foi qui voit l'invisible. Quant à savoir si nous avons la Foi ou non, c'est connu de Dieu Seul.

"L'Église est Une"
par Alexei Stepanovich Khomiakov (1804-1860)

28 avril 2017

Je crois en l'Église Une... (A.S. Khomiakov 5/12)

IV – Une, Sainte, Catholique et Apostolique

L'Église est appelée Une, Sainte, Catholique et Apostolique; parce qu'elle est Une, et Sainte; parce qu'elle appartient au monde entier, et pas à une localité donnée; parce que par elle sont sanctifiés toute l'humanité et toute la terre, et non pas rien qu'un seul peuple ou pays; parce que son essence même consiste en l'accord et l'unité d'esprit et de vie de tous ses membres, ceux qui la confessent par toute la terre; et enfin, parce que dans les écrits et doctrines des Apôtres est contenue la plénitude de sa Foi, son espérance et son amour.

Il en résulte que lorsque quelque société est appelée l'Église du Christ, avec l'adjonction d'un nom local, tel qu'Église Grecque, Russe ou Syrienne, cette appellation ne signifie rien de plus que l'assemblée des membres de l'Église vivant dans cet endroit précis, à savoir la Grèce, la Russie ou la Syrie; et cela n'implique pas le présupposé qu'une seule communauté de Chrétiens serait à même de formuler la doctrine de l'Église, ou de donner une interprétation dogmatique à l'enseignement de l'Église sans l'accord à cet égard avec les autres communautés; et cela implique encore moins que quelque communauté particulière que ce soit, ou son pasteur, puisse imposer aux autres sa propre interprétation. La grâce de la Foi est inséparable de la sainteté de vie, et une seule communauté précise ou un seul pasteur ne peut être reconnu comme étant le gardien de l'entièreté de la Foi de l'Église, ni une seule communauté ou un seul pasteur être considéré comme représentant l'entièreté de sa sainteté. Cependant, chaque communauté Chrétienne, sans s'arroger le droit de l'explication ou de l'enseignement dogmatique, a pleinement le droit d'en changer ses rites et cérémonies, et d'en introduire de nouvelles, pour autant que cela n'offense pas les autres communautés. Plutôt que de risquer cela, elle devrait abandonner sa propre opinion et se soumettre à celle des autres, pour peu que ce qui pourrait sembler sans danger ou même digne de louange pour l'un, pourrait sembler blamable par l'autre; ou que le frère pourrait amener son frère au péché de doute et à la discorde. Tout Chrétien devrait estimer au plus haut point l'unité dans les rites de l'Église : car ainsi est manifestée, même pour le non-éclairé, l'unité d'esprit et de doctrine, en même temps que pour celui qui est éclairé, cela devient une source de vivante joie Chrétienne. L'amour est la couronne et la gloire de l'Église.

"L'Église est Une"
par Alexei Stepanovich Khomiakov (1804-1860)

27 avril 2017

Je crois en l'Église Une... (A.S. Khomiakov 4/12)

III – L'Église sur terre

Depuis la Création du monde, l'Église terrestre a été de manière ininterrompue sur terre, et continuera de l'être jusqu'à l'accomplissement de toutes les oeuvres de Dieu, selon la promesse que Dieu Lui-même lui a faite. Ses caractéristiques sont : la sainteté intérieure, qui ne permet pas le moindre mélange avec l'erreur, car l'Esprit de vérité vit en elle; et l'immuabilité extérieure, car immuable est son Protecteur et Chef, le Christ.

Toutes les caractéristiques de l'Église, qu'elles soient internes ou externes, ne sont reconnues que par elle-même, et par ceux que la grâce appelle à en être membres. En effet, pour ceux qui lui sont étrangers, et ne sont pas appelés à elle, ces caractéristiques sont incompréhensibles; car pour des gens comme ces derniers, le changement extérieur du rite semble être un changement de l'Esprit lui-même, qui est glorifié dans le rite (comme, par exemple, dans la transition de l'Église de l'Ancien Testament à celle du Nouveau Testament, ou dans le changement de rites ecclésiastiques et ordonances depuis les temps Apostoliques). L'Église et ses membres connaissent, par la connaissance intérieure de la Foi, l'unité et l'immuabilité de leur esprit, Qui est l'Esprit de Dieu. Mais ceux qui sont au dehors et ne sont pas appelés à en faire partie, ils voient et connaissent les changements à un rite externe par une connaissance extérieure,  qui n’atteint pas l’intérieur, de même que l'immuabilité de Dieu leur paraît changée dans les changements de Sa création. Dès lors, l'Église n'a pas pu ni n'aurait pu changer ou être confuse, ni n'aurait pu chuter, car dès lors elle aurait été privée de l'Esprit de vérité. Il est impossible qu'il aie pu avoir un moment où elle aurait pu avoir accepté l'erreur en son sein, ou un temps où le laïcat, le clergé et les évêques se seraient soumis à des instructions ou des enseignements en contradiction avec les enseignements et l'Esprit du Christ. Celui qui prétendrait qu'un tel affaiblissement de l'Esprit du Christ pourrait être possible en elle ne connait rien à l'Église, et prouve par là qu'il lui est étranger. De plus, une révolte partielle contre de fausses doctrines, en même temps que la conservation ou l'acceptation d'autres fausses doctrines, ni ne sont ni ne pourraient être l'oeuvre de l'Église; car en elle, selon sa véritable essence, il doit toujours y avoir eu des prédicateurs et enseignants et martyrs confessant non pas la vérité partielle mèlée à l'erreur, mais la vérité pleine et inaltérée. L'Église ne connait rien de la vérité partielle et de l'erreur partielle, mais uniquement l'entièreté de la vérité sans mélange avec de l'erreur. Et celui qui vit au sein de l'Église ne se soumet pas à de faux enseignements ni ne reçoit de Sacrements d'un faux enseignant; le sachant dans l'erreur, il ne voudra pas suivre ses faux rites. Et l'Église elle-même ne se trompe pas, car elle est vérité, elle est incapable de fourberie ou de lâcheté, car elle est sainte. Et bien entendu, l'Église, par son immuabilité même, ne reconnaît pas comme erreur ce qu'elle a auparavant reconnu comme vérité; et ayant proclamé dans un Concile Général et par consentement unanime, qu'il est possible pour n'importe qui, laïc, ou évêque ou patriarche (1) de se tromper dans son enseignement, elle ne peut pas reconnaître que tel laïc ou évêque ou patriarche ou un de leur successeur serait incapable de tomber dans l'erreur d'enseignement; ou qu'il serait préservé de s'en éloigner par une grâce spéciale. Par quoi donc est-ce que la terre pourrait être sanctifiée, si l'Église venait à perdre sa sainteté? Et où y serait la vérité, si ses jugements de demain devaient être contraires à ceux d'aujourd'hui? Au sein de l'Église, c'est-à-dire, au sein de ses membres, des fausses doctrines peuvent être engendrées, mais alors les membres infectés en sortent, constituant un schisme ou une hérésie, et ne souillant plus la sainteté de l'Église.

(1) Comme par exemple ce pape de Rome, Honorius, dont l'enseignement fut condamné au 6ème Concile Oecuménique.

"L'Église est Une"
par Alexei Stepanovich Khomiakov (1804-1860)

26 avril 2017

Je crois en l'Église Une... (A.S. Khomiakov 3/12)

II – L'Église visible et invisible

L'Église visible, ou terrestre, vit en communion et unité parfaite avec l'entièreté du corps de l'Église, dont le Christ est la Tête. Le Christ et la grâce du Saint Esprit demeurent en elle, dans toute leur vivante plénitude, mais pas dans la plénitude de leur manifestation, car elle agit et ne sait pas en plénitude, mais seulement dans la mesure où il plaît à Dieu.

Dans la mesure où l'Église terrestre et visible n'est pas la plénitude et la totalité de l'Église entière que le Seigneur a fixée à comparaître au Jugement final de toute la Création, elle agit et connaît seulement au sein de ses propres limites; et (selon les paroles de l'Apôtre Paul, en 1 Corinthiens 5,12), elle ne juge pas le restant de l'humanité, et ne fait que regarder vers ceux qui sont exclus, c'est-à-dire, qui n'en font pas partie, qui s'excluent d'eux-mêmes. Le restant de l'humanité, qu'il soit étranger à l'Église, ou unit à elle par des liens que Dieu n'a pas voulu lui révêler, elle le laisse au Jugement du Grand Jour. L'Église terrestre ne se juge qu'elle-même, selon la grâce de l'Esprit, et la liberté qui lui est accordée par le Christ, invitant aussi le restant de l'humanité à l'unité et à accepter la filiation divine par le Christ; mais envers ceux qui n'écoutent pas son appel, elle ne prononce pas de sentence, connaissant le Commandement de son Sauveur et Chef [explicité par l'Apôtre Paul], "Qui es-tu, toi, pour te poser en juge du serviteur d'autrui" (Rom. 14,4).

"L'Église est Une"
par Alexei Stepanovich Khomiakov (1804-1860)

25 avril 2017

Radonitsa, une fête des défunts mais aussi de la joie (p. John)

Al Maseeh Qam! Haqqan Qam! (salutation pascale en arabe)

Avec toutes nos célébrations pascales se concentrant principalement sur la Résurrection du Christ, ce jour-ci - à savoir le mardi après la Semaine Radieuse - marque le premier jour où nous, dans cette même joie Pascale, nous nous souvenons de tous nos chers défunts, ceux qui sont partis avant nous dans l'espérance de la vie éternelle. Nous appelons ce jour "le jour de la joie" (radonitsa, en russe) parce qu'on nous rappelle la descente triomphale du Christ dans l'Hadès : un séjour pour lequel le Christ a utilisé Sa croix comme "clé" pour déverouiller les portes infernales, proclamant la victroire de la vie sur la mort, et nous libérant de l'esclavage du péché qui nous gardait tous captifs.
Traditionnellement, ce n'est pas seulement un jour de souvenir et prière pour nos défunts, mais aussi un jour où il faut visiter leurs tombes dans la joie Pascale. Il est également coutume d'avoir des aliments pascal bénis et des pique-niques sur les tombes des défunts les plus proches.


P. Jean






 With all of our Paschal celebrations focusing mainly upon the Resurrection of Christ, this day – the Tuesday after Bright Week – marks the first day that we, in this same Paschal joy, remember all of our departed loved ones who have gone before us in the hope of eternal life. We call this day the Day of Rejoicing (Radonitsa in Russian) because we are reminded of Christ's triumphal descent into Hades; an instance in which Jesus used His Cross as a "key" to unlock the Gates of Hell, proclaiming victory over death and freeing us from the bondage of sin which held us captive. Traditionally this is not only just a day to remember/pray for our departed loved ones, but to also visit their graves in Paschal joy. It is also customary to have Paschal foods blessed and to picnic over the graves of departed loved ones.

XB!

Fr. John

Je crois en l'Église Une... (A.S. Khomiakov 2/12)

I – Unité de l'Église

L'unité de l'Église découle nécessairement de l'unité de Dieu; car l'Église n'est pas une multitude de personnes dans leur individualité séparée, mais l'unité de la grâce de Dieu, vivant dans la multitude des êtres doués de raison, se soumettant volontairement d'elles-mêmes à la grâce. La grâce, en effet, est aussi donnée à ceux qui y résistent, et à ceux qui n'en font nul usage (qui enfouissent leur talent dans la terre; Mt 25,25), mais ceux-là ne sont pas dans l'Église. En fait, l'unité de l'Église n'est pas imaginaire ou allégorique, mais c'est une véritable et substantielle unité, telle que celle entre les divers membres d'un même corps vivant.

L'Église est une, nonobstant ses divisions telles qu'elles apparaissent à l'homme qui vit encore sur terre. Ce n'est qu'en parlant de l'homme qu'il est possible de reconnaître une division de l'Église entre visible et invisible; son unité est, en réalité, véritable et absolue. Ceux qui vivent sur terre, ceux qui ont achevé leur parcours terrestre, ceux qui, tels des Anges, n'ont pas été créés pour une vie sur terre, ceux des futures générations qui n'ont pas encore entamé leur parcours terrestre, tous sont unis, ensemble dans l'Église une, en une et même grâce de Dieu; car Dieu connaît jusqu'à l'être qui n'a pas encore été créé; et Dieu entend les prières et connaît la Foi de ceux qu'Il n'a pas encore appelés du non-être à l'être. En effet, l'Église, le Corps du Christ, se manifeste et s'épanouit dans le temps, sans changer son unité essentielle ou sa vie intérieure de grâce. Et c'est pourquoi lorsque nous parlons "d'Église visible et invisible", nous n'en parlons qu'en ce qui concerne la relation à l'homme.

"L'Église est Une"
par Alexei Stepanovich Khomiakov (1804-1860)

24 avril 2017

Je crois en l'Église Une... (A.S. Khomiakov 1/12)

Un des articles du Credo dit "je crois en l'Église Une"
Qu'est-ce que peut bien signifier cet article que diverses Églises locales divisées ou déchirées, récitent pourtant chacune de leur côté? Un célèbre poète et auteur théologique, co-fondateur du mouvement pan-Slave, en a donné un excellent résumé au 19ème siècle. Seuls quelques détails historiques gagneraient à être mis à jour par des remarques complémentaires, détails qui n'étaient pas encore d'application au temps de l'auteur, ceci expliquant cela.
Par ses échanges de correspondance théologique avec plusieurs éminents représentants de la High Church dans la Communion Anglicane, Alexis Stepanovich Khomiakov les a amenés à découvrir la plénitude de l'Église. Un exemple à suivre en ces temps d'indifférentisme, de relativisme, et autres maladies spirituelles profondément ancrées en Occident.

Texte anglais sur un site internet du Vicariat de Rite Orthodoxe Occidental du Patriarcat Grec-Orthodoxe d'Antioche:

http://www.westernorthodox.com/khomiakov

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"L'Église est Une"
par Alexei Stepanovich Khomiakov (1804-1860)

avec une introduction par l'archiprêtre George Grabbe
[Église Orthodoxe Russe Hors Frontières, futur évêque d'une autre branche russe, entré dans l'éternel repos le 7 Octobre 1995]
Note du transcripteur :
Rien n'a été modifié dans le livret; c'est la traduction intégrale du texte de Khomiakov, avec une introduction sur sa vie, et des notes marginales par l'évêque Gregory Grabbe, anciennement protopresbytre George Grabbe.
Ce livret a introduit nombre de gens dans l'Église Orthodoxe, et il est un des essais les plus courts et cependant les plus complets sur la Foi Chrétienne. Il a été rédigé par un laïc, et est trop limité sur certains sujets tels que la liturgie et les sources de la Tradition. Il est recommandé de complèter avec d'autres ouvrages par la suite.
La conversion de ce texte vers le format ASCII est dédiée à l'évêque Gregory Grabbe, anciennement protopresbytre George, qui rédigea l'introduction et traduisit "L'Église est Une". Il passa de cette vie vers sa bienheureuse récompense le 7 octobre 1995. Vechnya Pamyat! Mémoire éternelle!
Alexei Stepanovich Khomiakov est mort le 23 ou 25 septembre (Julien)/ 5 ou 7 Octobre (calendrier grégorien), presque la même date que l'évêque Gregory. L'évêque Gregory dit que Khomiakov est mort le 25 septembre, dans son introduction; d'autres sources, comme Lossky, disent 23 septembre.

[Note du traducteur en 2006 : En français, à ma connaissance, il n'y a que 4 ouvrages publiés sur Khomiakov. Ayant été publiés avant la seconde guerre mondiale, on ne les trouve qu'en bibliothèque. Un seul a été écrit par un auteur Orthodoxe, les autres sont soit préfacés soit écrits par des auteurs hétérodoxes. Ce sont d'excellents ouvrages, et par eux, j'ai découvert et appris à aimer Khomiakov.
1) "A.S. Khomiakov et le mouvement slavophile"
1a) "les hommes"
A. Gratieux
Unam Sanctam n° 5, 1939

1b) "les doctrines"
Unam Sanctam n° 6, 1939

3) "Préface aux oeuvres théologiques de A.S. Khomiakov"
G. Samarine
traduction G. Gratieux
collection Unam Sanctam n° 7, 1939

4) "Le mouvement Slavophile à la veille de la Révolution"
Présentation générale et une partie des écrits par A. Gratieux
Unam Sanctam n° 25, 1953
Le tout aux éditions du Cerf.]

Contenu :
A propos de l'auteur de cette Introduction

Introduction: Les Khomiakov : Famille, accomplissements, vie spirituelle, oeuvres théologiques, mort

Note par l'évêque Gregory:
"Le livre 'L'Église est Une' a été divisé par l'auteur en 11 chapîtres ou paragraphes, sans titres. Dans cette édition, nous avons donné des titres à ces chapîtres, afin de faciliter l'usage du livre."

A propos de l'auteur de cette introduction:

Le révérend protopresbytre George Grabbe [futur évêque Gregory] a été requis de composer cette introduction afin de donner au lecteur Américain quelqu'information à propos de la vie d'Alexei Khomiakov. Le p. Grabbe était un petit-enfant en ligne directe de la fille de Khomiakov, Anna, qui avait épousé le Comte Michel Grabbe. Par sa grand-mère et ses autres parents, le p. Grabbe avait une connaissance de première main de l'esprit de la famille qui a produit ce grand théologien Russe.

Le p. Grabbe est né en Russie et a reçu sa formation théologique à Belgrade, Yougoslavie [Serbie]. Sa famille a toujours été active dans la vie de l'Église. Son père, le Comte Paul Grabbe, était un estimé membre du Concile Général de Russie en 1917 et fut le premier à lever le bras pour l'élection du patriarche.

Le p. Grabbe, lui-même, fut choisi par feu le métropolite Antoine de Kiev, un ami de sa famille, pour être chancellier du Synode des Évêques de l'Église Orthodoxe Russe Hors Frontières. Il a occupé ce poste à partir de 1931. Avec le Synode, il se réinstalla dans ce pays en 1951. Depuis 1932, il a été l'éditeur du magazine du Synode, "Church Life", et a aussi participé à nombre d'autres revues théologiques russes. (ceci a été écrit en 1953)

Introduction

L'essai que nous présentons est un des traitements les plus inhabituels et provocatifs d'un sujet théologique jamais écrits. Il a été composé en 1844 ou 1845, mais n'a pas été imprimé avant 1863 – 3 ans après la mort prématurée de son auteur. C'est un document des plus surprennants parce qu'Alexei Stepanovich Khomiakov, qui l'a écrit, était un laïc sans la moindre responsabilité théologique officielle.



Malgré le fait que par profession, Khomiakov n'était rien d'autre qu'un capitaine de cavalerie à la retraite, il était un des hommes les plus érudits et polyvalents de son époque. C'était un grand dialecticien et philosophe; un homme aux dons birllants, un talentueux et pieux poète, et il a été reconnu par beaucoup comme un des plus grands théologiens qu'aie jamais produit la Russie.

Dans une préface à la première édition des oeuvres théologiques de Khomiakov, un ami, Yuri Samarin, l'appele "docteur de l'Église." Samarine anticipait que certains de ses lecteurs seraient choqués. Il écrivait :

"Quoi? Khomiakov, qui vécu à Moscou, notre ami à tous; ce compagnon comique et plein d'humour, dont nous rigolions et avec qui nous discutions tant; ce libre-penseur qui était suspecté par la police de ne pas croire en Dieu et de manque de patriotisme; cet incorrigible Slavophile, méprisé par les journalistes pour son exclusivisme nationaliste et son fanatisme religieux; ce modeste laïc qui fut enterré il y a 7 ans d'ici, en une grise journée d'automne, dans le monastère Danilovsky, par 5 ou 6 proches et amis et 2 camarades de jeunesse, à la tombe de qui ni les représentants de la hiérarchie ni les érudits ne furent vus; ce capitaine de cavalerie à la retraite, cet Alexei Stepanovich Khomiakov ... Lui, un Docteur de l'Église? - Oui, c'est bien de lui qu'il s'agit!"

En fait, même à l'époque, Samarin était seulement le premier à publier une telle déclaration, mais il n'était pas le premier à la faire. Peu après la mort de Khomiakov, en 1860, Ivan Aksakov l'appela aussi "Docteur de l'Église" dans une lettre privée adressée à la Comtesse Bloudov. Une telle haute estime des oeuvres théologiques de Khomiakov n'était pas inhabituelle parmi ceux de ses amis qui étaient en mesure d'apprécier ses écrits. Cet hommage est à présent répèté et accepté par nombre d'auteurs comme une expression de ce que Khomiakov réellement signifie pour la théologie Orthodoxe.

La famille Khomiakov

A.S. Khomiakov est né dans une riche famille noble, bien qu'aucun d'entre eux n'était proche de la Cour Impériale. Ses ancêtres de même que ses parents vivaient dans leurs propriétés et menaient une vie patriarcale dans une amitié proche et inhabituelle avec leurs paysans.

Le servage en Russie, comme dans tout autre pays, était une institution très malheureuse. Mais là où les propriétaires étaient des bons Chrétiens, les paysans étaient souvent vus comme des amis de la famille et étaient plutôt heureux.

Je me souviens d'une vieille femme, ancienne gouvernante de la maison de ma grand-mère (fille d'A.S. Khomiakov), qui a vécu avec elle jusqu'à ses derniers jours. Elle était traitée comme un membre de la famille. Quand elle était jeune fille, elle était une des paysannes des Khomiakov. Et même lorsque l'émancipation des paysans fut proclamée par l'empereur Alexandre II en 1861, elle continua de rester avec ma grand-mère. Elle parlait de ses années de servage auprès des Khomiakov comme étant très heureuses pour elle et les autres paysans. Il est intéressant de savoir que la branche de la famille à laquelle Alexei Khomiakov appartennait devait en fait sa richesse à ces paysans.

L'arrière-grand-père d'Alexei Khomiakov, Théodore, bien qu'officier des Gardes, n'avait qu'une fortune très limitée. Un parent éloigné et fort riche, Cyril Khomiakov, ayant perdu son épouse et leur fille unique, rassembla ses paysans et leur proposa de choisir un de ses parents comme héritier pour ses propriétés.

Une délégation de paysans parti se renseigner sur les différents membres de la famille Khomiakov. Ils revinrent après plusieurs mois d'investigation, ayant choisit Théodore Khomiakov. Cyril rencontra Théodore peu après, le trouva digne d'être son héritier – et lui donna toute sa propriété.

Alexei Khomiakov grandit au milieu de gens simples et dans une atmosphère de respect mutuel et de confiance. Il passa la plupart de son enfance dans le pays, avec les enfants de paysans comme copains de jeu.

La famille Khomiakov était très cultivée. La mère d'Alexei appartenait aussi à une famille (les Kireyevsky) dont les membres étaient cultivés et possédaient de très grands intérêts pour la science. Ses neveux, Ivan et Pierre Kireyevsky, comme leur cousin Alexei Khomiakov, ont marqué de leur influence la pensée philosophique russe de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle.

Les Khomiakov étaient aussi une famille harmonieuse. Alexei était un fils obéissant, qui admirait et vénérait sa mère. Après la mort de son frère, Théodore, il quitta le service militaire (bien qu'il l'appréciait) juste pour être près d'elle – et pour la réconforter dans sa peine.

Lorsqu'il épousa Katherine Yazykov, soeur du célèbre poète, il devint le plus aimant et dévoué des maris, et le père de 9 enfants. Deux d'entre eux, Stéphane et Théodore, mourrurent durant leur enfance et un de ses plus beaux poèmes fut écrit à la mémoire de ces enfants. Ces versets furent traduits en anglais par Palmer et provoquèrent une correspondance et l'amitié entre les 2 théologiens.

Le décès prématuré de son épouse fut un choc terrible, dont jamais Khomiakov ne se remettra. Il accepta cela comme un avertissement de Dieu : "Je sais qu'elle est plus heureuse qu'elle ne l'a été dans ce monde," disait Khomiakov à Yuri Samarin, "mais j'avais l'habitude de beaucoup trop m'abandonner à la plénitude de mon bonheur." La pensée qu'il tira de cette perte fut le souvenir constant de la mort. "Grâce à Dieu," dit-il à Samarin, "je n'ai à présent plus besoin de me rappeler de la mort; ce souvenir m'accompagnera de manière inséparable jusqu'au bout."

Accomplissements

L'arbre généralogique des Khomiakov a nombre de branches – chacune d'entre elle pouvant revendiquer une intelligence et formation remarquables. Le nom des frères Kireyevsky, des Samarins, des Aksakovs, du poète Yazykov, Koshelev – tous ont une grande signification pour les érudits de l'histoire de Russie, de sa littérature et philosophie. Tous ont été beaucoup lus, débordants de nouvelles idées. Mais Khomiakov lui-même sera lu plus et mieux qu'aucun d'entre eux.

Il hérita d'une riche bibliothèque et l'aggrandit généreusement. Son biographe, le professeur Zavitnevich, note qu'en une seule année, Khomiakov avait acquis pour 10.000 roubles (près de 5.000 dollars) de livres – une dépense considérable dans un but pareil pour l'époque.

Alexei Khomiakov connaissait parfaitement l'anglais, le français et l'allemand, de même que le latin et le grec. Alors qu'il n'était âgé que de 17 ans, il acheva ses études à l'université de Moscou comme candidat en mathématique. Tout l'intéressait; c'était un véritable encyclopédiste : peintre, architecte et mécanicien. Il fut l'inventeur d'une machine qui fut exposée à Londres; il travailla à l'amélioration d'un canon et inventa de nouvelles méthodes pour distiller et produire du sucre. En tant qu'officier de cavalerie, il participa à la guerre Russo-Turque de 1828. Sa bravoure fut remarquée par ses commandants. Il fut aussi sportif – chasseur expérimenté et expert en chiens. Il gagna un jour le premier prix pour une traversée à la nage du Lac de Genève.

Comblé par toutes ces réussites physiques, Khomiakov était en même temps un des meilleurs poètes Russes. Sa poésie était hautement appréciée par Pouchkine et se tient plus ou moins au même niveau que nombre de classiques russes.

Mais par dessus tout, Khomiakov suivit des études de théologie, philosophie, histoire et philologie. Et bien qu'il n'eut pas son diplôme de philologie, son dictionnaire des mots sanscrits fut publié par l'Académie Impériale des Sciences de Russie, et il fut considéré comme un pionnier dans cette science.

Vie spirituelle

Homme d'une nature extrèmement active, Khomiakov était aussi très réaliste à bien des égards – en particulier dans sa vie spirituelle. La foi et la vie étaient étroitement liées en Khomiakov. Il ne croyait pas à une foi détachée de la vie. Une théologie distante ne l'intéressait pas.

Etant jeune homme, à peine dans sa vingtaine, Khomiakov vécut plusieurs mois à Paris. Il y surprit ses amis en observant strictement les jeûnes Orthodoxes. Mais il était toujours ennuyé lorsque quelqu'un exprimait une appréciation pour sa stricte observance des règles Orthodoxes – son jeûne en l'occurence – sans pour autant suivre son exemple. En ce qui le concernait, il agira toujours en accord avec ses principes religieux et ne parviendra pas à comprendre comment d'autres pouvaient agir autrement. Il fut rempli d'amour pour Dieu et les hommes. Toutes ses conceptions et actions découlaient de cet amour.

Khomiakov priait beaucoup et avec ferveur. Yuri Samarin passa une fois la nuit entière dans la même chambre que lui. Se réveillant après minuit, Samarin le vit agenouillé devant les Icônes, priant, avec beaucoup de larmes. Samarin fit semblant de dormir, mais il fut témoin de la prière continue de Khomiakov jusqu'au lever du soleil. Lorsque Khomiakov se leva plus tard dans la matinée, il paru heureux et joyeux comme d'habitude. Un serviteur raconta à Samarin que Khomiakov avait l'habitude de prier chaque nuit de la sorte. En effet, il acomplissait en réalité le Commandement de notre Seigneur à propos de la prière "Quand vous priez, ne faites pas comme les faux dévots : .... Quand tu veux prier, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père dans le secret, et ton Père qui voit dans le secret, te le rendra." (Matthieu 6,5-6).

Nul ne saurait passer des heures en prière s'il n'aime pas Dieu. Il ne fait aucun doute que Khomiakov aimait Dieu de tout son coeur. Cet amour était l'essence de sa vie spirituelle.

Oeuvres théologiques

Les hommes exceptionnellement doués possédant une forte personnalité sont souvent étrangers aux autres qui ne peuvent en saisir les réalisations et l'originalité de leurs travaux et pensées. Khomiakov, au contraire, ne recherchait nul hommage pour ses oeuvres et s'efforça toujours de sentir et de penser non pas comme son esprit et coeur, en individualiste, mais en accord avec l'Église entière.

"Un homme", écrit Khomiakov, "comprend l'Ecriture, pour autant qu'il préserve la tradition et qu'il accomplit un travail agréable à la sagesse qui demeure en lui. Mais la sagesse qui demeure en lui ne lui est pas donnée individuellement mais en tant que membre de l'Église, et lui est donnée en partie sans pour autant abroger son erreur individuelle; mais à l'Église est donnée la plénitude de la vérité et sans le moindre élément d'erreur." (L'Église est Une : Ecriture et Tradition).

Il ne parlait pas pour lui-même; il parlait de la part de l'Église. Et dès lors, il ne voulait pas réclamer des droits d'auteur. Il ne voulait pas même que son nom soit connu des lecteurs de ses ouvrages théologiques. Ils étaient signés "Ignotus" - "Inconnu".

Khomiakov fut particulièrement attentif au vocabulaire de son "L'Église est Une". Il y travailla de longues années durant, tentant toujours de l'améliorer – pour en faire un véritable exposé, non pas de ses vues personnelles, mais de la foi de toute l'Église Orthodoxe.

L'essai a été écrit sous la forme d'un catéchisme, alors que ses autres ouvrages théologiques étaient rédigés dans un style très vivant et dans une forme apologétique – défendant l'Orthodoxie contre les mauvaises représentations dans la littérature étrangère. Ces autres ouvrages ont été écrits dans des langues étrangères (français et allemand) pour des lecteurs Catholiques-Romains et Protestants. Mais "L'Église est Une" a été écrit en russe, pour des lecteurs Orthodoxes. Ici, il utilise parfois la forme de controverse de la déclaration sur la Foi Orthodoxe, mais il le fait afin de rendre la Vérité de l'Orthodoxie plus claire, par contraste avec l'arrière-plan noir de l'erreur.

Un des problèmes qui a le plus intéressé Khomiakov, ce fut l'infaillibilité de l'Église, malgré le fait que sur terre, elle soit composée d'hommes qui commettent constamment des transgressions.

"Chacun d'entre nous est terrestre, seule l'Église est céleste," disait Khomiakov. "Mais dans cette Église céleste, un homme trouvera quelque chose qui ne lui est pas étranger. En elle, il se retrouve lui-même, mais il ne se trouve pas impuissant dans sa solitude spirituelle mais dans la puissance de sa sincère unité spirituelle avec ses frères, avec son Sauveur. Il se trouve dans sa perfection ou, pour mieux l'exprimer, il y trouve la perfection qu'il a en lui-même – l'inspiration divine, qui s'évapore sans cesse dans l'impureté brute de chaque existence personnelle séparée. Cette purification est accomplie par l'invincible puissance de l'amour mutuel des Chrétiens en Jésus-Christ, parce que cet amour est l'Esprit de Dieu."

C'est cet esprit d'mour qui inspira Khomiakov lorsqu'il écrivit ses ouvrages théologiques. C'est cet esprit qui l'aida à discuter des questions dogmatiques les plus controversées, avec une clarté et une force qui n'avaient pas d'égale.

Son premier pamphlet a été imprimé à Paris par une maison d'édition Protestante, Meyers & co. Les éditeurs insérent une préface dans laquelle ils déclaraient qu'il n'était pas facile pour eux de décider de publier un ouvrage dirigé contre les principes de la Réforme. Mais ils exprimaient la conviction que tout un chacun à qui la liberté de conscience était chère approuverait leur décision. Ils ajoutaient : "Nous estimons avoir de la chance de nous voir présenter l'occasion d'honorer cette précieuse liberté, rendent pour la première fois possible d'entendre la voix résonnant parmi nous d'une personne dont le noble caractère et la Foi vivante, qui imprègnent les pages qu'il a écrites, nous inspirent le respect et la sympathie toujours reliées à la communion spirituelle en Christ, malgré de sérieux désaccords."

Lorsqu'on parle des oeuvres théologiques de Khomiakov, nous devons insister sur le fait qu'il n'a jamais introduit en aucune d'elles la moindre doctrine qui aurait été neuve pour l'Église Orthodoxe. Ses doctrines étaient aussi anciennes que l'Église elle-même. C'est seulement dans sa manière de les exprimer qu'il apparaissait comme nouveau pour ses lecteurs.

Le métropolite Antoine de Kiev, parlant de Khomiakov, disait que lorsqu'un Chrétien simple et humble commençait à discuter des doctrines de la Foi, utilisant une nouvelle terminologie mais étant fidèle à la Tradition, un tel auteur demeurait en pleine harmonie avec la théologie Orthodoxe. Il ne dévoile nul nouveau mystère de foi, mais répond seulement aux nouvelles interrogations de l'esprit humain, à partir du point de vue de la vérité éternelle de la Foi.

Le métropolite Antoine nous rappelle que bien longtemps avant le 4ème siècle, l'Église savait de par l'Évangile et la Tradition que le Père et le Fils étaient Un, et que nous sommes sauvés par la Foi en la Sainte Trinité. Mais comment pouvait-on concilier ces doctrines avec les concepts philosophiques humains de la personne et de la nature de Dieu? Cela fut révélé aux Pères lors du Premier Concile Oecuménique et des Conciles suivants (l'idée morale du Dogme de l'Église).

Le métropolite Antoine fait de plus remarquer qu'un lecteur contemporain, trouvant dans les paroles d'un théologien tel que Khomiakov la réponse longtemps attendue à ses difficiles interrogations sur la Foi, est prêt à proclamer qu'une telle explication est une sorte de "nouvelle révélation", alors qu'une autre personne, peu familière avec ces problèmes et vénérant les autorités de l'ancienne école, hésitera à reconnaître que l'auteur a donné une meilleure explication que celle qui se trouve dans les manuels communément acceptés.

C'est vraiment la raison pour laquelle cela a prit tant de temps avant que les oeuvres de Khomiakov soient publiées en Russie et deviennent populaires parmi les théologiens. Mais elles ne seraient jamais devenues aussi populaires et pleines d'autorité qu'elles ne le sont aujourd’hui si la personnalité de l'auteur – et toute sa vie – ne portaient pas témoignage de sa vie de vrai Chrétien.

Mort.

La mort de Khomiakov fut aussi Chrétienne que sa vie. Durant l'automne de 1860, il quitta sa résidence préférée, Bogucharovo (près de Tula), pour inspecter une autre propriété, Ivanovskoye, dans la Province de Riazan. Après un séjour d'un mois, et y ayant accompli ses affaires, il décida de rester 2 ou 3 jours de plus, juste le temps d'achever un article de philosophie, sous forme d'une lettre adressée à Yuri Samarin.

Il travailla jusque tard dans la nuit sur l'article. A 5 heures du matin, il appela son serviteur et lui demanda de frictionner ses jambes et de lui apporter un peu de charbon de bois, qu'il utilisait pour traiter les attaques de choléra. La chandelle brûlait dans son étude. Il commença à écrire une phrase, mais jamais ne l'acheva. Il tomba soudain, frappé par la maladie, et réalisa que c'était bien le choléra. Khomiakov avait soigné bien des gens de cette maladie, utilisant un médicament et une méthode qu'il avait lui-même inventé. Cette fois, cependant, rien n'y fit.

A 07h, il apparela un prêtre, qui arriva à 08h. Khomiakov se confessa, reçu la Sainte Communion et la Sainte Onction. Il était encore pleinement conscient. Il tint le cierge, répéta en chuchottant les paroles des prières et fit souvent le Signe de Croix. Après l'Onction, il perdit connaissance, et le prêtre commença à lire les prières pour les mourrants.
Le patient sembla aller mieux.

"Devrions-nous faire venir Dimitry Alexeyevich?" (son fils aîné) demanda le serviteur.

"Non, je suis content qu'il ne soit pas ici," répondit-il.

"Nous devrions peut-être avertir Bogucharovo?"

"Ils l'apprendront."

A 18h, il semblait encore aller mieux. Son corps redevint chaud – mais pour ses mains.

"Votre tension s'améliore," dit l'assistant du médecin qui veillait sur lui.

"Vous devriez avoir honte. Vous vous êtes occupé de malades depuis tant d'années et vous ne savez pas prendre le pouls. Mon pouls est en train de s'arrêter."

Vingt minutes avant sa mort, un voisin, L.M. Mouromzev, dit : "Vraiment, vous allez mieux; regardez, vous êtes plus chaud et vos yeux brillent mieux."

"Et combien plus brilleront-ils demain!"
Telles furent les dernières paroles de Khomiakov. Il mourrut le 25 septembre 1860.

Selon les mots d'Aksakov, "magicien avec une âme aussi simple que celle d'un enfant, ascète constamment radieux de sainte joie, poète, philosophe, prophète, Docteur de l'Église – Khomiakov, comme c'est souvent le cas, ne fut apprécié durant sa vie que par très peu de gens, mais son importance grandira chaque année."

Paroles prophétiques!

Publié dans le périodique "Russkoye Obozrenie" 3 ans après la mort de Khomiakov, "L'Église est Une" ne fit au départ impression qu'auprès de quelques théologiens Russes. L'impression grandit après que ses oeuvres théologiques aient été publiées en 1867. Bientôt, l'influence pénétra dans les académies théologiques. Khomiakov, si peu connu comme théologien au moment de sa mort, devint un des auteurs les plus influents et faisant autorité en moins de 50 ans.

Je ne doute pas que nombre de lecteurs, intéressés par la théologie et aimant la Vérité, seront heureux de voir imprimée une nouvelle édition des oeuvres de Khomiakov. Je ne peux qu'ajouter comme souhait qu'un traducteur et un éditeur de ses autres oeuvres théologiques soit aussi trouvé. Même à l'heure actuelle, ces dernières n'ont rien perdu de leur fraîcheur et de leur force de conviction, et apporteraient une très appréciable contribution à la pensée théologique américaine.

Archiprêtre George Grabbe (1953)

 [évêque + Gregory]



23 avril 2017